Parfois, ceux qui travaillent dans la discrétion se font du mal à cause d'un excès de modestie et de don de soi. Certes, dans une démocratie bien installée et, surtout, dans une société bien structurée, hiérarchisée, où les canaux de transmission sont bien connus, le citoyen finit toujours par savoir ce que lui concoctent ses dirigeants. L'Open Gov. Lui permet, sans bouger et avec un simple clic, de tout savoir, y compris les montants des factures du carburant consommé, la veille par un ministre... Nous sommes loin de ce niveau de fonctionnement de la société et des rouages internes des pouvoirs publics. Toutefois, tout en étant en pleine transition vers la démocratie, le bon grain peut être planté aux niveaux supérieurs des pouvoirs publics... C'est le cas de le dire, lorsqu'on apprend que pour la migration, une stratégie nationale vient d'être élaborée au ministère des Affaires sociales, à l'initiative du Secrétariat d'Etat chargé de la migration, dirigé par un médecin débauché de l'OMS, pour servir son pays... Belgacem Sabri. Détails. Tout d'abord, après un diagnostic chiffré de la situation, « les valeurs pilotes de la politique nationale de migration », ont été arrêtées. Ainsi, lit-on : « La politique de la République Tunisienne en matière de migration est basée sur les valeurs suivantes : Le droit à la migration, à la stabilité et au retour à la patrie est garanti pour tous, dans le cadre du respect de la loi. Le respect de la liberté et des droits humains des migrants sans discrimination aucune. L'importance de la coopération internationale, aussi bien bilatérale que multilatérale, en matière de gestion et du suivi de la migration dans le cadre d'une vision basée sur le développement durable, le respect mutuel et le principe du traitement égal, conformément aux conventions internationales ratifiées par la Tunisie. La promotion des relations internationales, au rayonnement de la Tunisie à l'étranger et à l'appui de ses relations avec les pays voisins, en particulier, Arabes et Africains. L'appui à l'intégration de la communauté tunisienne dans les pays d'accueil et le renforcement de ses liens avec la patrie. La gestion de l'immigration des travailleurs et des compétences, afin d'équilibrer le marché de l'emploi et de renforcer la compétitivité de l'économie nationale et son développement ». Comme une stratégie migratoire doit être bâtie sur des principes bien définis, au Secrétariat d'Etat à la migration, 5 principes sont retenus, à savoir : Importance de la réflexion stratégique soutenue par des données statistiques rigoureuses et des études scientifiques. Renforcement de la bonne gouvernance dans le cadre d'une approche participative et multi sectorielle renforcée par l'adoption du contrat social entre les divers partenaires. Cohérence entre les choix migratoires avec les autres politiques nationales notamment l'emploi et la formation professionnelle. Investissement dans le développement et l'épanouissement des ressources humaines pour l'appropriation de la politique et stratégie migratoire et pour le développement institutionnel. Instauration d'une culture d'évaluation permanente des performances ». Il en découle des défis, comme : Absence d'une concertation régionale, notamment maghrébine, pour mieux négocier les accords de PPM avec l'Europe. Le manque de coordination entre les divers départements concernés par les migrations ne facilite pas une bonne intégration des défis migratoires dans les agendas nationaux pour la sécurité et le développement socio-économique. L'émergence de phénomènes nouveaux représentés par l'immigration et les demandeurs d'asile représente des contraintes concernant la gestion des flux migratoires eu égard au vide juridique national dans ce domaine et aux faiblesses institutionnelles. La faible implication des Tunisiens de l'étranger après 60 ans d'émigration dans les choix relatifs aux stratégies publiques en matière de migrations. De nouvelles opportunités émergent. Le document établi parle des changements en ces termes : « Les changements importants sur le plan global et régional affectent le profil migratoire tunisien et offrent de nouvelles opportunités pour mieux gérer les flux migratoires et faire de la migration un levier de développement économique et social. La déclaration du dialogue international de haut niveau de 2013, auquel a contribué la Tunisie, reconnaît l'importance de l'immigration pour tous les pays et notamment sa contribution au développement dans le cadre de l'agenda post 2015 tout en soulignant la primauté de la protection des droits humains des migrants. L'intérêt porté aux migrations sur le plan global a été renforcé par l'émergence de conflits régionaux qui ont augmenté le rythme et le volume des migrations clandestines et de la demande d'asile en Europe. Ces contraintes ont amené les pays du Nord à développer de nouvelles stratégies migratoires et à renforcer la coopération avec la Tunisie dans le domaine de la gestion des migrations. Des accords de mobilité ont été conclus et des programmes de coopération visent à renforcer les capacités des ressources humaines nationales en charge des migrations et à soutenir le développement des institutions impliquées dans la gestion des migrations. Les partenaires étrangers, notamment européens, ont apporté une contribution appréciable dans l'accompagnement des efforts nationaux pour mieux gérer la migration organisée, pour réduire l'émigration illégale et pour développer une stratégie cohérente pour la gestion des migrations. Deux pas ont été franchis dans la réhabilitation de la citoyenneté de la diaspora tunisienne. Ce sont deux droits constitutionnels qui ont mis fin à une longue discrimination : Le droit de vote et d'éligibilité des Tunisiens résidant à l'étranger aux échéances électorales nationales et ; L'éligibilité d'un binational à toutes les élections nationales. Après la révolution de la liberté et la dignité, la société civile nationale aussi bien en Tunisie que parmi la diaspora joue un rôle important pour valoriser la migration et pour protéger les droits constitutionnels des migrants. La concertation entre les divers partenaires sociaux sur les choix migratoires pourrait se faire dans le cadre du contrat social comme cela a été récemment recommandé (séminaire OTE-BIT juillet 2015). Les efforts entamés par les gouvernements tunisiens successifs après la révolution pour mettre en place une stratégie cohérente des migrations et pour l'insérer dans le cadre du développement socio-économique ont été soutenus par de nombreux partenaires bilatéraux et multi latéraux. Tout un chantier est ouvert avec des objectifs bien précis. Il ne peut connaître une conclusion positive qu'en associant la société civile et les leaders régionaux dans les différents pays d'accueil, sans la moindre politisation.