A l'occasion de la Journée nationale de Lutte contre la Torture, une conférence de presse a été donnée, hier, au bureau de l'Organisation tunisienne de Lutte contre la Torture. La militante Radhia Nasraoui, présidente fondatrice de l'organisation, a donné un aperçu sur la situation actuelle des victimes de la torture postrévolutionnaire et de l'impunité qui sévit. Après quoi, les membres de l'organisation ont invité les présents à se joindre à eux dans le rassemblement prévu devant le ministère de l'Intérieur pour dénoncer la poursuite de la torture malgré tous les efforts fournis par l'organisation, les avocats et l'OMCT (Organisation mondiale de lutte contre la Torture). «La situation est alarmante, a déclaré Mme Radhia Nasraoui. L'absence d'une poursuite judiciaire et pénitentiaire sérieuse contre les auteurs des crimes de torture, incite ces derniers à continuer sur cette voie vu qu'ils sont, indirectement protégés. Ce climat d'impunité exhorte le corps policier à poursuivre dans le même comportement et offrir le traitement d'antan avec les prisonniers ou les personnes arrêtées», a-t-elle ajouté. Pour l'illustre avocate, la seule solution consiste à réformer tout le système policier, pénitentiaire, judiciaire et sécuritaire pour que cessent ces pratiques tortionnaires sauvages qui entravent les droits de l'Homme. Quant au rôle de l'organisation pour lutter contre la torture, elle explique : «Nous soutenons et encadrons juridiquement les victimes. Une pléiade d'avocats est à leur disposition. En collaboration avec l'OMCT, nous avons ouvert deux bureaux basés dans les villes de Sidi Bouzid et du Kef pour entourer ceux qui ont été sujets aux supplices et aux agressions policières sans qu'il y ait de procès. Ce réseau d'avocats sera là pour enregistrer les plaintes des victimes et pour approcher l'organisation à ces personnes.» Dans le même contexte, ce réseau orientera les victimes et les aidera à déposer leurs dossiers auprès du tribunal afin qu'il y ait de véritables procès et que ces derniers soient équitables. Néanmoins, la présidente de l'Organisation reconnaît que malgré tous les efforts fournis et déployés pour entourer et encadrer les victimes, l'encadrement demeure encore en-deçà de ce qu'elle souhaite et de ce qu'il faudrait faire pour l'instant. Quant à l'encadrement médical et psychique, Mme Radhia Nasraoui a déclaré que l'organisation est fortement soutenue par l'ONG danoise Dignity. Ensemble, les deux organisations essayent au maximum d'estomper les séquelles de la torture sauvage dont étaient victimes les deux dernières années plusieurs citoyens. Des séquelles qui auront marqué à vie ces victimes. Absence de la volonté politique Toujours selon la présidente de l'Organisation nationale de Lutte contre la Torture, le traitement tortionnaire perdure jusqu'à nos jours à cause de l'absence totale d'une véritable volonté politique pour lutter contre ces violations des droits de l'Homme. La réforme demeure la seule solution radicale pour éradiquer des procédures qui ont perduré durant des décennies dans les geôles, les prisons et les postes de police. «Il n'est pas aisé d'ôter un acte devenu presque un réflexe dans le quotidien professionnel des policiers. Ils ont été formés ainsi. Si l'on rajoute à cela, les conditions dures et parfois inhumaines dans lesquelles ils travaillent, l'on comprend qu'ils n'arrivent plus à se maîtriser. Je citerai surtout l'exemple des agents de prison. Dernièrement, il y a eu des cas de blessés à la prison de Mornaguia. Quand on enfreint la loi, même si on est un corps policier ou officiel, il est logique que l'on soit puni. Personne ne doit être au-dessus de la loi. C'est de cette manière que l'on réussira à réduire au maximum le nombre des torturés.», rajoute Mme Radhia Nasraoui. «Les mêmes pratiques sauvages et tortionnaires d'antan sont toujours utilisées. Sur le plan du traitement des incarcérés, rien n'a changé. Le traitement est le même. La seule explication, c'est l'absence totale d'une réforme dans le système pénitentiaire. L'impunité aidant, les bourreaux ne se rendent pas compte de la gravité de leur acte et continuent de plus belle à torturer leurs semblables sans appréhender la punition juridique. Il est temps que cela change !», nous a confié l'avocate et militante Radhia Nasraoui.