Semestrielle, la revue "Fikrun wa Fann" est publiée par le Goethe-Institut en trois langues. En effet, il existe de cette revue une édition en langue arabe, une autre en farsi et une troisième en langue anglaise. Cette revue culturelle qui entame sa quinzième année paraît au siège de l'institut culturel allemand à Munich. Toutefois, la rédaction en chef de la revue est installée à Cologne tout en rayonnant sur un important réseau de contributeurs et de correspondants animé par Stefan Weidner avec le concours de Ahmad Hissou pour l'édition en arabe et Manutshehr Amirpur pour l'édition en langue persane. La 103ème livraison de cette revue vient de paraître qui consacre un numéro spécial à l'écriture littéraire et l'édition face aux défis du numérique. Cette problématique contemporaine se situe en droite ligne dans la politique éditoriale de ""Fikrun wa Fann" qui a consacré ses dernières parutions à la psychologie (numéro 102) ou encore l'éducation (numéro 101). Les enjeux de l'écriture au temps du numérique Avec 80 pages traitant de nombreux aspects du rapport entre littérature et numérique, "Fikrun wa Fann" donne la parole à plusieurs intellectuels et artistes du monde arabo-musulman et aussi d'Allemagne. Notons la présence dans cette livraison d'un texte de la dramaturge tunisienne Meriam Bousselmi dans lequel elle analyse la présence du théâtre dans un contexte global placé sous le signe de la théâtralisation. Adoptant une perspective élargie, Bousselmi part d'une réflexion sur le théâtre en Tunisie puis élargit les horizons jusqu'à envisager la place du théâtre dans une société du spectacle, théorisée dans le passé par les Situationnistes et présentée par Guy Debord dans son ouvrage de référence. Cette livraison de la revue est toutefois marquée par les défis de l'écriture et de l'édition aujourd'hui auxquels Hoger Ehling consacre un éditorial remarquable de clarté et de concision. Plaidant pour la quête d'alternatives, notant la domination du papier dans les sociétés en développement, Ehling situe sa réflexion dans la modernité et évite les pièges du regard classique posé par l'Occident sur certaines réalités. Autre animateur de cette livraison, Achim Wagner signe le texte d'ouverture et met en exergue la nécessité d'une vision synchronique qui irait au-delà de la convention. Wagner signe également un texte sur le mouvement turc de Shiirsokakta, une initiative qui a consisté à porter la poésie dans les rues et les lieux les plus inattendus. Le rédacteur en chef de "Fikrun wa Fann", Stefan Weidner, consacre pour sa part un long article au poète et éditeur Khaled Maali, animateur de la maison Al Jamal. Le creuset des cultures du monde contemporain Le dossier central de cette livraison de la revue allemande permet d'entrevoir la dialectique entre édition classique et essor du numérique partout dans le monde. Ainsi, Arthur Atwell pose son regard sur l'édition en Afrique alors que Parisa Tonekaboni analyse la montée en puissance et le déclin de la blogosphère en Iran. S'intéréssant aux processus d'écriture, plusieurs articles décrivent les réalités des gens de plume en Inde ou en Afghanistan. La Palestine est présente dans ce numéro de "Fikrun wa Fann" à travers les contributions de Adania Shibli ( " Comment donner un sens à l'écriture en Palestine") et Dima Wannous qui offre au lecteur un texte d'une grande sensibilité à propos de la fragilité de l'acte d'écrire dans le monde contemporain. Prospectives, les analyses de Thorsten Kramer et Johannes Thumfart se penchent sur le changement de sens du media livre et l'art de l'écriture dans les interstices du monopole numérique. Richement illustré, doté d'une charte graphique des plus modernes, "Fikrun wa Fann" est incontestablement une revue de qualité, un espace de convergence entre l'Allemagne et le monde arabo-musulman et aussi le creuset dans lequel sont analysés de diverses perspectives les échos des cultures du monde actuel.