Malgré l'échec cuisant des négociations indirectes entre la coalition au pouvoir et l'opposition qu'elle a parrainé, l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) ne compte pas jeter l'éponge de sitôt. “La solution ne se fera pas aux dépens de la Troïka, mais ce ne sera pas non plus la solution de la Troïka”, a-t-il ajouté, assurant que “la pression sera maintenue pour amener la Troïka à accepter cette solution et à infléchir sa position”. La centrale syndicale qui s'est efforcé durant plus d'un mois de rapprocher les points de vue diamétralement opposés entre les principaux adversaires politiques semble, en effet, garder l'espoir d'arriver à une solution concertée à la crise consécutive à l'assassinat du député Mohamed Brahmi. C'est, du moins, ce qui ressort de l'allocution prononcée hier par le secrétaire général de l'UGTT, Houcine Abassi, lors de la séance d'ouverture des travaux du congrès ordinaire de l'Union Régionale du Travail à Tunis. «Nous avons décidé d'interrompre les concertations lancées entre les partis politiques. Mais nous attendons des signes positifs pour lancer un vrai dialogue national», a notamment indiqué M. Abbassi. Et d'ajouter : «notre pays traverse une grave crise économique et sociale alimentée par les tiraillements politiques. Nous sommes condamnés à résoudre cette crise dans les plus brefs délais afin d'éviter le pire». Le responsable syndical a également appelé pour la énième fois la Troïka au pouvoir et l'opposition à faire des concessions. «Les diverses parties doivent faire des concessions douloureuses pour prouver qu'elles placent réellement l'intérêt du pays au dessus de toute autre considération», a-t-il précisé. M. Abbassi semble très remonté contre les manœuvres et les reculades de certaines parties qu'il n'a pas nommé. « Nos nombreuses tentatives de relancer le dialogue entre les différents acteurs de la scène politique se sont heurtées au comportement de certaines parties qui cherchent à faire avorter toute avancée. A chaque fois qu'une petite percée est réalisée, ces parties reculent», a-t-il déploré. Le secrétaire général de l'UGTT a, d'autre part, fait savoir que les organisations nationales qui ont parrainé le dialogue national indirect entre le pouvoir et l'opposition «vont révéler toute la vérité sur les responsabilités dans l'échec de ce dialogue au moment opportun». Il a également estimé qu' «il est grand temps que le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie révèle la vraie situation économique du pays au peuple ». Campagne de dénigrement M. Abbassi a, par ailleurs, tiré à boulets rouge sur l'intention de certaines parties de falsifier les prochaines élections. « L'une des priorités consiste à organiser des élections transparentes qui vont contribuer à redorer le blason de la Révolution tunisienne. Or on ne peut aucunement parler d'élections transparentes à l'heure où certaines parties tentent de faire main basse sur toues les rouages de l'Etat», a-t-il indiqué. Sur un autre plan, le secrétaire général de l'UGTT a brocardé la campagne de dénigrement lancée contre son organisation. «Nous avons été dénigrés et certains nous ont appelé à se contenter de jouer un rôle strictement syndical. Mais nous restons convaincus qu'aucune force aussi puissante soit-elle ne peut porter atteinte à la centrale syndicale», a-t-il déclaré. Le dialogue national indirect s'est achevé mercredi par une réunion tenue entre les organisations parrainant le dialogue (UGTT, UTICA, LTDH, Ordre des Avocats) et des représentants de l'opposition. Au cours de cette réunion, les opposants ont estimé que les dernières propositions de la coalition au pouvoir restent éloignées de l'initiative lancée par l'UGTT. Cette dernière préconise notamment la formation d'un gouvernement de compétences nationales et la détermination d'un agenda pour l'Assemblée nationale constituante (ANC). Lors de sa dernière rencontre avec les médiateurs, la Troïka a proposé la démission de l'actuel gouvernement dans un délai de 8 semaines. Elle a, néanmoins, indiqué que ce délai pourrait être ramené à quatre semaines seulement au cas un dialogue direct entre l'opposition et la coalition au pouvoir aboutirait à un consensus rapidement. A l'issue de sa réunion avec les organisations qui parrainent le dialogue national, l'opposition a menacé d'organiser de nouvelles manifestations pour pousser le gouvernement à la démission après l'échec des négociations visant à mettre fin à la crise politique. Hamma Hammami, un dirigeant de la coalition d'opposition, a rejeté sur Ennahdha, le principal parti de la coalition gouvernementale, l'échec de la médiation tentée par la centrale syndicale UGTT. «Le mouvement Ennahdha est responsable de l'échec des négociations parce qu'il a montré qu'il ne veut pas quitter le pouvoir malgré la crise qui secoue le pays» a-t-il affirmé. Walid KHEFIFI
L'Union pour la Tunisie préconise le maintien de la pression pour l'acceptation de l'initiative de l'UGTT Selon le secrétaire général du Mouvement Nidaa Tounès, les parrains du dialogue et les partis qui s'y investissent sont unanimes à considérer que la position de la Troïka concernant l'initiative de l'UGTT équivaut à “fermer définitivement la porte du dialogue et à rejeter catégoriquement cette initiative”. Taïeb Baccouche a ajouté, dans une déclaration aux médias, à l'issue de la réunion de la haute instance de l'Union pour la Tunisie (UPT), que “cette attitude de refus fait écarter toute possibilité de penser à une vraie volonté de parvenir à une solution”. Le porte-parole du parti Al-Joumhouri, Issam Chebbi, a lui aussi déclaré aux médias que l'UGTT et les autres parrains du dialogue “porteront à la connaissance de l'opinion publique la position des différentes parties prenantes et désigneront le reponsable du blocage des pourparlers et de la difficulté à parvenir à une solution”. Pour lui, le responsable de ce piétinement n'est autre que la partie gouvernementale. “En ce qui nous concerne, en tant qu'opposition, nous assumerons notre responsabilité de mobilisation de l'opinion publique et maintiendrons notre soutien à l'UGTT parce que nous sommes persuadés qu'elle représente le seul cadre valable pour le règlement de la crise”, a-t-il dit. De son côté, Abderrazak Hammami, secrétaire général du Parti du travail patriotique et démocratique, a indiqué que les parrains de l'initiative avaient reçu une réponse “sur un ton sévère” de la Troïka signifiant son refus de souscrire à l'initiative. “La disposition fait défaut de dissoudre le gouvernement et de passer rapidement au règlement de la crise. Bien au contraire, on reparle de retour à l'Assemblée nationale constituante avec sa loi portant organisation provisoire des pouvoirs et ses multiples missions, sans compter le maintien du gouvernement avec ses pleines compétences jusqu'à la fin du dialogue”, a-t-il déclaré.