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« Responsabiliser le citoyen par la gestion urbaine de proximité »
Publié dans Le Temps le 15 - 06 - 2014

L'environnement en Tunisie souffre de plusieurs maux. A la pollution, qui devient légendaire, tellement elle atteint des proportions démesurées, jamais connues auparavant, viennent s'ajouter les incendies qui apportent leur lot de désolation. Les responsables de cette dégradation de la nature sont multiples, mais ce qu'il faut savoir, à ce propos, c'est qu'à part les industriels, les plus grands pollueurs, et les citoyens, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, il y a aussi les parties qui sont censées protéger cet environnement, à l'image de l'ONAS qui déverse des quantités énormes d'eaux usées dans la mer, ce qui constitue l'une des rasions de l'interdiction de baignade dans trente deux de nos plages. Le problème est-il dû à un déficit en infrastructures ? Ou bien est-il plus profond que cela et se rapporte plutôt au mode de développement emprunté? Cette dernière hypothèse nous paraît la plus plausible, celle qui explique le plus cette détérioration environnementale, étant donné que la Tunisie est à cheval entre les deux modes de développement, écologique et énergétique, qui prend, souvent, le pas sur le premier. Cependant, le bilan n'est pas si catastrophique, étant donné qu'en dépit de la fragilité du contexte et des écueils de toute nature qui se dressent sur leur chemin, des femmes et des hommes, appartenant au secrétariat de l'environnement durable et à l'ANPE, qui sont animés d'une bonne volonté et une grande détermination, essayent de sauver la barque avec les moyens du bord. Ils ne sont pas nombreux, il est vrai, mais leur action est fructueuse. Parmi eux, il y a notre invité.
-Le Temps : parmi les nombreuses rumeurs qui ont tourné autour de l'incendie, qui s'est déclenché au parc urbain d'Ennahli, il y a la transaction passée entre le gouvernement Jebali et les Turcs, permettant à ces derniers d'y monter un projet. On aimerait être édifiés là-dessus.
-M Klouz : à mon sens, cette thèse ne tient pas, vu que le projet turc se trouve sur le terrain d'en face, cependant, l'origine de l'incendie est criminelle, étant donné qu'elle ne pourrait pas être accidentelle. Quoi qu'il en soit, on ne peut pas incriminer une partie ou une autre sans disposer de preuves tangibles ; il s'agit d'un travail de spécialistes, et l'enquête menée par le ministère public et la police technique va, certainement, nous en clarifier la vraie cause. Néanmoins, il se peut qu'il y ait des facteurs qui ont favorisé la prise du feu, tels que les amoncellements de feuilles, par exemple, d'où la nécessité d'entretenir nos parcs tout au long de l'année. A ce propos, je tiens à souligner qu'aucun responsable n'a failli à ses devoirs. Nous avons essayé d'éteindre ce feu ravageur et de le maîtriser pendant trois jours, mais malheureusement, nous étions confrontés à plusieurs difficultés dont le vent, qui soufflait du nord/ouest qui était violent et qui ne nous a pas facilité la tâche.
-L'incendie s'est déclenché le 5 juin, c'est-à-dire la journée internationale de l'environnement, quelques heures seulement après le départ de la délégation de l'ANPE qui était venue célébrer cette fête. Ne voyez-vous pas qu'il y a là un message à transmettre ou bien c'est une simple coïncidence ?
-Cette manifestation, qui est annuelle, consiste à nettoyer le parc avec la protection civile, la direction des forêts, les directions techniques appartenant au ministère de l'agriculture et à celui de l'équipement. Ils contrôlent les routes, les lignes coupe-feu, la forêt, font quelques travaux, procèdent à une simulation et essayent de réagir en conséquence. Et quand on se rappelle qu'en 2007, à Boukornine, un incendie s'est déclenché le même jour, c'est-à-dire le 5 juin, la thèse du complot se dissipe. Il faut savoir qu'au parc urbain d'Ennahli, le feu a pris dans un terrain privé limitrophe, planté d'oliviers, avant d'atteindre la forêt et le parc. Il est possible que, pendant cette journée un peu chaude, des gens aient fait une grillade et qu'ils aient oublié d'éteindre le feu, car il est difficile qu'un pyromane puisse s'y introduire ce jour d'opération blanche et en la présence massive des agents de la protection civile et de sécurité ainsi que des nombreuses équipes participantes. Certes, l'incendie était le fait de l'homme, mais le feu serait allumé par mégarde et non pas intentionnellement, c'est ce que je pense. Donc, le fait que cet accident ait lieu le 5 juin relève de la pure coïncidence.
-Et comment expliquez-vous le fait que le feu se soit déclaré à nouveau, dans d'autres endroits du parc, le samedi 7 juin au soir, alors que des agents de la protection civile et des soldats occupaient les lieux ?
-On ne l'a pas, encore, compris et on attend, toujours, les résultats de l'enquête menée par les spécialistes, comme je l'ai précisé plus haut. Mais au premier jour, c'est-à-dire jeudi, après avions maîtrisé le feu, nous savions qu'il restait à couver et qu'il pouvait reprendre à tout moment. Ce qui est probable c'est qu'on ait à faire à des pins parasols ou pins pignons dont les cônes deviennent comme des projectiles, lorsqu'ils sont allumés, et peuvent se propulser jusqu'à deux cents/quatre cent mètres. Cela onle sait par expérience, et les spécialistes des forêts ou de la protection incendie savent très bien que là où se trouve une forêt de pins, il y a un risque que le feu, quand il y est allumé, fasse une grande invasion. Ce type de feu, nous est inconnu à Tunis, mais on le connaît à Boukornine où on a perdu quelque chose comme 25 mille hectares, lorsque la forêt était incendiée, en 2007, comme elle l'était, également, en 2004 et aux années 90.
-Certains pensent qu'on aurait pu mieux maîtriser le feu si les cavités d'eau du parc, alimentées par la station d'épuration de Choutrana, étaient pleines, ou qu'on se soit servi des puits existants, ce qui aurait fait gagner du temps à la protection civile qui était obligée de rentrer à la caserne pour remplir les citernes de ses camions, à chaque fois que ces derniers étaient vidés. Qu'en pensez-vous ?
-Tout d'abord, l'eau se trouvant au parc d'Ennahli pose une difficulté, car les deux anciens puits dont nous disposons sont soufrés, et le soufre risque d'allumer le feu, ce qui veut dire qu'on ne peut pas les exploiter. Alors, on était obligé de recourir à un autre moyen, cette alternative, on l'a trouvée dans la station de Choutrana. Ce projet, réalisé avec l'ONAS et qui a démarré en 2004/2005, consistait dans l'aménagement d'une conduite d'eau entre celle-ci et le parc urbain d'Ennahli. On a réceptionné pendant quelques mois après lesquels le projet a capoté, vu que ce n'était pas nous qui maîtrisions le circuit mais les agents des reliefs s'étendant sur sept kilomètres. Donc, il y avait, plus ou moins, dilapidation du réseau. L'idée de ce projet émanait du gouverneur de l'Ariana de l'époque qui envisageait d'y créer des lacs de montagne et de ravitailler la nappe phréatique, ce qui permettrait aux oiseaux se s'y abreuver. Le but était de renforcer l'écosystème forestier qui affichait des signes d'épuisement en raison de la pénurie d'eau. C'était la solution idoine. En vérité, l'ANPE manquait de fonds, et elle gérait cet espace sans avoir de qualification juridique, étant donné qu'il était réalisé sur la base d'un programme national relatif aux parcs urbains, en 1994/1995, dont celui d'Ennahli, inauguré en 1997, était le premier. Et pour établir un plan de sécurisation du parc, il faut être habilité pour le faire, chose qui nous fait, donc, défaut. Mais en dépit de cette lacune, nous avons envoyé une correspondance au ministère de l'agriculture, après cet incendie, pour procéder à une nouvelle prospection d'eau souterraine, car on nous a dit que dans le fleuve, qui est proche d'Ennahli, il y a un ancien puits abandonné qu'on va essayer de rouvrir et de trouver des points de ravitaillement en eau. Cela n'était pas possible avant, parce que les subventions n'étaient pas suffisantes sur ce plan.
-On voudrait bien que vous nous expliquiez le statut juridique de ces parcs urbains.
-Le parc d'Ennahli était conçu pour que les gens puissent trouver un endroit où se détendre et pour sauver la faune et la flore se trouvant autour de la ceinture verte de Tunis. Le problème c'est qu'on n'a pensé ni à l'eau, ni à l'activité. D'autre part, l'ANPE ne savait pas qu'elle allait rester 15/20 ans à gérer cet espace. Son intervention n'est plus légale surtout après la promulgation de la loi 90 relative aux parcs publics qui stipule que la gestion de ces derniers relève des prérogatives des collectivités publiques locales, qui sont soit les communes, soit les gouvernorats. A la parution de cette loi, en 2007, l'ANPE a pris contact avec ces derniers pour essayer de procéder à la passation des trois grands parcs urbains, à savoir ceux d'Ennahli, El Mourouj et Farhat Hached à Rades, qu'elle gère provisoirement, mais on n'a pas trouvé de solution. Et en 2010, un conseil ministériel a décidé que la gestion de ces grands parcs restait du ressort del'ANPE, tout en lui laissant toute latitude pour trouver les formules adéquates avec les autres partenaires en vue d'en assurer la meilleure gestion. Après la Révolution, en 2012/2013, des commissions ont travaillé au niveau du ministère du développement régional, et il était convenu que l'Agence poursuivait sa gestion de ces parcs jusqu'à 2016 où ils devaient, normalement, revenir à la direction générale des collectivités locales. Cette situation ne nous permet pas de faire beaucoup d'investissements.
-Vous pouvez nous délimiter les champs d'intervention respectifs de votre agence et du ministère de l'agriculture dans le parc d'Ennahli?
-Ce dernier intervient dans la partie forestière sur la base d'un accord passé entre ce ministère, celui de l'environnement et celui de l'intérieur, à l'époque. La direction des forêts remplit bien sa tâche et joue un grand rôle dans la protection de la forêt. Quant à nous, en tant que ANPE, on ne peut gérer que la partie aménagée qui ne dépasse pas les 30/40 hectares d'un espace couvrant 240 hectares, c'est-à-dire qu'on peut assurer une surveillance interne et non pas veiller sur l'ensemble de ce terrain immense et boisé.
-Quel est le nombre actuel de ces parcs urbains à l'échelle national ? Et est-ce que l'Etat projette d'en créer d'autres ?
-Cette question relève du secrétariat d'Etat du développement durable. Mais au temps du ministère de l'environnement, en 994, on a fait une grande étude, avec appui de finances étrangères, qui nous a identifié cent quarante régions ou espaces verts adjacentes aux villes. Ces points répertoriés ont constitué le socle du programme des parcs urbains qui visait d'en créer cent, mais, au niveau de la pratique, on a convenu que chaque gouvernorat en serait doté d'un. Actuellement, on a crée près de quarante parcs urbains entre privés, municipaux, régionaux et nationaux, à l'instar d'Ennahli, El Mourouj et Farhat Hached. Ce programme est géré par le secrétariat d'Etat du développement durable conjointement avec les régions. Je peux citer, à titre d'exemple, le parc de Monastir qui s'appelle « La Falaise » et qui était créé par le ministère de l'environnement en collaboration avec le conseil régional et la commune locale. A Sousse, nous avons le parc « Hamada », et chaque ville a le sien. Les surfaces changent selon les disponibilités en réserves foncières qui déterminent la superficie du parc. Celui de «Al Faouar » à Hammamet s'étend sur 1700 hectares, cependant la zone aménagée comprend une quarantaine, voire une trentaine d'hectares. Il se trouve dans une forêt périphérique entourant la ville, ce qui fait que ce parc est plus périurbain qu'urbain. A part ce genre de parcs, il y en a qui sont des créations de fait, à l'image de celui d'El Mourouj, que je considère personnellement, comme étant parmi les plus réussis en Tunisie, étant donné qu'il était une décharge publique transformé en un espace vert récréatif pour les habitants, qui en étaient dépourvus, surtout ceux qui habitent dans des immeubles, afin qu'ils puissent se promener en milieu sainet respirer l'air frais. Mais, c'est un effort insuffisant, car il faut aussi mobiliser des investissements pour la gestion et la pérennité de ces projets.
-N'y a-t-il pas de projets similaires pour la zone de Sijoumi et d'Ezzahrouni qui souffrent le plus à cause des décharges et des moustiques auxquelles elles donnent lieu?
-Hier, nous avons commencé une campagne de nettoyage sur les berges de Sijoumi parce qu'actuellement on est en train de remblayer plusieurs endroits dans ce marécage en y enlevant les déchets et en y apportant de l'intervégétal. Et on a entamé une campagne de plantation d'arbres avec la direction des forêts. Cependant, cet effort doit être consenti par toutes les parties intervenantes, à savoir l'agriculture, l'environnement, l'intérieur, la santé, la défense, le tourisme, le transport, vu qu'il y a le projet du RFR, et les finances, au niveau du financement bien entendu. Les berges de Sijoumi connaissent plusieurs problèmes à cause de l'accumulation des déchets que ce soit dans la décharge de Borj Chakir ou le marais lui-même. Cela a participé à la multiplication des moustiques d'autant plus que nous avons rencontré une difficulté au niveau des soins, et le traitement avec l'avion n'a pas eu lieu. Cela s'explique par le fait qu'on privilégie les soins biologiques en laissant les produits chimiques en dernier lieu, on préfère les utiliser le minimum possible en raison de leurs effets nocifs sur la santé. Et là, on va bientôt procéder aux soins par avion. Toutefois, cela ne suffit pas, ilfaut enlever tous les déchets, ce qui constitue un effort quotidien qui incombe à l'ensemble des structures de l'Etat.
-La pollution, en Tunisie, a d'autres manifestations, est-ce que vous intervenez sur d'autres plans ?
-Pour ce qui est du secrétariat du développement durable et de l'ANPE, ils sont en train d'enlever les gravats et les déchets de démolition qui se trouvent en quantité incroyable en Tunisie. Actuellement, on a engagé deux entrepreneurs à Tunis dans le cadre d'un grand marché conclu au début du mois de novembre au niveau de quinze gouvernorats avec six entrepreneurs, et là, on va généraliser l'opération à l'échelle nationale en l'élargissant aux neuf gouvernorats restants. L'activité de construction s'est amplifiée après la Révolution à cause de la baisse du contrôle, ce qui a occasionné des quantités énormes de gravats qu'on jette là où on trouve, jouissant ainsi de la quasi absence des moyens de dissuasion. Lorsqu'on sait que l'amende pour le déversement de gravats sur la voie publique est de l'ordre de 20/60 dinars, on comprend pourquoi ces contrevenants ne craignent pas la loi. Maintenant, on est bien édifié sur les vrais mobiles de cet écart de conduite grave, et un comité s'est formé, au niveau de la direction générale des collectivités locales et du ministère de l'intérieur, qui étudie la manière de réviser ces amendes de sorte qu'elles deviennent des délits, c'est-à-dire de l'ordre de 250 dinars. Le projet sera soumis, prochainement, à l'approbation de l'ANC. En attendant, nous avons mis en place d'autres mécanismes, toujours en coopération avec les autorités sus indiquées, dont celui des casques verts qui auront le rôle de superviser et de suivre l'état de l'environnement dans huit villes, qui joueront le rôle de témoins et de pilotes, et sur la base desquelles, nous allons essayer de dégager un mécanisme de veille qui nous préviendrait en cas de dégradation environnementale. Malheureusement, la liberté a créé ce qu'on appelle un esprit d'anarchie, et le citoyen ne pense plus qu'au chez soi particulier et néglige le chez soi en commun, il n'accorde plus d'importance à la vie en commun, à l'espace public. La situation a empiré avec l'existence des métiers informels qui transportent ces déchets un peu partout, et le nombre des décharges s'est multiplié partout dans le pays. Face à cette réalité, qui est aussi bien décevante qu'alarmante, il ne faut pas croiser les bras, mais réagir pour pouvoir combattre ce fléau, d'autant plus qu'il y a des lieux où on peut entreposer ces déchets-là et les valoriser, à nouveau, en les recyclant.
-Une lutte efficace contre la pollution, dont la responsabilité incombe à tout le monde, ne nécessite-t-elle pas un effort collectif?
-Effectivement, les structures de l'Etat ne peuvent pas fonctionner toutes seules, elles ont besoin d'être assistées par la société civile, les médias et les entreprises économiques gagnantes du secteur privé, et là, on entre de plain pied dans le partenariat public/privé. A ce propos, nous avons créé, au centre urbain nord, ce qu'on appelle un groupement de gestion urbaine de proximité, c'est un peu l'équivalant des éco quartiers en Europe. A travers ce projet, on a voulu responsabiliser le citoyen dans son quartier, aux niveaux de la propreté, de l'embellissement, de l'enlèvement des déchets, des façades, de la vie commune et même de la formation au sein de cet espace.
-Cette idée, l'ANPE l'a déjà appliquée au parc national de l'Ichkeul en impliquant les habitants locaux dans sa gestion et sa protection, pourquoi vous n'avez pas fait de même avec ceux du quartier de bidonville, « Douar lebhayem », attenant au parc d'Ennahli ?
-On compte le faire, très prochainement. Il est question de savoir comment on peut permettre à ces gens, qui exploitent cet espace et vivent tout autour, de se l'approprier et d'en devenir des acteurs, des producteurs et des conservateurs, à l'instar de ce qui existe à l'Ichkeul. Il ne faut pas qu'ils restent seulement de simples consommateurs de cet espace. Donc, on a commencé un débat avec ces gens-là, en leur faisant savoir qu'on était prêt à les aider, mais qu'ils devaient exploiter l'espace d'une manière rationnelle, c'est-à-dire par la bonne utilisation du sol et de ce qu'il y a sur le sol. On a mené des actions pareilles au quartier de Montplaisir, au lac sud avec les éboueurs de la Méditerranée avec l'association des amis des oiseaux et l'association des amis du Belvédère. On essaye, par ce biais, de trouver des formules qui soient susceptibles d'amener la population à s'impliquer à travers la société civilequi est encore crédible et qui a un message à faire passer, car la problématique qui se pose, aujourd'hui est une problématique de communication et de sensibilisation ; il est impératif de trouver de nouveaux moyens adéquats pour communiquer avec les gens, les conscientiser et les rendre responsables de leur espace vécu. Cela requiert, à mon sens, de l'intelligence tunisienne, et comme en politique, on a trouvé des formules intelligentes, à l'image du dialogue national qui nous a permis de passer à des étapes avancées, pourquoi ne pas faire de même et évoluer dans le discours du vécu, le discours social, le discours environnemental, étant donné qu'il s'agit là d'un discours qui nous intéresse tous dans notre vécu quotidien beaucoup plus que le discours politique et économique. C'est le discours de base. Il serait souhaitable de rétablir l'esprit de grande solidarité sociale qui a prévalu, lors des deux premières semaines de la Révolution, où tous les Tunisiens ont soutenu tous les Tunisiens, où l'ensemble des Tunisiens ont veillé sur leurs quartiers, porté la poubelle ensemble, essayé de trouver une formule de vécu commun. C'est en adoptant une telle attitude qu'on peut gagner la bataille et les enjeux futurs en matière d'aménagement urbain et de gestion de l'espace urbain.
-Peut-on dire, selon vous, qu'il existe une stratégie environnementale en Tunisie ?
-Sans jeter de fleurs au secrétariat du développement durable, il s'achemine vers une mise en place de ce qu'on appelle une « task force » dont le rôle estde faire l'évaluation de la situation actuelle et de donner des solutions pour y remédier. Ceci étant dit, je dirai que la grande problématique, et c'est mon diagnostic que je partage avec beaucoup de gens, l'effort environnemental effectué, en Tunisie était, hyper-centralisé, trop dépendant de l'administration centrale et a trop misé sur la quantitatif, le visible, l'apparat et le slogan beaucoup plus que sur le fond. Aujourd'hui, l'administration s'est rendu compte à l'évidence que l'essentiel résidait dans ce dernier qui est très lié à la société civile à travers laquelle on peut faire des choses. Donc, dorénavant, il faut coordonner son action avec elle comme partenaire à part entière. Cependant, il n'y a pas qu'elle, comme je l'ai mentionné plus haut, mais aussi l'opérateur économique privé, qui est en train de créer de la richesse, et qui engendre des rejets au niveau environnemental. Il doit savoir réutiliser ces rejets à bon escient. Cela demande un effort de la part de tous les partenaires.
-Mais on voit très bien que la plupart de nos industriels, qui sont les grands responsables de la pollution de l'environnement, se désintéressent complètement de cette question. Ne pensez-vous pas que le moyen le plus dissuasif est l'application effective de la loi en vigueur qui reste lettre morte?
-Entre la loi et la façon de suivre, il existe un problème, c'est-à-dire qu'il y a pas mal de manque d'infrastructures, de moyens, d'équipement, de personnel... Sachez que les experts contrôleurs de l'ANPE sont au nombrede trente et qu'ils ne peuvent, donc, pas couvrir toute l'activité du pays. On aurait dû en avoir cinq cents ou mille pour qu'on puisse contrôler cette activité économique d'autant plus qu'elle n'est pas la seule à superviser, il y a également les activités urbaine, agricole, forestière, de veille pour la conservation de la nature... Cela suppose que tout le monde soit concerné, et là, chacun saurait que cette richesse est irréversible. Quand j'apprends que, chaque seconde, il y a une trentaine d'espèces qui disparaissent de la terre, irrémédiablement, je prendrai conscience de la valeur de l'environnement et je ferai attention à mes gestes. Au moment de la révolution, on a commis un grave méfait en brûlant l'acacia raddiana, se trouvant au centre du pays, vers Sidi Bouzid, et qui était une espèce en voie d'extinction. Cet arbre endémique n'existe plus dans le monde. On est en train de perdre de la faune et de la flore. Si on les utilise d'une manière intelligente et réfléchie et en concertation avec les différents acteurs, je pense qu'on va pouvoir sauver les sauver. Pour ce faire, il faut beaucoup de modestie et beaucoup d'autocritique dans notre attitude. Avant de jeter un papier, je dois bien réfléchir. Et là, je vais réaliser que ce papier anodin en apparence va déclencher tout un mécanisme pour le ramassage des ordures, l'aménagement d'une décharge publique, le traitement de ces déchets, etc. Alors, avant de commettre cet acte irresponsable, je vais réfléchir deux fois, cela me permet de faire mon propre auto contrôle, mon propre recyclage et mon propre tri avant même de sortir ma poubelle. Et pour reprendre une formule de chez nous qui est bien significative, les femmes, en particulier celles du Sahel, lorsqu'elles balaient devant chez elles, disent « Nfarah kodam eddar », ce qui veut dire, littéralement, qu'elles rendent la vie heureuse. On espère que chacun d'entre nous balaie devant chez lui et devant chez le voisin. C'est à ce moment-là, que nous pourrons dire que nous sommes tous concernés par cet état de fait.
F .K


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