Les résultats du premier tour de la présidentielle auraient certainement revigoré le moral du candidat « indépendant », Moncef Marzouki et de son équipe de campagne électorale. Avec un écart réduit de 20 à 6 face à son adversaire, le candidat de Nidaâ Tounès, Béji Caïd Essebsi, et avec un score de 1.092.418 voix, alors que son parti n'en a récolté que 68.000 aux législatives, il est permis de parler de petite surprise, qui, en fait, n'étonne personne. Car, les bruits circulant avant le scrutin et les sondages d'opinion le plaçaient deuxième excluant toute victoire de l'un ou l'autre candidat au premier tour. Sur quoi se basaient-ils ? Sur des performances exceptionnelles du candidat lors de la campagne électorale ? Ou sur un concours de circonstances qui en a fait d'un candidat au statut d' « outsider amusant » comme on dit dans le jargon des courses, à un prétendant sérieux à la présidence et un challenger coriace face au « favori solide », arrivé en tête au premier tour. Il n'est pas nécessaire d'être un génie pour comprendre ce qui c'est produit. D'ailleurs c'est un secret de polichinelle et les observateurs et les analystes en conviennent : Marzouki ne doit son classement honorable qu'au report massif des voix de la base d'Ennahdha, malgré la position de neutralité de la direction du parti. Celui-ci réitère sa position pour le deuxième tour, mais ses militants et sympathisants persistent et signent ignorant la « directive » du conseil de la Choura, qui leur a laissé, à vrai dire, la latitude de voter pour le candidat de leur choix. Ceci suppose que le verdict final ne pourrait être que trop serré avec peut-être une surprise qui chambarderait le jeu des alliances et pèserait lourdement sur la vie politique pour les prochaines années. Il faut rappeler, cependant, que quel qu'en soit le vainqueur, le peuple tunisien en sortira gagnant évidemment, mais ne pourra oublier si vite les égarements de la campagne électorale qui a versé dans les invectives, les tiraillements et le discours de la haine, de la peur et de la division. Pourtant, comme a dit Cheïkh Rached Ghannouchi, la défaite de l'un ou de l'autre n'est pas la fin du monde. Après dimanche, viendra lundi et il n'y a aucune crainte du retour de la dictature en Tunisie, parce qu'elle est immunisée par sa Constitution, sa société civile et son opposition. Voilà un discours apaisant et responsable qu'on aurait aimé entendre de la part des candidats et à priori par celui qui bénéficie justement de l'électorat du parti du Cheïkh.