Tout porte à croire qu'une majorité de Tunisiens ne sont pas près d'admettre assez vite que la première Constitution de la Tunisie indépendante, qui a permis à Bourguiba puis à Ben Ali de régner en maîtres absolus, est un vestige du passé. Cette Constitution permettait au Président de la République d'accaparer tous les pouvoirs, et avec les amendements introduits au fil des années, autorisait toutes les dérives et le glissement pur et simple vers la dictature. Ce n'est plus le cas, aujourd'hui. La Tunisie se prépare pour la deuxième République avec une nouvelle Constitution délimitant les prérogatives du Président de la République mais instaurant un régime parlementaire aménagé et où l'essentiel du pouvoir est concentré entre les mains du chef du gouvernement, issu bien sûr de la majorité parlementaire, même si on continue de parler d'un exécutif bicéphale. Ceci devrait, normalement, concentrer l'attention sur les élections législatives parce que de leur issue dépendra le futur paysage politique du pays et les orientations du futur gouvernement sur tous les plans. Or, on a l'impression que ces élections législatives, pourtant décisives pour l'avenir de la Tunisie, sont malheureusement occultées. Car, à part les tiraillements, les luttes fratricides pour les têtes de listes, les démissions et les défections, les partis politiques et les indépendants pour la course au Bardo n'ont rien montré de consistant qui puisse attirer l'électeur et l'inciter à participer au vote. Pas de programmes, pas de vision claire sur l'esquisse de solutions aux problèmes qui accablent le pays et retardent la sortie de crise, comme s'il y avait une intention délibérée de détourner l'attention du Tunisien des législatives et de donner à la fonction de Président de la République l'importance que ne lui accorde pas la nouvelle Constitution. Ce constat est inexplicable, à moins qu'il ne s'agisse d'une manœuvre politicienne ou de l'incapacité des partis politiques à présenter des programmes crédibles et réalisables. Et là, on risque d'assister à une campagne électorale morose, basée sur la surenchère et les promesses mensongères.