20 ans déjà ! En effet, le festival de musique classique, l'Octobre Musical, souffle cette année sa vingtième bougie. Des artistes de renommée internationale ont foulé sa scène et Beethoven, Rachmaninov, Mozart, Schubert, Chopin, Messiaen, Saint-Saëns, Verdi, Puccini, Liszt, Bartók, Brahms, Faure et tant de compositeurs encore, sans oublier les musiques traditionnelles et folkloriques des divers pays participants, ont été les invités d'un soir, le temps d'un concert ; concert au cours duquel le génie de la composition se mêlait à celui de l'interprétation. Le vendredi 10 octobre dernier, le coup d'envoi de cette nouvelle édition de l'Octobre Musical a été le rendez-vous de l'émotion et de l'excellence. L'Acropolium de Carthage et l'Institut Italien de Culture ont accueilli la violoniste Maristella Patuzzi et la harpiste Floraleda Sacchi sous la coupole de l'ancienne cathédrale Saint Louis. Deux virtuoses qui ont offert un moment de délectation unique à travers cordes et archet... Devant un parterre composé de férus de grande musique, de spécialistes et de profanes, les deux interprètes ont ouvert le bal par des compositions de Niccolo Paganini, deux sonates à la variance tonale envoûtante et saisissante. Une remontée dans le temps qui ramena les convives au cœur du XIXème siècle. Cette procession temporelle s'est poursuivie avec la sonate sur « le roi Theodore » de Giovanni Paisiello, un morceau dont la force et la beauté ont exacerbé des sensations à fleur de peau. Enfin, les œuvres contemporaines de Ennio Morricone et d'Astor Piazzolla ont ampli l'espace de consonances particulières où le phrasé semble se rompre, se suspendre pour reprendre avec cette fluidité de notes à la fois douces et poignantes. Ce voyage temporel était un dépaysement rendu possible grâce au talent incontestable de Maristella Patuzzi et Floraleda Sacchi. Les deux acolytes, aux parcours différents, ont réuni leur virtuosité pour offrir à l'assistance un moment privilégié à la rencontre de la technicité et de l'émotionnel. Si le doigté donnait, sans conteste, un aperçu sur la maîtrise parfaite et l'aisance dans le jeu, habiter l'œuvre était, quant à elle, le fleuron de cette interprétation. Le pincement des cordes de la harpe et les mouvements de l'archet sur le violon ont donné lieu à un mariage de sonorités à travers lequel les notes se sont épousées dans une union frémissante emplissant la salle de sensations grandiloquentes : douces et puissantes à la fois. Miristella Patuzzi et Floraleda Sacchi ont communiqué aux mélomanes cette émotion qui habite l'interprète lui-même lors de l'abord des pièces. La maîtrise des compositions, de la technique et cette touche personnelle ont donné lieu à une rencontre impromptue entre le commun et le personnel : le premier étant les compositions, le second culminant dans cette appropriation de l'œuvre connue. A travers le violon et la harpe de Miristella Patuzzi et Floraleda Sacchi, une brèche temporelle s'est ouverte d'où s'échappèrent des mélodies caressantes ou « intranquilles » (pour reprendre le terme de Pessoa). Dans cette brèche, se sont laissés transparaitre le génie et le talent des deux artistes. En duo ou en solo, la violoniste et la harpiste ont réussi à capter l'attention et à confiner à l'espace cet écrin de velours dont la volupté en était la clé de voûte. Ce premier concert, qui donne déjà le ton de cette 20ème édition de l'Octobre Musical, a été l'occasion d'une rencontre avec le génie interprétatif et le génie émotionnel. Par leur appropriation du programme, Miristella Patuzzi et Floraleda Sacchi ont placé cette soirée inaugurale sous le signe de l'excellence. Les vifs applaudissements à la fin du concert témoignaient de la connivence et de ce lien tacite que les deux artistes ont réussi à tisser entre elles et le public, ce lien indéfectible que tout vrai artiste est seul capable d'instaurer...