Le festival « Founoun Al Bouhayra » (Les Arts du Lac), qui se poursuivra jusqu'au 5 juillet, a accueilli récemment le spectacle musical du luthiste et compositeur tunisien Achref Chargui. Ce dernier était entouré de ses amis musiciens tunisiens, français et italiens pour un voyage musical qui prenait sa source du luth pour naviguer avec la musique tunisienne vers d'autres musiques d'Orient et d'Occident. Et dans un théâtre de plein air flambant neuf, qui, nous l'espérons, comblera, un tant soit peu, le manque d'espaces de spectacles dans la capitale, un public ? Certes peu nombreux, mais attentif et mélomane, assistait à ce concert proposé en deux parties. La fusion annonçait la couleur en compagnie du luth, de la cithare et de la Tabla hindoue. Il fallait savoir faire rencontrer les rythmes arabes et turcs avec les sons hindous. Pourquoi pas ? Pour sortir des champs balisés et voir autrement la musique arabe. Achref Chargui excellait dans son jeu au luth où l'improvisation était de taille. On retrouvait d'ailleurs et dans cette première partie des œuvres musicales connues des mélomanes avec des « Lounga », « Bachrafs » et autres compositions. Des sonorités turques se dégageaient comme pour faire rappeler que la musique arabe et à travers le luth a côtoyé d'autres musiques particulièrement celle turque aussi bien au niveau de la création et de l'enregistrement, qu'à celui des concerts qui se donnaient en d'autres époques. Il s'agit, par exemple, de ceux du grand maître du luth, feu Ali Sriti. Ce dernier avait joué à Paris dans les années quarante du siècle dernier, et comme il l'a révélé une fois, au sein d'un orchestre composé de musiciens tunisiens, égyptiens et turcs. Un rapprochement musical qui donne toujours ses fruits. Car comment présenter aujourd'hui la musique tunisienne et arabe en général aux spectateurs particulièrement jeunes qui aspirent à écouter autre chose que les productions anciennes et galvaudées. Le feed-back n'avait pas tardé à donner ses résultats dans la mesure où les spectateurs appréciaient et applaudissaient au terme de chaque morceau. A ce propos, on demandait à Démis Roussos ce qu'il pensait de la musique tunisienne lors de l'un de ses premiers passages dans nos murs en 1974. Sobriété et professionnalisme Le défunt répondu que les groupes Pop et Jazz de l'époque, qui reprenaient d'ailleurs en style moderne des œuvres du terroir de la chanson tunisienne, pourraient être l'avenir de notre musique. Mais Achref Chargui a encore fait mieux dans la mesure où il a et en première partie de son spectacle, respecté la valeur du luth en le mettant en évidence et en effectuant des variations sur un thème accompagné des sons des percussions hindoues. En seconde partie, le luth était toujours là. Il côtoyait la guitare basse et la batterie. Une autre manière de jouer la musique arabe. Les improvisations s'accentuaient. Achref Chargui et ses amis musiciens ont joué quelques-unes des nouvelles compositions du leader de ce groupe. Un vrai voyage musical avec des accents de Jazz et des rythmes entraînants orchestrés par un batteur chevronné. On remarquait la reprise réussie du chant soufi tunisien « Rekib Al hamra » sur le rythme dansant de « Bounawara. » Une soirée musicale sobre où la musique était jouée à un niveau professionnel et raffiné. Les absents avaient tort. Il faisait tout de même très froid en cette soirée de Ramadan au bord du Lac et bien d'autres spectacles avaient lieu en même temps.