Le secteur textile tunisien est-il sorti de l'ornière après le démantèlement des Accords Multifibres dont on prédisait les conséquences les plus désactreuses ? Bien des indices donnent à le penser , plus particulièrement , la balance commerciale du secteur telle qu'elle est établie par le Centre de promotion des exportations. En effet, au cours des 11 premiers mois de l'année 2006, les exportations textiliennes ont atteint 4,03 milliards de dinars et ont enregistré pour la première fois depuis l'année 2005, un taux de croissance positif (0,02 %), et une amélioration du taux de couverture passant de 150,4 % à 152,6%.
Il faut y avoir une avancée inédite et essentielle en regard du fait que le secteur du textile en Tunisie qui se heurte à une rude concurrence, a subi de fortes pressions surtout depuis le démantèlement de l'accord multifibres (AMF) en 2005. Au cours des 9 premiers mois de l'année 2006, les exportations du secteur textile représentaient 3,32 milliards de dinars, soit une baisse de 1,7 % comparé à la même période de l'année dernière. Cette régression s'est accentuée au cours des 10 premiers mois de 2006 dans la mesure où les exportations ont enregistré une baisse de 2,5 % par rapport à la même période de 2005.
Nouvelles stratégies A n'en pas en douter , la reprise s'explique , à titre principal , par le fait que les entrepreneurs explorent et adoptent des stratégies nouvelles, et des tendances nouvelles font leur apparition. Les sous-traitants traditionnels, qui dépendent massivement des acheteurs étrangers, accueillent avec enthousiasme les partenariats de co-traitance orientés vers la production haut de gamme. En matière de production et de finition, les fabricants tunisiens peuvent faire face à des normes élevées. Des marques telles que Yves Saint-Laurent, Max Mara, Pauk&Shark, et Dolce&Gabbana n'hésitent pas à délocaliser leur production en Tunisie.
Le réapprovisionnement représente un autre vecteur potentiel de développement. Dans une industrie en perpétuel mouvement, savoir gérer un calendrier serré est primordial, et la position géographique de la Tunisie lui procure un avantage sur les autres pays producteurs. Les fabricants tunisiens sont en mesure de livrer le marché européen (et quelquefois les pays du golfe et nord africains) en quelques jours, ce qui peut prendre plusieurs semaines pour leurs homologues chinois ou indiens.
Certains fabricants tunisiens commencent à se spécialiser dans certaines niches, comme par exemple les sous-vêtements haut de gamme ou le textile haute technologie, qui sont utilisés dans les industries automobile et aérienne à des fins sécuritaires ou médicales. Néanmoins, ces produits de niches nécessitent un savoir-faire et des hautes compétences techniques. Les industriels qui souhaitent investir dans ces segments doivent respecter des règles et des normes de qualité bien strictes, ce que peu d'opérateurs locaux sont en mesure de garantir pour le moment.
Parallèlement, certaines entreprises tunisiennes se détournent de la sous-traitance au profit d'activités à plus forte valeur ajoutée. Par exemple Maille Club, qui opère depuis des années exclusivement en qualité de sous traitant, vient de lancer sa propre marque de mode, Mabrouk. A présent, le fabricant a pris les rennes de la chaîne dans sa globalité, de la maquette à la production, en passant par la création, le marketing jusqu'à la commercialisation à travers son réseau de distribution.
« Une nouvelle culture de conception » Un vecteur majeur de ce redressement est la mise en place du Plan national textile qui , de l'avis des professionnels , est venu à point nommé, répondre précisément aux interrogations et aux incertitudes de cette typologie d'entreprises tant il est vrai que la migration vers la co-traitance et le produit fini reste leur seule voie passante, compte tenu des exigences de la distribution et de l'érosion des avantages compétitifs de l'activité de sous-traitance.
Cependant, la transition des entreprises engagées dans ce processus est à la fois une œuvre de longue haleine et un projet mobilisateur de moyens humains, financiers et matériels importants, estime plus particulièrement le Président de la Fenatex qui,regroupe les textiliens tunisiens qui souligne qu'il s'agit en définitive du passage d'une logique d'exécution à une nouvelle culture de conception et de développement avec tout ce qu'elle comporte en termes de changements d'organisation et d'intégration de nouvelles mœurs dans la gestion du sourcing, de la production, des finances, du marketing et des ventes.
De l'avis des précurseurs en la matière, cette démarche a toutes les chances d'aboutir si toutefois une plate forme minimale serait instaurée à la faveur de cette volonté affichée à tous les niveaux pour maintenir ce secteur au peloton de notre activité industrielle.
Aux changements d'attitudes et d'aptitudes attendus et souhaitées de nos entreprises, il est impératif d'apporter avec autant de foi et de conviction les régulations qui s'imposent au niveau de l'environnement immédiat de notre appareil de production, ffirment les industriels tunisiens du textile..a
Pour prétendre à ce saut qualitatif de ce secteur, il est à la fois indispensable et urgent d'asseoir les synergies nécessaires avec les partenaires de tout bord de l'entreprise. Des initiatives allant dans le sens d'une compression des coûts de facteurs de production, d'un allégement des charges sociales et d'un engagement plus prononcé des banques sont à ce titre les socles de ce partenariat recherché.
A cela, il faudra sans doute repenser certaines législations pour permettre à nos entreprises d'exercer dans les mêmes conditions de travail que la concurrence étrangère.
Pour la Tunisie, la dimension économique et sociale de ce secteur, le savoir faire de ses acteurs et son positionnement sur la scène internationale sont des acquis qu'il faudra sans doute jalousement conserver
En un mot , pour résister face à la concurrence asiatique, les entreprises tunisiennes devraient opter pour la modernisation de leur gestion, leurs chaînes de production et leur système informatique afin de miser sur la qualité des produits exportés en tant qu'avantage concurrentiel plutôt que les économies d'échelle provenant de l'exportation de produits bas de gamme et bon marché.