L'UGTT, la centrale syndicale historique fête ses 70 ans, ce jour-même, souhaitons lui bon anniversaire et surtout ayons une pensée émue pour son fondateur Farhat Hached qui a fait don de sa vie à la nation toute entière pour la libération nationale. En effet, M. Hassine Abassi, secrétaire général de l'Union, en exercice, n'a pas manqué, hier, sur la Nationale « 1 », de réaffirmer que le grand leader national et syndical, Farhat Hached, dans son testament politique magistral à la nation, a bien dit : « Oh peuple... je vous aime » (Ouhebouka ya chaâb) et non : « Oh, classe ouvrière, seulement, je vous aime » ! Nous disons cela parce que beaucoup d'observateurs politiques craignent la « gauchisation » excessive de l'UGTT, que Hached a conçue comme organe de rassemblement du peuple et non de division et de lutte des classes. D'ailleurs, l'un des fondateurs de l'UTICA elle-même, la centrale patronale n'était autre que Farhat Hached lui-même, qui a encouragé les commerçants et artisans tunisiens à adhérer à son Union, le temps de former leur propre organisation. Par conséquent, l'UGTT a toujours été le refuge et le recours de toutes les catégories populaires, des intellectuels et des élites nationales, toutes tendances doctrinaires et idéologiques, qui subissaient à un moment ou un autre, la répression des systèmes politiques et des gouvernants autoritaires. Par ailleurs, elle a toujours fait la part des choses pour ne pas aller vers l'endoctrinement idéologique, qui peut conduire à la fracture de la cohésion nationale et sociale. Premier acte symbolique donné par Hached lui-même, sur les conseils de Bourguiba (et les documents historiques sont là pour le prouver), c'est l'adhésion de l'UGTT à la CISEL, libérale et proche de l'Amérique et pas aux Fédérations mondiales des travailleurs qui ont fait allégeance à l'Union soviétique, à l'époque. C'était un choix stratégique ! Autre cheminement important, la coalition permanente depuis la lutte pour la libération nationale entre l'UGTT et le néo-destour et les rôles importants joués par feus, les leaders syndicaux, Ahmed Tlili et Habib Achour dans la résistance à l'occupation coloniale, puis la construction de l'Etat national moderne et les institutions de la première République. L'UGTT a joué un rôle moteur et dynamique dans la modernisation du pays et la sauvegarde de l'identité nationale spécifique, mais progressiste, de la Tunisie et de son peuple arabe et musulman. Depuis la Révolution de 2010-2011, beaucoup de gens commencent à réagir à la mobilisation jugée parfois excessive vue la crise économique et sociale ascendante et vont jusqu'à y entrevoir une menace sérieuse sur le modèle et les fondamentaux de Hached, qui sont à la base de ce syndicalisme démocratique et social, mais libéral et raisonnable de l'UGTT historique. Pour ma part, je trouve que ces craintes sont exagérées pour la bonne raison que l'UGTT en pleine mutation révolutionnaire, a joué un rôle décisif et crucial, dans la colonisation des revendications, parfois désordonnées qui débordaient de toutes parts. Sans elle, tout le système de stabilisation sociale et politique aurait cédé. L'UGTT, à mon humble avis, a combiné de manière judicieuse et habile la revendication et l'apaisement sociaux. Et là, pour rendre à César ce qui est à César, il y a certainement, l'empreinte du Secrétaire général actuel, M. Hassine Abassi, qui est monté au créneau pour s'afficher comme personnalité de dimension nationale incontournable et avec qui il faut compter. Aujourd'hui, rien ne passe sans lui et l'UGTT, mais ça ne doit nullement faire peur, ni au monde des affaires, ni à celui des investisseurs nationaux et étrangers, tant que le processus social et politique est sous contrôle et je pense qu'il l'est ! M.Abassi, en homme de terrain et d'expérience, sait qu'à vouloir trop emballer la machine revendicative, on peut aller vers l'inconnu et l'irréparable. Tout est question de dosage, pour non seulement sauver les entreprises et les secteurs étatiques de la déconfiture, mais aussi, encourager la promotion économique et l'investissement, afin de donner de l'emploi aux jeunes chômeurs qui attendent et doper la croissance qui permet la redistribution équitable des fruits du développement. Encore une fois, le philosophe allemand Frédéric Rauh : « C'est au moment où on est le plus fort, qu'on est aussi le plus faible » ! En effet, le sentiment de « puissance » dans un environnement de crises successives et de pré-« rebellion » sociale aiguisée, peut mener à l'aventurisme et à certaines tentations insurrectionnelles incontrôlables sur le terrain même de l'activité économique, sociale et politique. Ce serait suicidaire pour tout le monde. La Révolution tunisienne a déjà réalisé un grand pas vers la modernisation du système politique et la démocratie sociale. Mais, l'économie a ses règles propres et ses exigences, qui dépendent largement et même vitalement de la sécurité et de la stabilité politique. C'est comme ça, l'argent est craintif et volatile. Aucun investisseur au monde n'ira en ce moment en Irak ou en Syrie du fait de ces guerres interminables. Les pays qui ont rebondi économiquement comme en Asie du Sud-est et en Europe orientale, ou en Amérique du Sud, sont ceux qui ont mis fin à la guerre, mais aussi aux luttes des classes, par brigades dites « révolutionnaires » interposées. Aujourd'hui, les supermarchés européens et américains sont inondés par les marchandises « made in » China, Vietnam, Cambodge et Corée du Sud. Mais, la Corée du Nord, comme Cuba qui se sont éternisées dans un système dur et collectiviste déclassé, sont aux abonnés « absents » ! L'UGTT est un patrimoine politique et national de la plus haute importance parce que Hached, le plus grand parmi les grands, a construit le syndicat national des travailleurs sur les bases de l'amour du peuple tout entier, de la solidarité et surtout de la cohésion et de la paix sociale. C'est un grand capital, qu'il est de notre devoir à tous, et du devoir des hommes aux commandes de l'UGTT, aujourd'hui, de préserver en faisant très attention aux Chiïsmes et aux tentations des idéologues d'un autre âge, irrationnels et impatients mais inefficaces. Je ne perds pas espoir... car, l'ombre de Farhat veille encore au grain à la place Mohamed Ali... Hached... je vous aime !