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La moisson du rêve
Publié dans Le Temps le 24 - 10 - 2014

« L'art et rien que l'art, nous avons l'art pour ne point mourir de la vérité. »
Nietzsche
Ils étaient tous là pour fêter la reprise de la saison, retrouver cette atmosphère inégalée, joyeuse et amicale, revivre ces instants d'enthousiasme et d'allégresse collectifs, partager la joie des rencontres artistiques singulières et heureuses.
Sur les murs ou sur leurs socles, leurs œuvres se regardent, se côtoient, se font face, se jouent des retrouvailles insolites, étalent leur beauté, décuplée par celle de l'œuvre voisine. Une profusion de styles, de techniques, de formes, de lignes, d'angles, de texture, de couleurs, d'objets, à donner le tournis. Mais, en fait tous ces signes, ces symboles, ces objets ne sont-ils pas sensations, émotions, surgissements, évènements, apparitions, le monde en offrande ? L'émotion née d'un tableau, d'une sculpture, ne nous submerge-t-elle pas au point d'engloutir notre être ? Notre regard la déchiffre et lui donne sens comme les mains qui l'ont enfantée et l'ont libérée d'un imaginaire pour habiter le nôtre. Le miracle de l'art est de conférer à un signe matériel une âme. Evidemment, le contenu spirituel est indissociable de la forme qui procure plaisir, satisfaction, joie, ravissement, enchantement. Mais, les interrogations prédominent, toutes ces interrogations fondatrices de la création artistique.
Ils étaient tous là, les aînés au parcours balisé et les jeunes talents heureux de faire découvrir leurs œuvres, disponibles, impatients de parler de leur travail. Certains attendaient qu'on vienne les questionner, les féliciter, entamer avec eux une conversation à bâtons rompus.
Mohamed Bouaziz, en bout de salle, tout discret, couvait du regard ses deux sculptures. Il parle peu, mais le marbre à qui il a su insuffler sa « cadence » frémit et palpite. Taoufik Béhi maîtrise le métal et le plie à ses désirs. On entendrait les notes mélodieuses de son « luthiste ». Un couple « de fer » montre la dextérité de l'artiste, preuve que le matériau est loin d'être rigide et rebelle. La rouille n'est point laideur et mort, mais vie et beauté. Najet Gherissi expose deux marionnettes « L'homme au journal », un liseur, bien caché derrière son quotidien, plongé dans les mots, en quête de nouvelles ou d'un article qui capterait toute son attention. Sa frêle silhouette s'oppose à celle, imposante de la diva « Oum Kalthoum », dans son attitude caractéristique devant le micro, tenant son fameux foulard de soie. Le fer respire, parle, chante, crie et se tait. C'est ce dialogue poétique entre l'âme et la matière qui confère au fer un souffle inégalé. Quatre sculptures en résine miment le fer à s'y méprendre, celles de Houssem Khelil parmi lesquelles « L'homme enchaîné », « Sauvez notre Tunisie » et « Hommage à Siliana ». On voit là, un engagement en faveur de la cause nationale. Jean Cocteau disait « L'art n'existe que s'il prolonge un cri ou une plainte. » L'artiste est la voix d'un combat vital pour accéder à la lumière.
Hafedh Jerbi nous propose des portraits saisissants non légendés de personnes ordinaires. Une recherche graphique qui commence par une ligne, une tache et une longue errance en quête d'un visage. Un jeu de construction où l'important serait la quête et non son objet. La palette impose la seule contrainte : le noir, le blanc, le gris et une touche de bleu. La texture grasse, les différents passages du pinceau donnent de la densité et de la profondeur au portrait à tel point que l'on ne se sent pénétré par le regard de celui qu'on observe.
Pour Malek Saadallah qui nous livre le portait d'un « diablotin », La peinture est un moyen de se décharger d'un trop-plein d'émotions, d'impressions, de sensations et de s'en libérer.
Reem Saad expose deux photographies « Sidi Bou Said 1 et 2 » et assassine tous les clichés liés à ce lieu. Une belle entorse à la réalité perçue par des photographes qui finissent par imposer l'image édulcorée d'une carte postale. Cette transgression est un enrichissement indéniable. La mer en noir et blanc offre à notre regard son miroitement et le frisson de ses vagues. Mais, cela peut être n'importe où. La photo prouve qu'elle a des possibilités multiples puisque le non lieu décuple ses sens, son mystère et sa beauté. On découvre qu'on peut regarder autrement les lieux et la société.
Rock Raven se situe « aux frontières du réel », dans un « monde inversé » où la lumière livre ses secrets incommensurables. Il photographie une lampe en chambre noire et en multiplie la splendeur. Ses variations sur ce thème sont infinies car il joue sur les détails, les agrandit et en prolonge « l'écho ». Les déformations enfantent mille sens et les jeux de lumière sont captivants. Un savoir-faire indéniable.
Leila Shili décline des portraits de femmes « Women 1, 2, 3, 4, 5 » à l'infini. Des corps nus qui se meuvent dans une semi obscurité, se déplacent, bougent, dansent. Dès que je l'interroge, elle se lance dans un discours passionné et passionnant sur ses motivations secrètes : « Je peins ce qu'on veut voiler, ce qui est tabou. Je peins notre tragédie recommencée. L'art suffoque et se meurt d'indifférence. On tue chaque jour ceux qui créent. On tue la pensée et le Beau. »
La peinture est aussi révolte, indignation.
L'art parle fort et haut pour déconstruire des chimères, dénoncer les illusions, condamner les chaînes, les idéologies des ténèbres, pousser les murs d'un réel intolérable. Mais, cela n'entame pas la magnifique énigme qu'il est car sur toute œuvre, vient se faire et se défaire le sens qu'on lui prête.


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