La galerie Aïn, vieille déjà de plus de 25 ans et ouverte à toutes les formes d'expression plastique, offre également l'occasion à de jeunes artistes-photographes d'exposer leurs œuvres, participant ainsi largement à la diffusion et à la valorisation de la photographie plasticienne, cette nouvelle forme de photographie, apparue dans les années 90 en Tunisie, grâce aux travaux de l'illustre artiste-photographe Mohamed Ayeb, propriétaire de la galerie, et d'autres photographes qui ont contribué à accomoder la photographie classique, dite argentique, aux nouvelles technologies, proposant ainsi une esthétique nouvelle et diverse dans le monde de la photographie. De nos jours, cette photographie plasticienne connaît un succès éclatant et une entrée fracassante dans le marché de l'art. Rappelons que le concept de « photographie plasticienne » a été inventé au milieu des années 1980 pour « désigner toute une production d'images qui se distingue de l'usage ordinaire du médium photographique. Il s'agit de photographies dont l'image procède de diverses manipulations. » A partir de là, les photographes sont désormais classés parmi les artistes-plasticiens. Cette nouvelle pratique qui s'impose de plus en plus dans l'art contemporain, pourrait avoir recours à tous les matériaux et toutes les techniques disponibles, tels que le collage, l'assemblage, le découpage, la peinture et d'autres moyens extra-photographiques, comme le traitement numérique, afin d'aboutir à une nouvelle esthétique dans la production artistique. C'est dans cet esprit que se sont réunis huit artistes à la galerie Aïn pour une exposition intitulée « bavardages visuels » qui s'étend du 07 au 21 mai courant. Ces artistes ont déjà exposé leurs travaux dans cette même galerie il y a trois ans, et cette fois encore ils persistent dans leur approche qui fait d'une photographie brute un produit plastique fini de l'art contemporain. Ces artistes sont originaires de Sousse et enseignent les arts dans des instituts supérieurs ; leur point commun consiste à promouvoir la photographie et la hisser vers un rang élevé dans le monde des arts pour que la photographie soit une partie intégrante des arts plastiques. Les exposants sont : AhlemMahjoub (03 tableaux, photomontage numérique et terre cuite), Anouar Safta (01 tableau, photographie numérique et terre cuite), SoukeinaSassi (05tableaux, gravure sur zinc, sur bois et sur lino), Lassaad Ben Alaya (05tableaux, encre), Rim Ben Cheikh (01tableau, raku et tiges de fer), Raja Saïd (01tableau, photomontage manipulé), SoufièneNoichri (04 tableaux,photographie manipulée) et Mohamed Ayeb (03tableaux, photographie plastique sur toile). Ces artistes présentent des images fictives qui font allusion à la réalité. Les uns parlent de la situation de la femme, les autres retracent certains phénomènes sociaux apparus essentiellement depuis la Révolution, d'autres encore évoquent l'origine de l'être humain et sa quête de liberté. Mais il faut encore admirer les prestigieuses toiles de Mohamed Ayeb autour des martyrs de la Révolution.A côté de cette approche plastique de la photographie, il y a le recours à la terre cuite, cette pratique qui constitue la base de la création chez l'homme depuis la nuit des temps qui cherchait à réaliser des objets utiles grâce à la terre et l'eau. Il y a également le dessin humoristique qui met en scène, de façon caricaturale, certains comportements de personnages dont les profils et les aspects fantomatiques rappellent un univers fantastique angoissant. Dans la majorité des tableaux où il est question de photographie plastique, on remarque que la photo à l'état brut est toujours le point de départ de l'artiste, et qu'à partir d'une gamme de matériaux, on parvient à créer des œuvres d'art de grande valeur. Aussi a-t-on l'impression que l'œuvre photographique primordiale, qui a subi diverses manipulations, a l'air de se créer de nouveau : c'est la recréation de la création.