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«La Gauche tunisienne peut constituer l'alternative de demain»
Publié dans Le Temps le 03 - 04 - 2016

Directrice d'El Teatro – espace culturel indépendant fondé en 1987 – et présidente de l'association Zanoobya, Zeyneb Farhat est aussi connue pour son activisme et son militantisme. Féministe, femme de théâtre et fervente défenseuse des droits de l'Homme, Zeyneb Farhat nous a reçus pour répondre à toutes nos questions pour notre rubrique hebdomadaire, la grande interview du dimanche.
-Le Temps : Avec la tenue de la Foire internationale du Livre de Tunis, le débat sur la politique culturelle reprend sa place dans les débats. Vous qui êtes l'une des plus concernées, qu'en pensez-vous ?
Zeyneb Farhat:J'espère mériter le statut de militante culturelle. Il ne s'agit pas de parler de culture mais d'agir en traçant une politique claire et de lui donner les moyens. Il faut avoir la volonté politique et la politique des moyens aussi.
Je pense que depuis l'Indépendance, nous n'avons pas eu une politique de culture claire et nette. Après l'Indépendance, on a mis en place un réseau de maisons de culture et de maisons de jeunes, implantées presque dans toutes les délégations de la Tunisie. Ce réseau était supposé prendre en charge la fougue de la jeunesse et lui donner les fondements de la politique culturelle postindépendance.
Depuis, nous n'avons pas eu une politique claire, constructive, dynamique, portant un discours d'un Etat qui se respecte via la culture et la jeunesse. Toutefois, je pense qu'il y a eu une politique culturelle, mais complètement négative : on a fermé des maisons de culture, on en a abandonnées certaines en leur donnant très peu de moyens – juste de quoi acheter l'eau de javel pour les toilettes – on a exclu des maisons de jeunes etc.
J'ai grandi dans des cinéclubs qui nous permettaient de réfléchir et de développer nos pensées. Une politique culturelle tracée portant un but et un message bien particuliers de l'Etat vers ces citoyens via la culture. Après, et afin de casser tout cela, on a apporté l'anarchie – dans son sens négatif – pour que toutes ces maisons soient désertées.
-Est-ce que cela a empiré après la révolution ?
Oui parce que cette jeunesse qui a grandi sans la notion de la culture de la citoyenneté a brûlé tout ce que la rue lui offrait ; elle considérait cela comme un défi, comme un affront même. Il n'y a pas que les postes de police qui ont été brûlés ; les maisons de culture ont connu le même sort. D'autres encore ont été squattées, ou encore fermées pour n'ouvrir que pour des meetings partisans pour Ennahdha ou encore le CPR.
Je vous donne un exemple très concret ; la maison de culture d'El M'hamdia, était fermée, squattée et, pire encore, on voulait la détruire pour en construire une autre en dehors de la ville alors que celle qui a été construite en 1980 est au centre de la ville et est porteuse de belles énergies humaines et autres.
On avait assuré qu'elle allait tomber en ruines ; ce n'était pas vrai et il y avait une mafia qui voulait la détruire pour décrocher un bon marché en construisant la nouvelle maison de culture. Je suis très contente de le dire, on a levé les boucliers, les jeunes ont signé des pétitions pour que cette maison reste debout. Nous avons eu à faire à un expert qui a catégoriquement nié le fait que le bâtiment était sur le point de tomber en ruines tout en assurant qu'il fallait juste le rénover à raison de cent mille dinars. Sachant que le ministère de la Culture allait construire une nouvelle maison de culture pour la somme d'un milliard et quatre cent mille dinars. Je suis fière de l'annoncer, parce que votre consœur Saïma Mzoughi a bien suivi l'affaire et a tout rapporté, l'ancienne ministre de la Culture, Latifa Lakhdar, a compris tout l'enjeu de l'affaire et la maison est en train d'être rénovée.
-Est-ce que les espaces culturels privés ont réussi à combler ce vide culturel ?
Etant à la direction d'El Teatro, qui est un espace culturel indépendant, je tiens à préciser qu'il nous est extrêmement important, en tant que réseau des espaces culturels indépendants de la Tunisie, que le réseau des maisons de culture et des maisons de jeunes étatiques soit en excellente santé. Ils sont six-cent-vingt, nous sommes soixante. Leur place est unique, nous sommes une petite alternative mais les établissements étatiques sont implantés depuis soixante ans dans toute la République, ils sont dans tous les quartiers de la Tunisie.
Il est très important que ces espaces fonctionnent pour absorber les insolences de la jeunesse. Une jeunesse perdue qui ne trouve pas un espace où s'épanouir, nous savons très bien où elle va cette jeunesse et je ne cesse de le répéter, elle va au bar. Et pour cela, il faudrait avoir des sous. Mais elle va, surtout, vers le terrorisme via les mosquées qui les recrutent.
-Nous vivons une incessante lutte contre le terrorisme et nous avons l'impression que le gouvernement commence à comprendre que cette lutte ne peut se baser uniquement sur le volet sécuritaire. Farhat Horchani a appelé à une lutte culturelle contre ce fléau, qu'en pensez-vous ?
Je fais partie de la société civile et ne crois pas donc en les promesses des politiques. On promet aujourd'hui et on oublie tout de suite après avoir quitté le micro. C'est magnifique que le ministre de la Défense nationale parle d'une résistance culturelle, c'est tout-de-même extraordinaire. Avec qui faire tout cela ? Et que faire au juste pour concrétiser cette résistance culturelle ?
-Le premier bon signe c'est que le ministère de la Défense nationale, et pour la première fois de son histoire, participe à la Foire internationale du livre de Tunis.
Oui, parce que la grande muette n'est pas faite de personnes imbéciles. Notre Armée nationale comprend de hauts cadres très bien qualifiés. En plus, comme ils sont sur le terrain, ils savent plus que quiconque ce qui s'y passe. S'ils pensent que la culture est une alternative à laquelle il faut penser, moi je salue le ministre de la Défense nationale.
Ceci étant, je voudrais bien lui demander quelle serait la manière avec laquelle on va procéder. Or, pendant que l'on réfléchisse et mette au point des stratégies, le danger n'arriverait-il pas au portrait. Est-ce qu'il y a concertation avec les ministères de la Culture et de la Jeunesse ? Avec qui ils vont travailler ? A qui ils vont faire appel ?
Ce que je demande c'est d'ouvrir tout bêtement tous les casiers des ministères qui sont plein d'études : chaque ministre de la Culture qui passe demande une étude sur le réel vécu culturel en Tunisie. Après, cette étude est mise dans le tiroir, arrive le ministre d'après et refait la même étude etc. La seule enquête qui manque est celle qui se fait de l'autre côté : toi jeune qui es assis au café juste en face d'une maison de culture abandonnée que te faut-il pour que tu sois intéressé pour y aller ?
-On va passer au ministère de la Femme et à la loi intégrale pour lutter contre les violences faites aux femmes ? Avez-vous été consultése, vous l'Association tunisienne des femmes démocrates sur ce projet de loi ?
L'ATFD, à laquelle j'appartiens, travaille depuis des années sur cette fameuse loi intégrale concernant la femme. Je sais très bien qu'après la nomination de madame la ministre, une délégation de l'Association l'a rencontrée et lui a présenté notre étude sur cette loi qui comprend toutes les lois jugées inutiles parce qu'elles datent de plus de cinquante ans, et de les porter vers le respect de la nouvelle Constitution.
Il n'est plus permis aujourd'hui d'appliquer une loi, qui date de 1953, qui permet au violeur d'épouser sa violée pour ne pas aller en prison. La loi l'oblige de rester deux ans avec la violée avant de demander le divorce... Je trouve qu'il n'y a pas plus indigne que cette loi. Mieux encore, de mon point-de-vue, j'ai toujours dit et je le dirai toujours, la Tunisie, depuis l'Indépendance, a émis des lois extrêmement révolutionnaires et avant-gardistes. Le problème, c'est qu'elles ne sont pas appliquées et sont violées publiquement et impunément. Je ne sais pas si tout le monde réalise la catastrophe des écoles coraniques et des petites filles de quatre et cinq ans voilées des têtes aux pieds, je trouve qu'il n'y a pas pire que cela. Et Noureddine Bhiri aujourd'hui insulte toutes personnes, dont la ministre de la Femme, qui s'opposent à ces écoles qui ont fleuri à l'époque d'Ennahdha. Il faut aller voir les rapports du département de l'Enfance et constater les catastrophes qu'ils ont trouvées dans ces écoles. Dans l'application de la loi, l'Etat a plus d'importance, à tous les niveaux, que les parents dans la protection de l'enfant. Les parents qui ne respectent pas la loi sont punis. L'Etat est responsable de la vie de l'enfant de sa naissance jusqu'à ses 16 ans,
-Est-ce que vous faites partie de celles et ceux qui pensent que les acquis de la femme tunisienne ont été remis en question après la révolution ?
Quand on pose tout cela dans un projet sociétal global islamiste, on en déduit que non. Je n'ai jamais compris pourquoi le problème fondamental de ces personnes là soit la femme. Je pense que c'est d'ordre psychologique et psychiatrique. Même au niveau de la tendresse basique, leurs rapports avec leurs mères, sœurs, filles, voisines etc sont terribles. Donc, et comme cela rentre dans un projet sociétal, souvenez-vous qu'en mars 2012, parce que nous n'oublions pas, il y a eu une tentative d'opa sur les droits de la femme. Sahbi Attig et Habib Ellouz sont sortis, à l'époque, brandissant le Coran et appelant à l'application de la Charria en Tunisie. Souvenez-vous du discours de Ghannouchi où il disait à ses militantes que la polygamie leur permettra de trouver des maris. A l'époque, mon amie Saïda Garrach lui avait bien répondu en lui disant que ne pas se marier peut devenir un choix chez la femme aussi et que la polygamie ouvrira la voie aux hommes de se marier avec les gamines de seize ans.
A l'Assemblée nationale constituante, Habib Kheder avait dit ‘je crois que, finalement, la femme est un être humain' et que la femme n'est pas l'égale de l'homme mais sa complémentaire. La réponse n'avait pas tardé à venir et nous leur avions tout fait comprendre avec la magnifique marche organisée le 13 août 2012. On était trente-cinq mille femmes, accompagnées par leurs camarades hommes, pour leur dire no pasaran. C'est là qu'ils avaient reculé.
A mon avis, la situation de la femme n'a pas empiré parce qu'il y a eu une prise de conscience extraordinaire et nous avons compris, à partir de mars 2012, qu'il ne fallait jamais se fier à des partis dont la ligne est une haine terrible de la femme et qu'il ne faut jamais dire que nos droits sont acquis parce qu'ils sont en perpétuelle dynamique.
-Vous qui êtes de la gauche, quelle est votre évaluation du rendement de la Gauche tunisienne ?
A chaque période correspond un profil aussi bien au niveau du programme qu'au niveau du leader. Yasser Arafat fût un énorme résistant pour la cause palestinienne mais il fût un gâchis en tant que chef de l'Etat. Tout son background était pour résister et pour faire en sorte que la cause palestinienne soit tout le temps présente sur la scène mondiale. Une fois qu'il était à la tête d'un gouvernement sur les petites terres qui sont restées aux Palestiniens, il n'a pas su gérer l'émergence d'un jeune Etat.
Je pense que notre Gauche a très bien fait son travail de résistance et l'a payé très cher de son corps et de ses libertés aussi bien sous Bourguiba que sous Ben Ali. Maintenant je pense que notre Gauche n'a pas fait la deuxième partie de notre culture qui est l'autocritique pour dire, voilà ce qu'il faut aujourd'hui pour notre pays en projets, clairs et nets, on travaille sur le terrain, en mobilisation etc. Porter un véritable projet sociétal suite à la révolution. Et là je comprends parfaitement pourquoi on a tué Chokri Belaïd... Ceci étant, et je tiens à le préciser, que la Gauche comprend d'excellentes personnes qui peuvent être l'alternative de demain. Encore faut-il que l'on arrive à nous mettre d'accord et à neutraliser totalement les egos.
-On va finir cet entretien avec votre nouveau projet. Comment le présenteriez-vous ?
Le projet est intitulé ‘K.R.I' : K pour Karrita (ch), R pour récupération et I pour inventif. J'adore écouter les personnes qui portent de nouveaux projets et qui sont passionnées par quelque chose. Ce projet m'a permis d'être plus en contact, sur le terrain, avec ces personnes passionnées.
KRI m'est arrivé comme un choc quand j'ai lu le rapport du ministère de l'Education nationale qui parle de cent mille abandons scolaires sur les cinq dernières années. Je ne sais pas si vous réalisez ce que c'est que quand on a un enfant, qui est devenu un adolescent et qui n'est pas allé à l'école, qui n'a pas fait une formation professionnelle et qui est en farouche résistance contre tout. Ces jeunes n'ont aucun horizon. Je suis donc partie de cette étude faite par l'Observatoire national de la jeunesse – pour que l'on ne dise pas arrêtez ce n'est qu'un épouvantail de la gauche – et d'une étude du ministère de l'Education nationale où il est dit, clairement, que cent mille abandons par an ont été notés et que l'une des raisons, dans le milieu rural, c'est l'éloignement de l'école des lieux d'habitation.
La très belle association de la sauvegarde la faune à Kelibia, a lancé, en septembre dernier, une campagne pour sauver les ânes tunisiens. J'ai eu le plaisir de connaître Adib Samoud qui est vétérinaire et photographe et, grâce à lui, j'ai compris l'importance de l'âne tunisien qui est en train de disparaître alors que c'est un moyen de transport. Ce groupe fabuleux de jeunes fait des tournées en Tunisie pour vacciner ces ânes et les reproduire. Une passion de jeunes vétérinaires qui travaillent depuis sept ans.
La troisième chose qui m'a fait réfléchir ce sont toutes les insécurités auxquelles sont exposées les élèves sur le chemin de l'école. En milieu rural, il existe beaucoup de violences sur ces chemins. Il y a toujours des enfants qui sont, chemin faisant, dévorés par les loups, violés etc. A El Teatro, il y a tout ce beau monde qui travaille sur la culture de la récupération, partant du principe que rien ne se jette tout se transforme, et cela m'a été très inspirant.
Je me suis demandé si l'on pouvait trouver une alternative écologique, facile à faire, et qui se reproduit en notion de développement durable. C'est comme cela donc qu'est venu K.R.I, donc la karrita que je résume très rapidement. Mon ami Wahid Brahim, à qui j'avais parlé du projet, m'a fait visiter ce très beau site qui est Echraf, un petit village qui se trouve entre Kélibia et Al Hawaria. Il est connu parce qu'il est construit autour du plus vieil olivier de l'Afrique et collé au mausolée de Sidi Mohamed Cherif.
Collée à cet olivier et à ce mausolée, il y a cette très belle école primaire où j'ai posé mon site de K.R.I. Partant du principe que l'on ne peut travailler que dans un sens vertical, le directeur et son staff nous ont très aimablement reçus, et on a commencé le premier volet qui constituait en la prise en charge de l'école. On a réhabilité une grande salle qui fait partie et du mausolée et de l'école.
Remise en forme de cette salle et d'un terrain de sport parce que comme c'est une région très pluvieuse, les enfants étaient privés de sport dès qu'il y a avait de la pluie. Le deuxième volet était la karrita. Le principe de la récupération ; c'est une vraie karrita, confiée à deux jeunes magnifiques qui l'ont complètement réhabilitée pour porter sept enfants et leurs cartables, très lourds. Ils ont utilisé de très belles couleurs, du jaune et du vert à la brésilienne, pour mettre de la bonne humeur. Tout cela s'est fait grâce à l'apport extraordinaire de l'architecte Inchirah Hababou qui a pris en charge tout cela.
Après, nous avons acheté une mule, et non pas un mulet, et on prend le tout pour le donner à une femme, une très gentille Najeh qui se trouve au pôle le plus éloigné de l'école primaire. Je cite une anecdote qui m'a fait très mal ; quand la karrita est arrivée, les élèves m'ont entourée et ils demandaient pourquoi on ne les avait pas choisis eux. Je leur ai répondu que celui qui fait plus de cinq kilomètres à pieds me le dise pour que je lui donne tout de suite la karrita. Et là, j'entends des réponses ‘oh mon dieu c'est dommage moi je ne fais que trois kilomètres etc...' On en est encore au temps des années soixante.
Une fois prête, la karrita a été donnée à Najeh qui, le matin, prend les six enfants de Safséfia, le septième chemin prenant, et les dépose à l'école. La karrita est sortie le dernier jour du premier trimestre. C'était un moment magnifique qui a été enregistré : la karrita avait été remplie de cadeaux – mes amis y ont contribué – et Khaled Bouzid, ce comédien humainement magnifique, en a pris les rênes.
Imaginez l'hystérie totale des enfants qui voyaient Fahem entrer dans leur école avec son âne ‘Sikousikou'. Il a fait une belle animation en passant le message aux élèves de bien faire leurs études et de demander à leurs amis qui ont abandonné l'école de revenir et de continuer le chemin. Après l'animation, Khaled Bouzid a passé les rênes de la karrita, dans un acte symbolique, à Najeh qui l'a prise pour ramener les enfants chez eux. Je suis heureuse qu'il y ait au moins sept enfants qui ne font plus deux heures de marche à pieds.
A part la karrita, Najeh a eu droit à un petit capital : un petit cheptel, six têtes, et, en même temps, nous avons acheté une charrue et un colis à son mari. De la sorte, Najeh prend l'âne pour ramener les enfants à l'école et, une fois rentrée, elle le passe à son mari pour qu'il puisse travailler avec. A seize heures, il le lui rend pour qu'elle puisse récupérer les enfants de l'école.


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