«La Tunisie est à la croisée des chemins en matière de libertés », ce constat a été fait fin mai dernier par Amnesty International en présentant son rapport sur l'évolution des libertés en Tunisie. Trois mois se sont déjà écoulés, le constat se confirme davantage pour atteindre dès lors, un seuil alarmant. Outre les pressions, l'agression, le harcèlement et le dénigrement des journalistes, les nominations basées sur le favoritisme tel le cas pour le nouveau directeur de la Radio régionale de Tataouine, les acteurs dans le domaine font l'objet d'arrestations et de placement en détention. Mourad Meherzi, le cameraman d'Astrolab TV et Nassreddine Shili, le réalisateur et acteur de la scène de jet d'œuf sur le ministre de la Culture croupissent tous les deux à la prison de Mornaguia. Leur détention préventive risque de perdurer, étant donné que nous sommes en période de vacances judiciaires. En fait, les signes de régression de la liberté d'expression se multiplient d'un jour à l'autre avec pour objectif de faire taire les voix libres qui osent critiquer le régime au pouvoir ou s'exprimer d'une manière ou d'une autre par rapport à ce qui se passe. La troïka, tout comme d'autres politiciens qui veulent bâillonner la liberté d'expression, ne lésine pas sur les moyens pour attaquer les militants et les voix libres. Les artistes, les journalistes sont jugés comme à l'époque de Ben Ali, pour leurs opinions et leurs expressions libres. Les médias libres, journaux, chaînes télévisées sont aussi victimes de pression rien que pour les asphyxier et les faire taire à jamais. Ils sont tout simplement punis parce qu'ils dévoilent et dénoncent les lacunes du régime au pouvoir. Pressions En effet, la crise dans laquelle se trouve la chaîne télévisée El Hiwar Ettounsi , après la tentative d'arrestation de son responsable Tahar Ben Hassine, l'arrêt de diffusion de la chaîne Tounisia TV, les difficultés par lesquelles passent d'autres supports médiatiques notamment, la presse écrite et la pression qu'on n'y cesse d'exercer en annulant les abonnements des ministères et des établissements publics… ne sont que quelques exemples de ce qui se passe aujourd'hui en Tunisie et cela s'apparente aux méthodes du régime déchu. Longtemps réprimée sous l'ancien régime, la liberté de la presse et d'expression ne connaît pas après la révolution un meilleur sort. D'ailleurs, ce sont les ex militants des droits de l'homme et les anciens activistes de la société civile, aujourd'hui au pouvoir, qui exercent la pression sur les journalistes et les artistes. Ils n'arrivent pas à pardonner à ceux qui se sont exprimés de manière qui sorte de « l'ordinaire » ou qui refusent les décisions imposées et basées sur le népotisme. A titre d'exemple, Mehdi Mabrouk, ministre de la Culture -qui a fait l'objet un vendredi 16 août d'un jet d'œuf de la part du réalisateur Nassreddine Shili- a décidé d'aller plus loin pour porter plainte contre le jeune artiste lequel a choisi de s'exprimer d'une manière « extraordinaire ». Le ministre de la Culture ancien acteur dynamique de la grève administrative des universitaires en 2005, membre de l'Observatoire des Libertés Académiques à la Fédération Générale de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, et surtout un des membres fondateurs du Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux, lequel défend, entre autres les droits des jeunes du bassin minier et des émigrés irréguliers, ne réussit pas à dépasser cet acte. Il ne fait pas par ailleurs, preuve d'indulgence alors qu'il a été lui-même été agressé par l'ancien régime. Tolérance Le sociologue, chercheur et spécialiste dans le domaine de la migration, osait parler de l'un des sujets tabous à l'époque de Ben Ali. Son ouvrage « Voiles et sel » faisait l'état des lieux de la migration irrégulière en Tunisie, sujet qui dérangeait l'ancien régime et qu'il était presque interdit d'en parler. Deux ans après avoir occupé le poste de ministre, Mahdi Mabrouk semble oublier le militantisme et la liberté d'expression lesquels peuvent se traduire en plusieurs formes. D'ailleurs, nul ne peut oublier l'acte d'agression perpétré contre l'ex président français Nicolas Sarkozy à Brax en 2011. Le jeune agresseur condamné à six mois de prison assorti de sursis a eu droit à un non lieu et l'acquittement de la Cour européenne qui a considéré que cet acte n'est autre qu'une forme d'expression. Mahdi Mabrouk en retiendra-t-il la leçon pour pardonner à son agresseur et le cameraman présent pour faire son travail leur acte de protestation. Le gouvernement provisoire ne cesse de multiplier les fautes en termes de répressions sur les journalistes et les supports de médias audiovisuels et écrits. Il impose ses nominations décidées sur la base du clientélisme et ne réagit pas par rapport à la crise de papier et d'encre due à la grève au port de marchandises de Radès. A cela s'ajoute le verrouillage financier ciblé et agencé par on ne sait par quelle force idéologique occulte pour mettre la main sur la presse et limiter la liberté d'expression.