A l'instar du binôme Niki de Saint-Phalle et Jean Tinguely, le couple Aïda et Adel Mhadhebi , (du 25 juin au 06 juillet à la galerie Le damier), font de leur devise : vivre dans l'art, un art de vivre. Tous deux enseignants à l'I.S.B.A.T (Institut Supérieur des Beaux Arts de Tunis) et ayant eu le même cursus universitaire, ils continuent leur voyage au-delà du songe sur un chemin métaphysique. Aïda met l'accent sur le dessin, démarche louable où ses personnages semblent sortir de bandes dessinées où les femmes sont vues dans un bestiaire fantastique, qui nous guide vers cet Eternel Féminin que cite Goethe dans le second Faust ; tous ses êtres qui se déforment sous ses traits, qu'ils soient sur toile ou sur papier gardent tout leur attrait ; souvent accompagnés d'animaux : poissons, iguanes ou hippocampes qui sont des miroirs de pulsions, d'instincts sauvages ou domestiqués, ses peintures et dessins forment une unité où elle trouve son harmonie pour nous montrer le visage de la femme guide, telle la Béatrice de Dante. La « tourmente ensoleillée », l' «esquisse d'un dilemme » ou encore le « duel interne » nous mettent en présence d'une force cosmique allant de Louis Aragon à Pierre Teilhard de Chardin. Sous un autre registre, Adel s'inscrit dans une expression instinctive, suivant quelque peu la pensée de Kazimir Malevitch « j'ai brisé l'anneau de l'horizon, je suis sorti du cercle des choses… » Outre ses gouttelettes de vie projetées sur un fond coloré qui font ode à ses « oïdes» (titre d'une série), notre regard se pose et s'attarde sur ses grandes toiles au fond noir parsemées d'une gestualité de couleur rouge, un symbole de vie se liant à un symbole de fécondité comme nous le voyons en Afrique du Nord, appuie cette fameuse phrase « le rouge et le noir ne s'épousent-ils pas ? » Plus loin sur les cimaises, Adel nous met en présence d'écritures hiéroglyphiques, un clin d'œil au peintre américain Cy Twombly qui offrait à nos yeux vers les années 70 son rapport écriture peinture ; les compositions ainsi présentées de Adel font « sens » c'est-à-dire écriture « spontanéités ancestrales de la main humaine quand elle trace ses signes ». Ses « concepts criptum » peuplent sa toile par la graphie des lettres, des mots ou des chiffres qui traversent sa pensée et font ressortir ainsi des secrets cachés ou perdus. L'expression picturale d'Aïda et Adel Mhadhebi sent bon le vent du large où les nuages se dissipent pour faire place à un ciel serein où la vision est libre et pure et où elle ouvrira de surcroit d'autres horizons. Sylvain Montéléone