Un gouvernement qui ne gouverne pas, un « dialogue » de sourds où on « dialogue » pour tuer le dialogue, une économie au bord de l'asphyxie, des régions qui attendent leur part d'horizon, un environnement totalement sinistré, une morosité générale, avec l'angoisse et la peur du terrorisme armé jusqu'aux dents… En bref, un laisser-aller général et généralisé où l'autorité de l'Etat, pratiquement défaillante, parce que frappée au cœur… Et pourtant, comme le dirait Galilée : « elle tourne » la bonne vieille Tunisie ! Et s'il y avait un Prix Nobel de la patience, il serait partagé entre le peuple tunisien et M. Houcine El Abassi, Secrétaire général de l'UGTT, au nom du « Quartet », pour le dialogue et la paix sociale ! C'est avec des signes de profonde souffrance intérieure que le leader de la Centrale syndicale a exprimé, au nom de ses collègues, Mme Bouchamaoui, présidente de l'UTICA, M. Ben Moussa, président de la Ligue des Droits de l'Homme et Maître Mahfoudh, Bâtonnier de l'Ordre des avocats, toute son amertume pour constater l'échec, le troisième, annoncé et programmé par la centrale islamiste du processus de dialogue national. Comment en serait-il autrement, quand on sait que le parti dominant au pouvoir est dirigé par de très rudes manœuvriers que même le grand politiste égyptien, Hassanine Heykel, n'arrive pas à sonder ! En fait, la grande erreur de l'opposition et même du « Quartet » c'est d'avoir baigné dans un optimisme exagéré depuis la démission du gouvernement Jebali à la suite de l'assassinat de feu Chokri Belaïd. Le Premier ministre d'alors, a reconnu en gentleman, son échec relatif et a proposé un gouvernement de technocrates, d'ailleurs, accepté par tous, sauf par son propre parti. Puis, on a coupé la poire en deux et on a remis la Troïka en selle avec une petite concession : la neutralité des ministères de souveraineté et la promesse ferme d'accélérer les travaux de la Constituante pour nous doter de cette « Constitution miracle » que tout le pays attend avec impatience. Le résultat c'est l'approfondissement de la crise politique doublée d'un désastre sécuritaire avec l'assassinat de Haj Mohamed Brahmi et la mutilation des corps des martyrs du Chaâmbi, le tout arrosé par des horizons économiques totalement assombris par l'inflation galopante et le moral à zéro des investissements et des entreprises. Même l'espoir né d'un dégel des relations Nida Tounès-Ennahdha, à la suite des rencontres à répétition, dans le secret, de MM. Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi, n'a vécu que l'espace d'un matin, sans lendemains, parce que la Nahdha ne veut rien lâcher et continue à se réclamer d'une « légitimité » électorale illimitée dans l'espace et dans le temps. C'est à croire que l'une des plus grandes erreurs de Béji Caïd Essebsi, Premier ministre à l'époque, c'est d'avoir joué le jeu de l'alternance démocratique, alors que rien ne l'obligeait à présenter la démission de son gouvernement. En effet, pour de nombreux juristes confirmés, la Constituante a été élue pour écrire et rédiger une Constitution et non pour gouverner le pays de manière illimitée. Dire que la Constituante est « souveraine », bien sûr que oui ! Mais, pour la vocation et les tâches qui lui ont été confiées par les électeurs, au vu du décret qui les a appelés à voter, faute de quoi, c'est un véritable détournement de vocation et de pouvoirs ! Les historiens du droit ont du pain sur la planche et de quoi faire de nombreuses thèses à ce sujet ! Que faut-il retenir, enfin, de la conférence de presse « douche » froide, glacée du « Quartet » ! Rien de bon, bien sûr, à moins de comprendre une fois pour toute que le pouvoir en place n'est pas pressé de trouver sortie à la crise et d'en tirer les conséquences amères : Faut-il engager le pays vers le bras de fer qui risque de nous mener, soit à la Syrie, soit à l'Egypte et dans les deux cas, c'est l'aveu de l'échec total du processus démocratique. Ou, faut-il opter pour une autre démarche, celle de mettre la Nahdha, devant ses responsabilités… toutes ses responsabilités, la laisser seule, terminer la Constitution à sa guise avant le 23 octobre prochain, en précisant que ce document censé être fondateur d'une nouvelle République, ne sera perçu comme « obligatoire » pour le peuple tunisien ! Vous me direz, c'est du pur défaitisme. Eh bien non ! L'opposition doit s'atteler à s'unir et dénoncer la politique hégémoniste du parti dominant et surtout se mobiliser à l'extrême pour les élections en pratiquant le « vote utile » et en évitant l'éparpillement qui lui a coûté si cher. Si elle arrive à remporter les élections comme l'indiquent la totalité des sondages, rien ne l'empêchera de revoir toutes les mesures et démarches imposées au pays par la Nahdha contre son gré ! Seul le Saint Coran et la parole de Dieu sont sacrés ! Les politiques sont aussi seuls juges. Pourvu d'épargner à notre pays le pire : La fracture violente et les tunnels dont on ne voit pas le bout ! Et dire que tout le monde s'évertue à dire que nous sommes à quelques mètres de la « solution ». Le Cheikh Rached Ghannouchi a déclaré, il y a à peine deux mois : « Nous sommes à portée d'un jet de pierres (Ramyi hajar), pour terminer la Constitution ! » L'opposition devrait, peut-être le prendre au mot : « Faites là, la Constitution, en trois semaines et allons aux élections ! » Ruse contre ruse ! La ruse finit toujours par casser !