Il y a un peu plus d'un an, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, lançait son initiative consistant en un projet de loi sur la réconciliation économique et financière au profit des anciens hauts cadres de l'Etat et autres hommes d'affaires moyennant arrangements et arbitrages de façon à recouvrer une partie de ce qui doit revenir à la caisse de l'Etat en contrepartie de la fermeture du dossier en question. Mais face à l'opposition farouche du Front populaire, de la Centrale syndicale, des organisations des droits de l'Homme et de l'Instance Vérité et Dignité (IVD) de Sihem Ben Sedrine, le projet a été placé au frigo Il faut dire qu'à l'époque Ennahdha n'avait pas pris de position tranchée. Ni pour ni contre. Or, l'association au pouvoir s'étant transformée, carrément, en alliance solide, imposée ou presque aux deux premières formations politiques, Nidaa Tounès et Ennahdha par l'évolution des événements, notamment politiques et sécuritaires, le parti de Rached Ghannouchi est devenu l'allié le plus sûr ou, du moins, le plus efficace. Plus encore. Nidaa peut, désormais et éventuellement, se passer du soutien de toutes les autres composantes à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) sans craindre quoi que ce soit puisqu'à eux seuls, ces deux partis disposent d'une majorité assez confortable. C'est probablement pour prouver le caractère pratique de ce nouvel tat des lieux que le parti d'Ennahdha a crié tout haut, par la voix de son maître, Rached Ghannouchi, qu'il appuyait un projet de loi en vue de l'instauration d'une réconciliation nationale globale. Dans cette déclaration, faite à l'issue de se rencontre, samedi, avec le président de la République, et confirmée par certains médias dont notamment « Assabahnews », le chef du parti d'Ennahdha, qui serait classé comme un « parti conservateur » et non plus « islamiste » lors du prochain congrès du mouvement, précise que la nouvelle proposition vient de lui-même. M. Ghannouchi propose, ni plus ni moins, la « totale », en l'occurrence une réconciliation nationale globale : « Dans l'objectif d'apaiser les tensions politiques et sociales, j'ai proposé au président de la République la nécessité de liquider tous les dossiers et de tourner la page du passé. Parmi ces dossiers, j'ai cité celui de l'amnistie générale, la création d'un fonds national pour la compensation des victimes afin que le pays regarde l'avenir dans un esprit solidaire, loin de toutes les rancoeurs et des mentalités de vengeance ». Et d'ajouter que « notre pays ne supporte plus que des personnes soient interdites de voyager et que d'autres soient menacées d'être emprisonnées et bien d'autres soient privées d'emploi. Notre pays ne supporte plus du tout ces situations ». Et il conclut qu'il faut réfléchir à la fermeture définitive de ce dossier afin de pouvoir de diriger vers l'avenir avec un esprit serein. Les observateurs sont persuadés, qu'après cette proposition de Rached Ghannouchi, aucune partie ne pourra plus bloquer le projet de ladite réconciliation dans le sens où, apparemment, les deux géants du paysage politique tunisien semblent être tombés d'accord pour en finir avec ce dossier. D'autant plus que la déclaration du leader du mouvement d'Ennahdha a été faite directement après l'entretien qu'il a eu avec Béji Caïd Essebsi. Il s'agit là d'un message clair indiquant qu'il a l'aval et le soutien du président de la République. Les observateurs sont conscient que les dossiers portant sur des soupçons de corruption sont bien là impliquant des hommes d'affaires et des politiciens appartenant à toutes les familles politiques, dont entre autres ceux de Nidaa et d'Ennahdha. A titre d'exemple, les révélations d'Inkyfada, dans le cadre de l'affaire dite des Panama papers, avaient été accueillies presque triomphalement par Rached Ghannouchi, lorsqu'il s'agissait du seul cas de Mohsen Marzouk, assurant qu'elles vont changer le paysage politique. Or, après les fuites par le même site citant les noms de Rached Ghannouchi, Lotfi Zitoun et Rafik Abdessalem, c'est le tollé général à Montplaisir où Ennahdha fustige le site d'investigations et jure ses grands dieux que c'est absolument faux et que l'objectif du site est de dénigrer et de diffamer le parti, d'où l'annonce de la décision de porter plainte devant la justice contre Inkyfada. Dans le même ordre d'idées, on citera des déclarations de Me Chawki Tabib, président de l'Instance de lutte contre les malversations et la corruption, et qui sont passées presqu'inaperçues. M. Tabib y indique clairement que les dossiers de corruption impliquent même des personnalités, des ministres et des hommes d'affaires sous le règne de l'après Révolution de 2011. A peine quelques jours après, Chawki Tabib a eu la visite de Rached Ghannouchi, accompagné de Rafik Abdessalem et de Noureddine Rabâoui. S'agit-il d'une pure coïncidence ou y a-t-il une relation de cause à effet avec lesdites déclarations de Me Tabib ? Pour aller de la première thèse à la seconde, il n'y a qu'un pas que certains n'ont pas hésité à franchir allègrement ! Et avec la toute récente proposition de réconciliation totale et globale, de sérieuses questions se posent et s'imposent logiquement. En tout état de cause, les donnes semblent avoir bien changé et on voit mal qui peut bien s'opposer, désormais, à un tel projet que les parrains se dépêcheraient, alors, à faire passer devant l'ARP où ils disposent d'une large majorité pour le faire voter et adopter même s'il y a des voix récalcitrantes. On s'attend, certes, à une probable campagne contre la proposition qui proviendrait, éventuellement, de l'UGTT et sûrement de l'IVD qui s'était adressée, l'autre fois à l'Instance de Venise. Or, ces deux organismes n'ont aucun poids à l'ARP alors que le Front populaire, à lui tout seul, ne peut faire inverser les tendances dans la mesure où Attayar et le CPR (ou Al Harak de Marzouki), avec leurs six sièges, y font de la simple figuration. Certains analystes estiment qu'au rythme où vont les choses, il ne serait pas étonnant de voir Ennahdha et Nidaa opter pour une alliance pure et simple en vue des prochaines élections municipales. Et dire qu'il y a, à peine quelques jours, on était au point de parler de la formation d'un large front centriste électoral destiné à faire face au bloc d'Ennahdha. On n'en est pas encore là, mais les évolutions rapides et autres rebondissements laissent les portes ouvertes à toutes les éventualités, même celles les plus inattendues.