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Des « cas isolés »...soit ! Mais pourquoi en faire un tabou ?
Dossier: Les enfants de la rue
Publié dans Le Temps le 22 - 10 - 2007

La Tunisie a signé en 1991 la Convention des Nations Unies de Protection de l'Enfant. Quatre ans après, plus précisément le 9 novembre 1995, un Code de la Protection de l'Enfant a été promulgué.
Objectif : garantir les droits fondamentaux des enfants et les protéger contre toutes les formes de dangers et de risques. En dépit des mesures et réglementations, le phénomène des enfants des rues commence à s'enraciner dans la société tunisienne. On voit de plus en plus d'enfants qui mendient de manière indirecte dans les stations de métro, la gare et même les espaces de loisirs et les cafés. Il s'agit bien là d'une des formes des enfants des rues. Phénomène de société ? Et phénomène d'autant plus paradoxal que les équilibres sociaux de la Tunisie sont jugés « bons » Et alors comment ? Pourquoi ?

Mohamed Aziz âgé de trois ans et son frère cadet Marouane âgé d'un an et demi, deux bébés qui se retrouvent quotidiennement dans la rue malgré eux. Contrairement aux autres enfants qui se réveillent le matin pour se diriger vers la garderie ou la crèche, ces deux frères se sont habitués à leur deuxième milieu, les rues du centre ville. En effet, insoucieuse des dangers que sa progéniture court, la jeune mère se pointe de bonne heure devant une pharmacie du coin pour mendier. Sa tâche commence à partir de 10 heures du matin et se poursuit jusqu'à la fin de l'après-midi. Il s'agit dit-elle « de sa seule source de revenu depuis son jeune âge ». Car elle est elle-même issue d'un milieu social démuni. « Mes parents sont divorcés depuis longtemps. Nous nous sommes ainsi retrouvés dans la rue sans soutien matériel ni moral », affirme-t-elle. La mère ne s'absente que très rarement. Sauf pour cas de force majeure. Elle n'est jamais dissuadée par les mauvaises conditions climatiques, la canicule ou le froid. « Je n'ai pas d'autres choix que de faire endurer à mes enfants ces conditions de vie », ajoute-t-elle.

Les enfants des rues ou ceux qui mendient de manière directe ou indirecte, on les voit souvent dans les stations de métro plus particulièrement lors des vacances scolaires. Faute de moyens, ces derniers se retrouvent obligés de vendre des confiseries et des papiers-serviettes à bas prix. Les tarifs ne dépassent pas les 100 millimes chez ces jeunes « commerçants ». Par ailleurs, d'autres choisissent la gare comme lieu et source de revenu. Ils proposent des petits livres du Coran à 500 millimes seulement. Pour multiplier les chances de gain, ils supplient très souvent les voyageurs. Et gare à celui qui refuse d'en acheter un. Car, ils changent de ton et insultent même parfois les passagers. Si quelques-uns ont recours à des moyens corrects d'autres n'hésitent pas à arnaquer les gens. Ces scènes sont très fréquentes dans les espaces de loisirs et même dans les endroits chics. Les enfants n'hésitent pas à arracher l'argent aux clients en contrepartie d'une fleur ou d'un gadget.

Signes de propagation
Le phénomène des enfants des rues et du travail des enfants n'est pas fréquent chez nous. Toutefois ces scènes commencent se banaliser. Les dossiers traités par le ministère des Affaires de la Femme, de la Famille de l'Enfance et des Personnes Agées n'ont guère dépassé les vingt cas en 2006. D'ailleurs, plusieurs mesures ont été prises pour protéger cette frange de la société et leur garantir les droits fondamentaux. Le Code de la Protection de l'Enfance promulgué en 1995 en témoigne sans oublier le rôle du délégué de protection de l'enfance et le juge d'enfant. Ces deux derniers ont pour principale mission de protéger cette population contre toutes les formes des dangers qui menacent leur vie et leur formation. Ils peuvent d'ailleurs intervenir directement dans quelques situations et suite à une simple déclaration. La Tunisie a également signé en 1991 la convention des Nations Unies des Droits de l'Enfant sans oublier les différentes institutions de réintégration sociale et de prise en charge. D'ailleurs, le nombre des centres intégrés de l'enfance ne cesse d'augmenter au fil du temps.
Mais en dépit des mesures prises au profit des enfants, il y a ceux qui vivent dans des conditions précaires. Les délégués de protection de l'enfance a pour principale mission de prendre en charge cette population et de lui trouver les solutions adéquates. Mais ces derniers n'accomplissent pas toujours convenablement leur tâche. Ils continuent à négliger ce problème même en cas de déclaration. Il s'agit bien du cas de Mohamed Aziz et de Marouane victimes de la négligence de leurs parents. Ces deux garçons s'ajouteront à la liste des enfants des rues en Tunisie s'ils ne seront pas récupérés et encadrés.
Sana Farhat


Interview

Bassam Aïcha ; expert consultant pour le monde arabe
« Etudes éparses ; les enfants de la rue sont perçus comme représentant une menace et non pas comme des victimes »
Les enfants de la rue sont de plus en plus présents dans la région arabe à cause des difficultés socio-économiques. Il existe en fait deux catégories de cette frange de la société. Celle qui ne trouve d'abri que dans ce milieu dangereux et une autre qui s'y adonne pour gagner sa source de revenu. Pour mieux expliquer les causes du problème, les mesures qu'il faut prendre pour le limiter aussi bien en Tunisie que dans les pays arabes, nous avons contacté M. Bassam Aïcha, expert consultant au Bureau de l'Expertise Arabe pour la Formation, la Recherche et la Consultation. Entretien.

Le Temps: Comment se présente le phénomène des enfants de la rue dans le monde arabe ?

Bassam Aïcha
Pour mieux étudier le phénomène des enfants de la rue dans la région, le Conseil Arabe de l'Enfance et du Développement a réalisé en 1989 un projet pour protéger cette frange de la société et cerner le problème. Le projet avait également pour objectif l'identification du problème. Dans une deuxième phase, une stratégie a été établie afin de réunir les compétences exerçant dans le domaine et mobiliser les moyens financiers susceptibles de réduire le problème. La stratégie a été exécutée jusqu'à 2004. Mais, les études réalisées dans ce cadre ont démontré que les enfants de la rue sont toujours perçus comment étant une menace et non pas des victimes. C'est pour cette raison que le conseil arabe a œuvré à changer cette attitude en réintégrant les enfants dans des centres spécialisés.

*Selon vous, quelles sont les causes de l'émergence de ce phénomène ?
-Les causes de ce problème sont d'ordres social et économique. Les principaux facteurs de l'émergence du nombre des enfants de la rue sont notamment, la pauvreté et la détérioration du niveau de la vie. En effet, la mondialisation pèse lourd sur les pays arabes et plus particulièrement ceux dont le niveau de revenu est limité. De plus, les changements enregistrés dans cette société ont eu un impact négatif. Quelques pays de la région ont réduit les budgets alloués à l'éducation et à la santé. Conséquence ; augmentation des franges sociales marginalisées notamment les enfants qui sont d'ailleurs les premières victimes de ces décisions.
Il existe également d'autres causes à identifier ; la dislocation de la famille, la violence en milieux scolaire et familial et le repli de la valeur de la science. Le phénomène du travail des enfants en est une cause. Très souvent mal exploités, les mineurs se réfugient dans la rue.

*Les spécialistes parlent de deux concepts ou de deux catégories d'enfants de la rue. En quoi consistent-t-ils ?
-Effectivement, nous définissons deux catégories d'enfants de la rue. Il y a ceux qui vivent dans cet espace de manière continue. En d'autres termes, ils n'ont ni foyer fixe, ni abri ni source de revenu. Ils sont en quête continue de leur source de vie mais dans un milieu non protégé. Quant à la deuxième catégorie, elle dispose d'une famille très souvent en difficulté matérielle ou sociale. Ces enfants sont donc obligés de gagner leur vie en mendiant de manière directe ou indirecte. C'est-à-dire en vendant des papiers serviettes, des stylos, etc. A signaler dans ce contexte que des relations se nouent entre les deux catégories d'enfants d'où le risque croissant d'en faire des délinquants.

*Y-a-t-il des programmes pour juguler ce phénomène dans les différents pays arabes ?
-Très souvent, les gouvernements n'arrêtent pas de programmes dans ce sens car ils ne disposent pas de statistiques reflétant la réalité de la situation. Mais il y a des indices et des signes qu'il ne faut pas négliger. Ils sont les vrais témoins de l'émergence du phénomène. Il est, ainsi, important de faire des études pour mesurer le taux d'évolution de son ampleur, ses spécificités et ses causes. C'est de cette manière que nous pourrons arrêter des programmes d'intervention et des mesures de protection des enfants menacés.

Comment évaluez-vous les réglementations régissant le secteur en Tunisie ?
La fonction du délégué de la protection de l'enfance est l'une des plus importantes mesures appliquées en Tunisie. Le délégué est habilité à intervenir en cas de besoin pour protéger les enfants menacés. Toutefois, il n'existe pas des statistiques dans ce sens. Les enfants de la rue sont encore un sujet tabou. Il est important de disposer des indices pour développer les stratégies de protection des enfants qui sont exploités, notamment, dans la mendicité. Il faut aussi concevoir des études prospectives pour cerner le problème et lui trouver les solutions appropriées à moyen et à long termes. La Tunisie pourrait avoir recours à l'expérience des pays arabes, là où le problème se pose réellement. Il vaut mieux prévoir des solutions avant que le phénomène ne gagne du terrain.
Propos recueillis par S.F



Quand M. le délégué nous envoie sur les roses...
Nous avons contacté lors du mois d'août le délégué de la protection de l'enfance du gouvernorat de Tunis pour réclamer le cas des deux enfants (Mohamed Aziz et Marouane) qui sont toujours présents dans la rue. M. le délégué a promis de prendre les mesures nécessaires afin de protéger ces deux bébés qui sont l'exemple type de l'enfance menacée. Mais aucune initiative n'a été prise à leur profit. A quand la prise en charge de ces enfants ?
S.F

Les enfants de la rue en chiffres
120 millions c'est le chiffre estimé aujourd'hui par des études conjointes du BIT (Bureau international du Travail) et l'UNICEF du nombre d'enfants qui vivent dans la rue, la moitié de ces enfants vit dans le continent sud-américain et 30 millions en Asie.

Y a-t-il une typologie ?
Les enfants de la rue ont entre 5 et 16 ans, mais il est courant d'en rencontrer ceux qui ont à peine 3 ou 4 ans aux côtés de frères plus âgés qui assurent leur protection. La majorité des enfants des rues sont des garçons. Les filles sont en effet moins visibles dans la rue pour deux raisons :
* La première est qu'elles sont moins aventurières et hésitent plus à quitter leur milieu familial même lorsque les conditions de vie sont exécrables.
* La seconde raison est qu'elles travaillent de façon moins visible comme domestiques, ouvrières dans des ateliers clandestins.
Dans la majorité des cas, les enfants de la rue sont issus de familles nombreuses rurales que le mirage des villes a poussé à migrer. Actuellement près de la moitié de tous les enfants des pays en voie de développement vit dans des agglomérations urbaines, c'est à dire pour la plupart dans des bidonvilles.
Les enfants de la rue ne rentrent pas tous dans la même typologie. Bien que la situation de chacun de ces enfants soit tragique les organismes spécialisés les classent en 3 groupes :
1) Les enfants qui ont conservé une relation constante avec leur famille c'est à dire qu'ils vivent avec leur famille dans la rue.
2) Les enfants qui travaillent dans la rue, y passent leurs journées et une partie de la nuit, mais qui gardent un contact permanent avec leur famille qui possède un domicile, même précaire. L'action de ces enfants dans la rue est souvent un apport économique non négligeable à la famille. Leur présence dans la rue est également liée à de graves problèmes familiaux.
3) Les enfants démunis, qui n'ont plus aucun contact avec leur famille ce qui constitue les situations les plus critiques. Leurs origines sont diverses. Ils peuvent être orphelins, enfants réfugiés ou déplacés, avoir été chassés de la maison pour réduire le nombre de bouches à nourrir, avoir été abandonnés par des parents qui n'arrivent pas à survivre ou encore fugueurs comme c'est le cas dans de nombreux pays occidentaux.


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