La situation lamentable qui sévit dans les services de soins dans les hôpitaux de la santé publique, les conditions de travail intenables dans lesquelles exercent les médecins, tous les désagréments et tracas ajoutés à leur peu reluisante situation matérielle, la violence qu'ils subissent, surtout les médecins résidents, le statut de ces derniers… sont les principales raisons de la colère des médecins qui à bout de patience annoncent une grève pour le 27 juin courant. Dr. Sami Souihli, secrétaire général du Syndicat général des médecins, des pharmaciens et des chirurgiens dentistes de la santé publique, a mis le holà. « La situation est grave, voire alarmante de la santé publique. La dégradation continue de la situation matérielle et professionnelle des médecins de la santé publique est le résultat de choix inappropriés arrêtés par le ministère. Les coûts des soins deviennent onéreux. La gestion des ressources humaines marque un recul », dit-il. Il déplore le fait que les médecins soient de plus en plus tentés par le secteur privé, voire par l'émigration. Les membres du syndicat général ont milité depuis des années pour l'équilibre et la justice de la carte sanitaire. Le gap entre les régions ne fait que se creuser. La qualité des services de soin se détériore même dans les pôles universitaires. Près de 2 millions de Tunisiens fréquentent les CHU. Dans 60% des dispensaires, les consultations médicales ne se font qu'une fois par semaine. L'absence des équipements est un mal chronique. Les pôles universitaires n'arrivent pas à se consacrer comme il se doit à la recherche scientifique vus les déséquilibres de la carte sanitaire. L'amélioration des conditions de travail et des conditions matérielles est de nature à éviter l'exode des médecins vers le privé et à l'étranger. « Le nombre des médecins n'est pas élevé. Il ne dépasse pas les 5000 dans la santé publique », tient à préciser Dr. Sami Souihli. Il ajouté que la violence subie par le personnel de la santé publique, s'explique, entre autres, par l'absence de moyens et la détérioration de la qualité des services. A titre indicatif les salaires dans le privé sont 35 fois plus élevés que dans le secteur public. « Si cette situation perdure, c'est qu'elle est bien voulue », dit le secrétaire général. Depuis le 11 janvier dernier la commission administrative du syndicat a appelé le ministère au dialogue. Sans aucune réponse. « Nos revendications sont intimement liées à celles du citoyen revendiquant une qualité satisfaisante de services de soins », indique le secrétaire général. Il rappelle que lors du dialogue national sur la santé initié par le ministère, les organisations syndicales ont été snobées. Le ministre avait annoncé une couverture universelle de la santé de base en 2016 au cours de ce dialogue. On se demande comment, il va procéder ? Par ailleurs, le syndicat déplore que plusieurs nominations à la tête d'établissements hospitaliers aient été faites sur la base de considérations partisanes et de loyauté et non sur la base du critère de compétence. En même temps, de grands projets privés sont en train d'avancer, comme celui de l'hôpital privé. Le pays glisse dangereusement vers un régime de santé inéquitable et à deux vitesses, celle des pauvres et celle des riches. L'égalité devant la maladie n'est plus la règle. Le ministère fait la sourde oreille. 7 réunions ont été tenues avec les médecins dentistes, sans aucun PV. « La décision d'observer un grève à la fin du mois, s'explique par l'absence de volonté de sauver et préserver le secteur de la santé publique », clame Dr Sami Souihli. La coordination se fera avec le bureau exécutif de l'UGTT pour la fixation définitive de la date.Celle du 27 est la plus probable. Dans le chapitre de la violence, on précise qu'elle est quotidienne. Au CHU de Kasserine, quelqu'un s'est rappelé que sa sœur a décédé il y a six ans, il est allé admonester le médecin de service. Dernièrement 2000 agents du corps paramédical et techniciens ont été recrutés. Toutefois, leur répartition a été faite de façon désordonnée. Les régions qui en ont le plus besoin, n'ont pas été servies. Dr. Mohamed Jammoussi, secrétaire général adjoint du syndicat, précise qu'on ne peut parler de stratégie alors qu'il y a des problèmes très urgents. A titre d'exemple, il évoque le toit du dispensaire Mohamed Ali à Sfax qui a cédé à deux reprises. Il en est de même pour le dispensaire de la Cité el Habib. Hier à la Banque du sang à Sfax, le toit s'est effondré sur les machines. Dr. Jammoussi, affirme que le ministère ne dispose pas de statistiques et s'obstine à ne pas traiter avec les syndicalistes. Dans une région, sept médecins dentistes n'arrivent pas à exercer leur métier, pour manque de techniciens. Il considère que le secteur public de santé est en train de péricliter. Il disparaîtra en quelques années, si rien n'est accompli pour le secourir. Parfois le manque de médicaments dure 185 jours sur une année. Dr. Selma Moâlla du syndicat des médecins résidents, évoquera la violence vécue au sein des hôpitaux. « La violence loin de menacer seulement le médecin, elle a des conséquences néfastes sur la santé des patients. Si le médecin a peur, il ne peut se concentrer et la qualité des soins s'en ressentira », dit-elle. Après l'agression, le 16 mai, d'une femme médecin à La Rabta, les médecins internes avaient interrompu leur travail durant une semaine. La sécurité doit être garantie dans les hôpitaux. Dr. Sami Souihli déplore l'impunité des agresseurs. Concernant le travail obligatoire à l'intérieur du pays dans le cadre du service national, les médecins internes, sans s'opposer au travail dans les régions éloignées, demandent que les conditions requises pour le travail soient garanties. Les moyens doivent être mis à la disposition de ces régions pour le bon déroulement du travail. Dr. Selma Moâllah, rappelle que l'Algérie a fait l'expérience du travail obligatoire durant 3 ans dans les régions intérieures. Ce fut un fiasco. Elle propose qu'on s'inspire de l'expérience du parrainage pratiquée en Europe. Par ailleurs, Dr. Selma Moâlla déplore l'absence de statut pour les médecins internes et résidents. Le nombre d'heures de travail n'est pas défini. Dr. Souissi Mohamed Hédi a résumé le désarroi des médecins, en disant que les grèves sont devenues le seul moyen de dialogue avec le ministère de la Santé publique.