Le Temps-Agences - Le président vénézuélien Hugo Chavez a été investi hier pour un nouveau mandat de six ans, qu'il compte axer sur un socialisme "chrétien et marxiste-léniniste", au risque d'une confrontation avec l'oligarchie locale et les Etats-Unis. En costume cravate et ceint de l'écharpe présidentielle jaune, rouge, bleue, M. Chavez a prêté serment devant l'Assemblée nationale en promettant de construire "un nouveau système social, économique et politique". "Je jure sur la merveilleuse constitution, sur le Christ, le plus grand socialiste de l'histoire. Je ne laisserai pas reposer mes bras ni mon âme, je consacrerai ma vie et mes nuits à la construction du socialisme vénézuélien", a-t-il déclaré. Brodant sur un slogan du guérillero argentino-cubain Ernesto "Che" Guevara, il a lancé: "patrie, socialisme ou mort". Avant sa prestation de serment, le président s'était rendu en automobile décapotable au Panthéon pour déposer une gerbe devant le mausolée du "libérateur" sud-américain Simon Bolivar, son héros et inspirateur. Son discours devant le parlement avait été précédé lundi d'annonces fracassantes: nationalisation de plusieurs secteurs, adoption d'une loi lui conférant des pouvoirs spéciaux et réforme de la constitution pour "renforcer le socialisme". A la hiérarchie catholique qui souhaitait le rencontrer pour qu'il précise son projet de "socialisme du 21e siècle", il a recommandé de se plonger dans les écrits de Lénine et Marx, et dans la Bible. Lundi, il a annoncé son intention de récupérer pour le compte de l'Etat "la propriété de tous les moyens de production stratégiques". "Tout ce qui fut privatisé doit être nationalisé", a-t-il affirmé. En premier lieu, le secteur de l'électricité est concerné, surtout l'entreprise privée fournissant du courant à un million d'habitants de Caracas, Electricidad de Caracas (EDC), et celui de la téléphonie, dont la compagnie CANTV. Les annonces de M. Chavez ont suscité "une forte inquiétude" des Etats-Unis, visés par ces mesures puisque EDC et CANTV sont contrôlées par des capitaux américains. Le porte-parole de la Maison Blanche Tony Snow a rappelé à M. Chavez que "les nationalisations ont une longue histoire peu glorieuse d'échecs", estimant que c'était "un jour triste" pour les Vénézuéliens. L'opposition emmenée par le gouverneur de l'Etat pétrolier de Zulia, Manuel Rosales, et les milieux industriels qui espéraient un dialogue constructif à l'occasion de ce nouveau mandat (2007-2013), en sont pour leurs frais. M. Rosales s'était présenté contre le président sortant à l'élection du 3 décembre, remportée par ce dernier avec 63% des voix. En dénonçant l'"oligarchie, crème nauséabonde et pestilentielle", M. Chavez a réveillé les craintes d'un retour à la polarisation des années 2002 à 2005, qui ont vu un coup d'Etat manqué contre le président en avril 2002, une grande grève pétrolière début 2003 et un référendum visant à abroger son mandat en 2004, perdu par l'opposition. La réforme constitutionnelle que Hugo Chavez entend mener devrait inclure le renouvellement sans limites du mandat présidentiel car il est convaincu qu'il a besoin d'au moins 20 ans pour transformer le pays. Pour rassurer la population, des proches du président ont affirmé que M. Chavez ne cherchait qu'à révolutionner le système de propriété dans un cadre strictement démocratique, sans répéter l'expérience soviétique. Mais le secteur privé est préoccupé et la Bourse de Caracas a chuté de près de 19% avant-hier tandis que le dollar grimpait en flèche jusqu'à 4.100 bolivars sur le marché noir, près du double du taux officiel (2.150 bolivars).