Tout le monde parle du niveau scolaire qui a tendance à baisser d'une année à l'autre. Pourtant, les chiffres officiels disent que les résultats ne cessent de s'améliorer chez nos élèves ! La situation semble tenir du paradoxe ! Une énigme même ! Aussi faut-il chercher les paramètres nécessaires pour l'expliquer, l'élucider ! Depuis au moins trois bonnes décennies, nos élèves ont une prédilection pour les branches scientifiques, économiques, technologiques et informatiques. Le progrès scientifique et technique a donc touché l'école comme tous les domaines, ce qui a exigé de nouvelles compétences à asseoir et consolider chez les élèves qui s'orientent de plus en plus vers ces branches en négligeant les disciplines sociales et littéraires. D'où une certaine faiblesse affichée par un grand nombre de nos élèves et étudiants au niveau de la pratique des langues (expression écrite et orale, orthographe, syntaxe…). Ceci est d'autant plus évident que certains étudiants, fraichement sortis des universités, ne sont pas capables de rédiger une lettre de motivation ou de tenir une conversation lors d'un entretien d'embauche ! Serait-ce là le seul critère pour jauger nos jeunes diplômés et juger notre système éducatif ? Est-ce parce que les élèves sont faibles en langues qu'il faut dire que le niveau baisse ? Par ailleurs, les résultats positifs observés chaque année chez nos élèves et nos candidats aux examens nationaux et les diplômes obtenus dans nos universités reflètent-ils vraiment la valeur et la qualité de notre système éducatif ? Sans doute, d'autres causes sont à l'origine du malaise éducatif en Tunisie. Les résultats scolaires sont-ils fiables ? Sur ce point les idées divergent : il y a ceux qui pensent que les élèves d'aujourd'hui ne sont pas plus bêtes que ceux d'antan et qu'il suffit de voir les taux élevés de réussite enregistrés chaque année dans nos écoles et surtout lors des examens nationaux pour conclure que le niveau de nos élèves est dans l'ensemble satisfaisant. Toujours est-il que le système éducatif actuel, avec toutes ses insuffisances et ses faiblesses, est à l'origine de cette boulimie de bons résultats scolaires et cette envie des parents de voir leurs enfants exceller dans leurs études. Conséquence : le niveau réel de l'élève se mesure ainsi à l'aune du seul score réalisé à l'examen. Mais, il faut signaler que d'autres facteurs sont entrés en jeu dans les vingt dernières années. D'abord, la banalisation des 20/20 obtenus aisément par les élèves à toutes les matières, ensuite le système d'évaluation des enseignants, devenu de plus en plus indulgent, généreux, voire complaisant! Ajoutons à cela, le recours de la part de certains élèves à des procédés illicites, notamment la fraude lors des examens, une pratique qui se développe grâce aux technologies modernes, le téléphone portable par exemple ! Le rachat accordé souvent automatiquement ou arbitrairement aux élèves ayant obtenu 9/20 de moyenne annuelle pour leur permettre d'accéder à la classe supérieure. Enfin et surtout le recours aux cours particuliers, devenus presqu'une condition sine qua non à tout succès scolaire. Sans compter, au niveau du bac, le fameux 25% de la moyenne annuelle, intégré dans le score final de l'examen, qui a permis à tant de candidats à réussir aisément leur examen du bac, notamment ceux inscrits dans des établissements privés où le taux de réussite a toujours été élevé. Inutile donc de dire pourquoi les notes sont alors gonflées pour permettre à l'élève d'atteindre la moyenne arithmétique ou la moyenne générale exigée pour sa réussite. De tels comportements contribuent sans doute à la baisse du niveau de nos élèves. Avec tous ces inconvénients dont souffre notre système éducatif, on se targue encore aujourd'hui, au niveau des autorités de tutelle, à dire que notre éducation est en bonne santé. Un système qui va de mal en pis ! Aussi peut-on remarquer pendant ces deux dernières années, depuis la Révolution du 14 janvier 2011, une sorte de laisser-aller dans nos établissements scolaires où se multiplient actes de violences entre élèves et contre le corps enseignant ou membres de l'administration, menant à un état chaotique dans pas mal d'institutions où nous avons enregistré une propagation de cas de drogue, de viols et d'alcoolisme. La conjoncture politique a, elle-même, contribué à la résurgence de groupuscules extrémistes de toutes les tendances, faisant ainsi de nos écoles des espaces où s'exacerbent chaque jour davantage les hostilités politiques des élèves qui dépassent souvent le cadre du dialogue pour atteindre un stade intolérable de force et de violence. Ici, on agresse un(e) enseignant(e), là, on violente un directeur de collège ou de lycée pour le destituer de son poste, là encore, des énergumènes font irruption dans l'enceinte de l'école, à mains armées, semant la terreur parmi les élèves et les enseignants ! Ajoutons à cela, le nombre d'absences sans cesse croissant enregistrées depuis la Révolution aussi bien chez les élèves que chez les enseignants. Une situation on ne peut plus délicate, fâcheuse et embarrassante pour la bonne marche des études et le bon fonctionnement des établissements scolaires. Et dire qu'aucune mesure n'a été prise par les autorités compétentes pour mettre fin à ce chaos sévissant dans la majorité de nos écoles, dans toutes les régions du pays. Dans de telles circonstances et à ce rythme, on va certainement y laisser des plumes. La situation va s'empirer encore, même si on continue d'octroyer des 20/20 aux copies des élèves et qu'on se retrouve en fin d'année scolaire avec des scores très élevés. Ce n'est là que la partie submergée de l'iceberg : notre système éducatif est en péril, il faut le sauver ! Une Révolution a eu bien lieu dans le pays, cela doit absolument influer sur l'école, l'éducation et la formation des hommes de demain !