La Jebba tunisienne, pièce principale du costume traditionnel masculin, a été présente au 32ème salon de la création artisanale (du 24 avril au 3 mai 2015 -Parc des expositions du Kram). Cet habit très original continue, aujourd'hui d'exister et d'évoluer pour s'adapter aux nouvelles tendances et être à l'image des temps modernes. Mais, il a gardé certains aspects des époques andalouse et islamique, auxquelles remonte son histoire. Aujourd'hui, marier l'originalité et la modernité de cet habit tout en préservant l'empreinte tunisienne, est la tâche à laquelle se livrent de nombreux artisanes et artisans tunisiens passionnés de patrimoine et de confection de vêtements traditionnels. Ceux-ci, ne cessent d'aller plus loin dans la création pour ajouter leurs touches et faire de la Jebba tunisienne un symbole d'élégance, de grâce et d'authenticité. Généralement, la Jebba tunisienne est fabriquée de différents tissus (soie, toile de lin, lainage...). Elle existe, par ailleurs, sous différents modèles: Jebba Khamri (de couleur rouge brique), Jebba Kamraya (en lin), Jebba Sakrouta (de couleur beige), Jebba Harir (en soie blanc), Jebba en laine, Jebba chmûs (ornée de broderies sous forme de soleil), Jebba Harbla et Jebba Karmasoud (de couleur verte). Cet habit symbole d'identité constitue, depuis l'ère musulmane, un habit porté à la fois par les bourgeois et aussi ceux issus de milieux modestes. Aujourd'hui, la Jebba, qui couvre pratiquement tout le corps sans toutefois recouvrir les avants-bras ou les mollets, préserve sa connotation islamique, mais change de modèles d'un pays à l'autre dans le Moyen-orient, l'Afrique et la Méditerranée. En Tunisie, elle est restée, par ailleurs, l'habit principal des prêcheurs et des imams dans les mosquées. La Jebba n'est portée, pourtant, dans le pays qu'avec ses accessoires: le fameux gilet connu sous l'appellation «farmla», la bedia ou sadria), la veste et un serouel (pantalon bouffant), serré à la taille par une ceinture de soie sans oublier le paire de balghas (chaussures traditionnelles). La confection de Jebba, est un métier hérité et passionnant. Lâarbi Bougamha, styliste modéliste et directeur de l'Association tunisienne de la Mode (ATM) n'a pas caché sa fierté, dans un entretien accordé à l'agence TAP, de son métier de confectionneur de Jebba. Un métier qu'il a hérité de son père et qui le passionne depuis l'âge de 6 ans. Contrairement à ceux qui disent que le métier risque de disparaître, Bougamha, dont le nom est intégré au Guinness Book des records pour avoir confectionné, en 2009, le plus long pantalon du monde (50 mètres de longueur, soit la hauteur d'une immeuble de 22 étages), estime, lui, «qu'il (le métier) rencontre des difficultés, mais ne disparaîtra jamais». La preuve, le créateur de mode artisanale continue de participer à des salons internationaux et de promouvoir la Jebba tunisienne partout dans le monde. Pour continuer de vendre cet habit traditionnel «il faut simplement l'associer à d'autres pièces (costumes traditionnels), a-t-il dit. Une autre spécialiste du Kaftan et de la Jebba traditionnelle, «Madame Khalfaoui», est parvenue à «féminiser» cet habit, longtemps réservé à l'homme, et à créer des Jebbas encore plus belles pour les femmes.»Les Tunisiennes adorent la Jebba et la portent souvent, à l'occasion des fêtes religieuses, au Ramadan, lors des cérémonies de mariages et même pendant les soirs d'été», a-t-elle déclaré à TAP. Cependant, cet habit n'est pas facile à confectionner au vu de la doigté qu'il exige dans la broderie et la finesse des modèles. «Chaque année, je ne peut produire que 100 pièces, dont les prix varient entre 320 dinars et 480 dinars», a précisé Madame Khalfaoui. Son espoir et de voir ses produits écoulés sur les marchés des pays arabes et du Golfe, non sous autres marques, comme on vient de lui proposer, mais «avec le cachet purement tunisien». Pour Amal Oueslati, gérante de la société «Baldya», spécialisée dans la confection du costume traditionnel rénové, «la Jebba tunisienne continue d'être sollicitée parce qu'elle reflète l'originalité et le charme de la Tunisie». «Nous essayons d'y introduire des touches de modernité, des broderies et d'en créer de nouveaux modèles (Jebba-Robe, Jebba avec un barnous..), pour sortir un peu du modèle classique», a encore indiqué la jeune femme. Pour Siwar Ben Cheikh Béji, directrice générale de la société «Palais de l'artisan», le métier de confection de Jebba est une affaire de famille. Avec son mari, ils cherchent toujours à être créatifs en participant à des manifestations spécialisées dans la mode. Leur cible est, aujourd'hui, les jeunes tunisiens, hommes et femmes, qui devraient, dit-elle, «conserver jalousement les legs de leurs aïeuls». Si les prix, perçus comme «très élevés», qui restent la raison pour laquelle les jeunes boudent l'habit traditionnel, Madame Béji justifie cela par le coût des matières premières, la qualité du tissu, la tâche ardue de broderie et le manque de main d'œuvre qualifiée. Comme la sauvegarde de l'artisanat tunisien est, avant tout, la responsabilité de l'Etat, l'Office national de l'artisanat(ONA) oeuvre, de son côté, à mettre en place les mesures appropriées pour préserver ce patrimoine et aussi encourager sa rénovation. A cet effet, l'office vient de publier, un guide présentant les modèles de la Jebba traditionnelle féminine tunisienne, à l'occasion du concours 2015 de la Khomsa d'Or pour le costume féminin de jour. Les modèles illustrés dans ce guide ne vont pas passer inaperçus. Car, les Jebbas féminins sont à la fois élégantes et pratiques. Portées avec des «serouals» avec des foutas, des chemises évasées et à larges bords, elles permettent aux femmes qui les portent de se déplacer avec aisance. Chaque région en Tunisie est connue pour un modèle à part. La Jebba «Pastri», à titre d'exemple, est un habit en soie de tous les jours dans la ville de Sfax. A Nabeul, les femmes aiment plutôt la jebba en laine, un habit de noces, qui se porte également lors des visites de familles ou en ville. Par contre à la localité de Rafraf dans la région de Bizerte, depuis le début du 20ème siècle, la mariée portait une Jebba «Chouchana» et se parait au cours du 3ème jour du mariage d'une Jebba blanche agrémentée de fleurs de couleurs vives. A Tunis, la capitale, la mariée se parait, depuis la fin du 19ème siècle, d'une Jebba brodée où domine la couleur dorée. Les dames plus âgées, ont aussi leurs Jebbas spécifiques. Au cours de la première moitié du 19ème siècle, l'habit quotidien de la tunisoise était une Jebba bicolore verte et rouge, alors qu'au début du 20ème siècle, la mariée de Tunis portait une Jebba courte avec un seroual (pantalon) et une coiffe. Les hammamétoises du 19ème siècle portaient une Jebba brodée, une Jebba carrée ou encore une Jebba rouge. Dans la ville de Monastir, la Jebba remonte au 19ème siècle, elle est rouge brodée de paillettes dorées et de plusieurs formes inspirées de la nature, alors que la Jebba de soie de couleur bleue est l'habit des fêtes de la femme à Soliman. (TAP)