• Les professeurs envisageraient l'escalade Hier, jeudi 10 octobre, les enseignants du Supérieur ont observé la grève d'une journée à laquelle avait appelé leur Fédération Générale suite à la position du Ministère de tutelle au sujet de certains accords conclus l'année dernière avec les représentants syndicaux des universitaires. En effet, le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique semble vouloir revenir sur ses engagements à propos entre autres de l'accord sur la prime de la rentrée universitaire, sur certaines procédures démocratiques dans la gouvernance des institutions de l'Université et sur la participation du Syndicat du Supérieur aux commissions de recrutement et de promotion et aux commissions sectorielles. Un communiqué récent de la Fédération Générale de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (FGESRS) détaille plus nettement les « volte-face » du Ministère et précise qu'une réunion tenue mardi dernier avec le Chef de cabinet de M. Moncef Ben Salem n'avait abouti à rien de satisfaisant. D'où le maintien de l'appel à la grève générale d'hier, débrayage qui a connu, d'après des sources syndicales, un succès inespéré dans l'ensemble des établissements de la capitale et du pays. Un haut responsable syndical de la FGESRS nous assura que même dans les instituts qui n'ont pas de représentation syndicale, la grève avait également réussi. La même source souligne que les enseignants du Supérieur sont plus que jamais mobilisés pour amener le ministère de tutelle à honorer ses engagements et à adopter des positions plus cohérentes. Ils vont même jusqu'à reprocher aux représentants syndicaux leur inopportune mollesse dans l'opposition aux pirouettes de l'Administration. Les problèmes de fond Par ailleurs, nous avons appris que les réunions tenues par les professeurs en grève portèrent certes sur les doléances du Syndicat, mais surtout permirent au corps enseignant de passer en revue bien d'autres problèmes graves qui entravent un véritable essor et un plus large rayonnement de l'Université tunisienne. Ils ont par exemple débattu des lacunes principales du régime L.M.D. (Licence, Mastère, Doctorat), des insuffisances en infrastructures et en matériel pédagogiques, des incohérences dans le statut actuel de l'enseignant du Supérieur, des abus et des injustices déplorés dans les promotions, de la faible participation de l'universitaire à la vie culturelle, sociale et politique du pays. Sur ce dernier point, la plupart des intervenants ont mis l'accent sur la nécessité pour l'enseignant et le chercheur d'être présent, d'agir et d'être efficace dans la conception et la concrétisation du modèle social et du profil du Tunisien de demain. Tous sont quasi unanimes pour constater que l'universitaire est de plus en plus marginalisé et de moins en moins impliqué dans les grands bouleversements de sa société. En particulier, face aux menaces que font peser actuellement sur la culture et le savoir les adeptes du retour aux ères de l'obscurantisme, de la superstition et de l'intolérance. Stratégies et desseins contradictoires Au sujet des effets escomptés de la grève d'hier et des prochaines formes de pression sur le Ministère de l'Enseignement Supérieur, nous n'avons pas pu obtenir d'informations fiables et définitives, mais la FGESRS décidera des mouvements de protestation à venir en fonction des propositions recueillies à l'échelle des divers établissements du pays. En tout cas, hier aux environs de 13 heures, M. H'ssine Boujarra Secrétaire Général de la FGESRS ne pouvait ni nous fournir de données chiffrées sur les taux de réussite de la grève, ni nous informer sur les mesures à prendre désormais pour imposer l'application des accords conclus avec le Ministère. Toujours est-il que nombre d'enseignants estiment que l'heure est venue pour concevoir une stratégie globale à l'échelle des structures syndicales de l'Enseignement Supérieur et ce pour une défense effective et durable des intérêts de l'Université et des universitaires, et également pour contrecarrer la stratégie de la partie adverse (l'Administration) dont les objectifs principaux ont toujours été d'affaiblir le Syndicat, de détourner les enseignants de leurs véritables problèmes, de favoriser les décisions unilatérales et de tracer des politiques et des programmes en rupture avec les réalités et les exigences nationales. Badreddine BEN HENDA En marge de la grève * Le caméraman de la chaîne Ezzaytouna a été éconduit à la porte de la salle des professeurs de l'Institut Ibn Charaf. Les enseignants en réunion refusèrent d'être filmés par « la télévision du fils » du Ministre de l'Enseignement Supérieur. L'incident donna lieu à divers commentaires sarcastiques. * Les réunions des enseignants grévistes donnèrent à ces derniers l'occasion de discuter de problèmes internes avec les responsables administratifs de leurs établissements respectifs (doyens, directeurs, secrétaires généraux, etc.) * On déplore un manque important en personnel enseignant dans plusieurs départements. Un des facteurs de ce déficit se trouve être le départ en coopération dans les pays du Golfe d'un millier d'Universitaires tunisiens. Il faut dire que l'offre qui leur est faite là-bas est plus qu'alléchante : on parle d'un salaire en plusieurs milliers de dollars. * Les discussions des grévistes firent un détour par le Dialogue National parrainé par le quartette : le désormais fameux lapsus de M. Abdessattar Ben Moussa fut évoqué par plus d'un intervenant et, dans l'ensemble, nos universitaires sont très sceptiques quant au dénouement de ce Dialogue National.