Le projet de loi sur le partenariat public-privé (PPP) ne fait pas que des contents. Dans un mémorandum adressé au Chef du gouvernement, l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) a fait savoir qu'elle refuse l'adoption de ce projet de loi en cette étape transitoire, arguant notamment de l'échec de ce genre de partenariat dans de nombreux pays européens et de l'absence d'une vision globale sur les choix économiques futurs. La centrale syndicale précise, de prime abord, dans ce mémorandum publié hier que le lancement d'un débat sur le PPP lors d'une étape de transition politique marquée par l'absence d'un modèle de développement aux contours précis augmente les risques de l'échec de ce programme. Cela est d'autant plus vrai que la loi sur les marchés publics et les concessions est défaillante. L'UGTT estime également que le projet de loi sur le partenariat public-privé est en réalité « un programme de privatisation qui ne dit pas son nom » , notant que le fait que le projet de loi ne mentionne pas la préservation des droits économiques et sociaux ainsi que la notion du travail décent risque d'ouvrir grandement la porte à la sous-traitance et à la précarité de l'emploi. Le PPP n'accorde pas, en effet, une grande importance aux aspects sociaux et écologiques comme en attestent les pratiques de licenciements des salariés et les atteintes à l'environnement observés dans les pays appliquant ce genre de partenariat. «Nous attirons l'attention de l'opinion public que le recours ce genre de programmes qui constituent une composante du libéralisme économique outrancier se situe dans le cadre de la soumission aux diktats des institutions financières internationales et n'émane pas de choix nationaux», précise l'organisation. Un texte qui privilégie les multinationales L'organisation syndicale précise, d'autre part, que le coût des projets réalisés dans le cadre des partenariats public-privé est plus élevé que ceux des autres sources de financement. «Plusieurs expériences montrent que ce type de projet comporte de grands dangers comme la hausse de la dette publique et la faillite des sociétés impliqués dans les projets. Généralement, la partie publique supporte les répercussions néfastes d'un éventuel échec du projet alors que le partenaire privé est dans la plupart des cas épargné», indique le mémorandum. Sur un autre plan, les auteurs du rapport soulignent que la grande taille des projets qui seront réalisés dans le cadre des partenariats public-privé va en faire une chasse gardée des grands groupes internationaux et des multinationales, ce qui écarte de facto les petites et moyennes entreprises locales de la course. La centrale syndicale fait remarquer, par ailleurs, que le projet ne fait aucune mention d'une quelconque intervention de l'Etat pour orienter les projets qui seront réalisés dans le cadre de partenariats public-privé vers les régions intérieures du pays. Cela risque d'accentuer le déséquilibre régional, qui fut l'étincelle de la Révolution, étant donné que les investisseurs privés vont naturellement s'orienter vers les zones côtières disposant d'une bonne infrastructure. Autre réserve de l'UGTT : la mise en œuvre de partenariats public-privé en cette étape de transition politique risque d'ouvrir la voie à la corruption. D'autant plus que les instances de contrôle ne sont pas encore fonctionnelles. Une menace pour la sureté nationale Le mémorandum élaboré par la section des études et de la documentation relevant de l'UGTT estime aussi que certains articles du projet de loi sur le PPP constituent une menace pour la sureté nationale. C'est notamment le cas des articles 6 et 49 qui accordent à des partenaires privés étrangers la possibilité d'investir dans les domaines de la sureté publique et de la Défense nationale. L'article 41 indique, quant à lui, que le partenaire privé ne partage pas les risques liés aux projets avec la partie publique et n'assume pas la responsabilité d'un éventuel échec du projet. Au regard de ces multiples réserves sur le projet de loi relatif au partenariat public-privé, l'UGTT appelle le gouvernement à reporter l'adoption de ce texte , en attendant l'adoption de la Constitution, la mise en place des instances constitutionnelles, la détermination d'un nouveau modèle de développement et la restauration de la sécurité dans le pays. A noter que le projet de loi sur le partenariat public-privé a été élaboré par la présidence du gouvernement en concertation avec l'Union Tunisienne de l'Industrie du Commerce et de l'Artisanat (UTICA). Selon le gouvernement, le recours au partenariat public-privé est justifié essentiellement par les contraintes budgétaires (manque de ressources financières à la disposition de l'Etat) à l'heure où les besoins infrastructure vont crescendo.