Hier, peu après midi, le ministère de l'Intérieur a rendu public un communiqué dans lequel il informe les citoyens tunisiens qu'un couvre-feu est décrété à compter de ce jour sur l'ensemble du territoire national de 20h à 5h du matin. Cette décision fait suite aux actes de violence, de vandalisme et de pillage ainsi qu'aux nombreuses violations de la propriété privée et publique survenus les jours précédents et plus particulièrement ceux ayant secoué, dans la nuit du jeudi, plusieurs régions et quartiers de la Tunisie. En effet, depuis le décès par électrocution du jeune Ridha Yahyaoui survenu dimanche, des heurts ont éclaté à Kasserine, se propageant au fil des heures dans d'autres régions, telle une onde de choc. Ainsi, de Sidi Bouzid, en passant notamment par Siliana, Zaghouan, Tozeur, Bizerte, Sidi Bouzid, Mehdia, Sfax et le Kef, les villes se sont embrasées une à une, semant progressivement le désordre et le chaos sur place. Les gouvernorats de Tunis et de la Manouba n'ont pas été en reste puisque plusieurs mouvements contestataires, allant des manifestations pacifiques aux actes de grabuge et de vandalisme ont été enregistrés dans plusieurs régions et quartiers tels que le Kram, Douar Hicher, Attadhamon, Mnihla et Sidi Hassine. Une ambiance qui n'est pas sans rappeler un certain janvier 2011 et beaucoup y ont même vu les prémices d'une nouvelle révolution. Chaos A l'origine de ces récents événements, une grogne populaire et une contestation sociale revendiquant le droit pour tous au travail. Mais les choses ont vite dégénéré et les événements ont pris, dès mardi soir, une tournure plus inquiétante avec des actes de vandalisme et de pillage enregistrés dans plusieurs villes. Parmi les infrastructures visées par les manifestants, des postes de police, des dépôts de la douane ou encore des agences bancaires et des magasins. Des voitures de la police ainsi qu'un camion de la protection civile ont également été prises pour cible et incendiées. Pire encore, un policier, âgé de 25 ans, a perdu la vie lors de violents heurts à Feriana, au sud de Kasserine. Autant d'événements tragiques qui ont motivé le décret, à nouveau, du couvre-feu. Trois p'tits tours et puis ... revient ! En effet, ce n'est pas une première en Tunisie. Depuis la révolution du 14 janvier, les Tunisiens se sont familiarisés avec cette mesure restrictive, imposée par le ministère de l'Intérieur et censée apaiser les tensions en limitant la circulation et donc le nombre de manifestations et d'actes de contestation durant un laps de temps quotidien bien déterminé. En effet, le 12 janvier 2011, suite à quelques troubles dans certains quartiers, le ministère de l'Intérieur avait décrété un couvre-feu nocturne dans les gouvernorats du Grand Tunis. Depuis, il a été instauré à d'autres reprises, tantôt partiel et tantôt général. La dernière en date remonte à mardi dernier lorsqu'un couvre-feu a été décrété dans la ville de Kasserine et aussitôt transgressé par les protestataires. Peu avant, en novembre 2015, suite à l'explosion en plein centre ville, d'un bus de la garde présidentielle, un couvre-feu avait également été instauré dans le Grand Tunis avant d'être allégé puis levé définitivement le 12 décembre. Durant cette quinzaine de jours, plusieurs centaines de procès verbaux ont été établis et de très nombreuses contraventions émises à l'encontre des individus ayant enfreint cette mesure. Rym BENAROUS Situation précaire après une nuit explosive Nuit de violence dans des délégations de Sfax Les unités de la garde et de la police nationales ont déjoué, dans la nuit de jeudi à hie, des tentatives de violence dans les délégations de Mahrès, Agareb et Menzel Chaker, ont indiqué des sources sécuritaires au correspondant de la TAP dans la région. Des groupes de délinquants ont mis le feu à des pneus au niveau des artères principales de la ville et ont provoqué une perturbation de la circulation. Le porte-parole du district de la garde nationale à Sfax, Foued Hamdi a souligné que les forces sécuritaires ont empêché, avec le soutien des habitants hostiles aux actes de violence, les groupes de délinquants de s'introduire dans le district de la garde nationale et du dépôt municipal à Mahrès. L'intervention des représentants de la société civile aux côtés des forces de la garde nationale a permis de lever le sit-in observé au niveau de l'artère principale dans la délégation de Menzel Chaker. D'autre part, différents établissements publics à Skhira (gouvernorat de Sfax) à l'exception du bureau de poste et des établissements éducatifs, ont été fermés hier par des protestataires, a constaté le correspondant de la TAP dans la région. Une délégation représentant ces manifestants s'est déplacée pour rencontrer le gouverneur de Sfax, Habib Chaouat. Poursuite des protestations à Sidi Bouzid Des groupes de jeunes dans les délégations de Regueb, Meknassi, Jelma et Bir Lahfay, ont poursuivi, dans la nuit de jeudi à hier, leur mouvement de protestation pour revendiquer le droit au développement et à l'emploi. Dans la délégation de Jelma, les protestataires ont bloqué la route nationale n3, et à Meknassi les forces de l'ordre ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants qui attaquaient avec des jets de pierres. A Regueb, des groupes de protestataires ont mis le feu à des pneus à la place du martyr provoquant une perturbation de la circulation au niveau de la route reliant les délégations de Regueb et de Saiida. La coordination régionale du Front populaire à Sidi Bouzid, a appelé, dans un communiqué, les forces sécuritaires et militaires à assurer la protection des établissements publics et privés, tout en affirmant que le mouvement de protestation pacifique est un droit garanti par la constitution. Affrontements entre protestataires et forces de l'ordre à l'Ariana Des protestataires ont bloqué hier matin, la route reliant la localité El Bokri, relevant de la délégation de Sidi Thabet (gouvernorat de l'Ariana) et un centre commercial sur la route de Bizerte pour revendiquer l'emploi et le développement, ont indiqué des sources sécuritaires à la correspondante de la TAP dans la région. «La fermeture des routes a causé la perturbation du trafic routier, alors que des unités de la garde nationale ont tenté de disperser les protestataires», ont précisé les mêmes sources. Le chargé de l'information au ministère de l'intérieur, Walid Louguini a déclaré à la TAP que les forces de sécurité ont tenté de convaincre les protestataires de lever le sit-in. Les affrontements entre les protestataires et les unités de la garde nationale ont repris dans la région Enokra à la cité Ettadhamen et El Intilaka. Le délégué de la cité Ettadhamen Hosni Larguet a affirmé à la correspondante de la TAP que cette région a connu hier soir, des opérations de vol et de pillage des banques et quelques locaux commerciaux. Après des affrontements avant-hier soir entre des jeunes et les forces de l'ordre, un calme précaire règne aujourd'hui dans la localité de Mnihla. Le siège du district de la sûreté du Kef attaqué Des jeunes de la ville de Tajerouine (gouvernorat du Kef) ont attaqué, dans la nuit de jeudi à hier, le siège du district de la sûreté nationale dans la ville, ont pris d'assaut un espace commercial dans la région et ont bloqué, avec des pneus en feu, les artères principales de la ville. Une source sécuritaire dans la région a précisé que des assaillants ont attaqué le siège du district de la sûreté nationale avec des cocktails molotov. Les forces sécuritaires ont réussi à rétablir le calme dans la région hier matin, selon la même source. Le siège des Douanes à Kairouan incendié Les unités de la Garde nationale ont arrêté 10 individus, à Kairouan, à bord de deux camions chargés d'une quantité de marchandise volée dans l'entrepôt de la douane dans la région, a indiqué, Khalifa Chibani, chargé de l'Information et de la communication à la Direction générale de la Garde nationale. Des groupes d'individus ont attaqué, dans la nuit de jeudi à hier, le siège des Douanes à Kairouan et y ont mis le feu, ont indiqué des sources sécuritaires et des témoins au correspondant de la TAP dans la région. Les assaillants ont également pris d'assaut deux dépôts, ont précisé les mêmes sources. Agression d'un sécuritaire à Jendouba Des dizaines de citoyens ont participé hier matin, à une marche pacifique ayant parcouru les rues de la ville, pour revendiquer l'emploi et le développement. Des jeunes sans emploi et des représentants de la société civile de la région ont appelé à la nécessité d'accorder un intérêt aux demandes d'emploi et hâter la réalisation des projets annoncés. D'autre part, des protestataires ont pris d'assaut le siège du gouvernorat de Jendouba, avant la fermeture, pour quelques heures, de l'avenue Habib Bourguiba. Selon une source sécuritaire, un agent a été agressé avant-hier soir par des inconnus et transporté à l'hôpital régional pour recevoir les soins nécessaires.