La lutte féroce lutte d'influence entre les anciens membres du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) et la tendance gauchiste au sein du mouvement Nida Tounes reprend de plus belle. Les consultations régionales organisées ces derniers jours dans plusieurs régions pour le choix des candidats du parti aux prochaines législatives ont ravivé les feux qui couvaient sous la cendre et les rivalités entre ces deux tendances qui traversent la formation fondée par l'ex Premier ministre de transition, Béji Caïd Essebsi pour rééquilibrer un paysage politique dominé par le mouvement islamiste Ennahdha. La tendance la plus à gauche au sein de Nida Tounes a, en effet, accusé la puissante composante Rcdiste, qui noyaute les structures régionales, de vouloir l'écarter de la composition des listes électorales. Ces accusations sont fondées sur des fuites sur les résultats du vote lors des consultations régionales. Selon les premières indiscrétions, les gauchistes ont subi des revers dans plusieurs régions, dont Sousse, La Manouba, Monastir, Zaghouan et Kairouan. Ainsi, le secrétaire général de Nida Tounes, Taïeb Baccouche, n'a obtenu que 2 voix lors de la consultation régionale pour le choix des candidats aux législatives organisée à Sousse. Ancien secrétaire général de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et porte-voix de la tendance gauchiste, qui compte aussi bien des syndicalistes que des défenseurs des droits de l'Homme et des militantes féministes, M. Baccouche semble avoir été sanctionné dans sa région pour avoir menacé récemment de quitter son poste pour appuyer l'Union pour la Tunisie (UPT), une coalition de partis du centre et de gauche de laquelle s'était retiré Nida Tounes pour faire cavalier seul lors des prochaines élections. Au Kef, la direction du parti vient de se faire rappeler à l'ordre par le comité directeur du Bureau régional quand elle a tenté de «rééquilibrer» les résultats de la consultation relative au choix des candidats du parti qui aurait fait ressortir une nette prédominance des Rcdistes, aux dépens des gauchistes. Les membres du Bureau régional du Kef ont, en effet, appelé dans une lettre ouverte la direction du parti à «éviter de parachuter des noms n'ayant aucun rayonnement dans la région dans les listes électorales». Risque d'implosion Ces frictions autour de la constitution des listes électorales risquent, selon plusieurs observateurs, de provoquer des dissensions au sein du parti. Le courant «l'Avenir» fondé par Taher Ben Hassine au sein de Nida Tounes a d'ailleurs anticipé ce danger en appelant dans un communiqué «les militants mécontents de l'opération de la constitution des listes électorales du parti à ne pas céder à la précipitation en annonçant leur démission ou à entrer en dissidence pour ne pas affaiblir le parti», leur suggérant de «négocier avec la direction du parti». Nida Tounes vit depuis de long mois au rythme d'une féroce lutte d'influence entre les Rcdistes et les gauchistes. Naguère larvée, le conflit entre ces deux courants a atteint son apogée après l'annonce de la création d'un département spécialisé dans le suivi des aspects administratifs et organisationnels des structures régionales, présidé par Hafedh Caïd Essebsi, fils du fondateur du parti. La création de ce département a été considérée par les gauchistes une tentative des ex-Rcdistes majoritaires de faire main basse sur toutes les structures du parti et de marginaliser le rôle de la composante gauchiste du parti, qui avait été de toutes les batailles politiques sous le règne de la Troïka. Le mode de choix des délégués au congrès constitutif du parti, qui était prévu pour le 15 juin avant d'être reporté sine die, a été aussi au centre d'une âpre bataille entre les deux tendances. Les Rcdistes avaient alors plaidé pour que les membres des bureaux régionaux et ceux du conseil national soient retenus comme congressistes tandis que les gauchistes ont défendu l'organisation d'un véritable congrès en commençant par l'élection des coordinations de base jusqu'au bureau politique. Né de la volonté de Béji Caïd Essebsi d'unir un camp progressiste très émietté, Nida Tounes ressemble à s'y méprendre à l'arche de Noé ou encore à une auberge espagnole tant il rassemble des courants hétéroclites, voire antagonistes. On y trouve, en effet, des transfuges des partis de gauche classiques tels que Bochra Bel Haj Hamida, Khémaïes Ksila, des libéraux à l'instar de Mansour Moâlla et Saïd El Aïdi, des membres du RCD, dont Mohamed Gharinani et Faouzi Elloumi, et les syndicalistes comme Abdelmajid Sahraoui et Mustapha Ben Ahmed. Selon les experts, la personnalité charismatique de Béji Caïd Essebsi, ne saurait, à elle seule, suffire à écarter le risque d'une implosion de ce parti.