Hier matin, une manifestation des journalistes à laquelle a appelé le Syndicat national des Journalistes, a eu lieu devant le siège de la Radio nationale pour dénoncer les nominations partisanes à la tête des médias publics. La manifestation a rassemblée une centaine de personnes dont la composante était particulièrement hétéroclite. Outre les journalistes qui travaillent aux radios publiques et leurs confrères qui étaient venus nombreux pour les soutenir, nous avons noté la présence d'un grand nombre de défenseurs de la liberté d'expression, des Droits de l'Homme, certains membres de la HAICA à l'instar de Hichem Snoussi et une présence hautement emblématique dont celle des députés démissionnaires de l'ANC. Non au bâillonnement des médias publics En colère et sur le pied de guerre, les journalistes présents au rassemblement ont crié leur refus catégorique de se laisser happer et accaparer sous le joug d'une nouvelle dictature que le gouvernement actuel serait en train d'imposer aux médias publics. Ils réclament leur droit de travailler non pas pour répondre à l'agenda politique du parti majoritaire au pouvoir mais bien pour exercer dans la transparence totale sans la pression d'un quelconque parti. Ils se disent déterminés à protéger le secteur de toute tentative de museler la parole libre et de cadenasser l'information car c'est un droit inéluctable pour que le citoyen ait accès à tout ce qui se passe dans le pays et se trame dans les coulisses. Les violations récentes sont, effectivement, nombreuses et alarmantes. Les nominations parachutées, aléatoires et imposées par le gouvernement sans concertation ni avec la HAICA ni avec les gens du secteur, sont en elles-mêmes une sonnette d'alarme inquiétante pour un domaine qui ne peut s'épanouir et exercer que dans l'indépendance totale pour mener à bien sa mission. Dans le même contexte, les journalistes de toutes les radios nationales ont juste diffusé des informations portant sur la grève sur les plateaux quotidiens, il s'agissait de ne parler que des risques qui planent sur les médias publics et qui cadenassent l'information et violent la déontologie du métier. La marche protestataire qui a eu lieu devant le siège de la radio nationale était une réaction d'indignation quant aux récentes nominations parachutées effectuées par le gouvernement et qui a concerné les directions de 9 radios publiques aussi bien pour dénoncer les agissements du nouveau directeur général de ladite radio, M. Mohamed Meddeb. Certains de ces comportements ont touché ses subalternes hiérarchiques, à savoir les sous-directeurs dont toutes les fonctions leur ont été tout bonnement retirées. Aussi bien les journalistes qui travaillent dans un climat de tension insoutenable surtout que le nouveau directeur de la radio nationale intervient même dans la ligne éditoriale, ligne rouge pour la liberté de la presse et pierre angulaire de la démocratie. Le média public au service du citoyen et non du pouvoir Neuf radios publiques ont participé à cette grève que l'UGTT et la HAICA soutiennent et encadrent. Les trois institutions se sont joint aux revendications des journalistes quant au droit à la neutralité, d'un média public qui n'est pas au service d'un régime politique donné mais bien au service du peuple tunisien. Sur place, Le Temps a récolté le témoignage de la présidente du SNJT, Nejiba Hamrouni : «Aujourd'hui, il est plus qu'urgent de se lever contre toutes ces tentatives de mainmise sur les médias publics ! Il est hors de question que le gouvernement fasse le mauvais et le beau temps dans des institutions qui appartiennent au peuple tunisien. Ce dernier a le droit a une information neutre, impartiale et transparente et non à une information partisane qui sert l'agenda politique de ceux qui sont au pouvoir ! ces agissements sont alarmants et illustrent une fois de plus le désir machiavélique de vouloir bâillonner la parole, marginaliser le secteur et priver le citoyen de connaitre certaines vérités que le pouvoir en place a peur de dévoiler. Continuer à nommer sans concertation avec la HAICA, les directeurs à la tête des médias publics est une violation honteuse et un abus des pouvoir de la part de l'Etat qui ne respecte pas ses engagements envers une institution que lui-même a appelé à sa création, à savoir la Haute Autorité Indépendante de la communication audiovisuelle. C'est à cette instance de prendre pareille décision et encore ! Les nominations devraient émaner d'un concours sur dossier où les futurs candidats déposent leurs dossiers. Cela devrait se faire dans les règles de l'art et on de manière absolutiste et anarchiste ! Alors qu'il devait se retirer dignement, le directeur nommé à la tête de la radio nationale a continué de plus belle et a obligé des pigistes à travailler en ce jour de grève à la place des journalistes permanents ! Une preuve de plus d'incompétence et un manque de professionnalisme. »
Melek LAKDAR
Soutien de Reporters sans frontières Reporters sans frontières exprime son soutien au mouvement de grève lancé à l'initiative du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) en vue de protester contre les récentes nominations à la tête de cinq radios publiques et l'ingérence de la direction dans les lignes éditoriales des radios publiques. Malgré les protestations répétées des organisations de la société civile et des professionnels de l'information, notamment au sein de Radio Tataouine, le gouvernement poursuit, depuis son arrivée au pouvoir, sa politique de nominations arbitraires à la tête des médias publics. Dans une lettre ouverte adressée au premier ministre, Ali Laarayedh, le 22 août dernier, l'organisation a appelé les autorités à revenir sur la nomination des directeurs à la tête de Radio Nationale, Radio Culturelle, Radio Jeunes, Radio Gafsa et Radio Tataouine, effectuées en infraction de la loi tunisienne, et en violation du principe démocratique de l'indépendance des médias publics. Reporters sans frontières a également encouragé l'HAICA à revenir sur les nominations prises antérieurement à sa création, dans le respect du droit. En plus d'être illégales, ces nominations ne sont pas sans conséquences sur la ligne éditoriale de ces médias. En témoignent deux circulaires internes, datées respectivement des 15 et 20 août, adressées par la direction de la Radio nationale aux journalistes. Ces documents, publiés par le journal le Courrier de l'Altas, indiquent que “les conducteurs des journaux d'information doivent être remis 24 heures au préalable” et invitent les journalistes à “bannir toute information de nature à troubler l'ordre public et la paix sociale” ”. Le 31 juillet dernier, le Président Directeur Général de l'ERT, Mohamed Meddeb, a décidé d'interrompre brutalement l'émission animée par Saïda Zoghbi traitant des affrontements opposant l'armée aux islamistes sur le mont Chaambi. Ces interférences sont rendues possibles par l'absence de règlement intérieur pour l'Etablissement de la radio publique tunisienne. Il est donc crucial que l'ERT se dote enfin, d'un règlement intérieur, conforme aux standards internationaux. “L'ensemble de ces décisions, que ce soit les nominations, l'interférence dans la ligne éditoriale, ou l'interruption de programmes, montre à quel point les autorités entendent contrôler les médias publics, pour en faire des organes relayant les bulletins officiels du gouvernement. L'indépendance des médias publics, pierre angulaire d'un système démocratique, est bafouée au pied par les autorités tunisiennes”, a déclaré Reporters sans frontières.