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Mme Rim Ahmed Gtari :"Je le dois au statut exceptionel dans le monde arabo-musulman de la femme tunisienne"
Pour la 1ère fois la médaille du Barreau de Paris à une jeune tunisienne
Publié dans Le Temps le 12 - 11 - 2007

Mme Rim Ahmed Gtari 36 ans originaire du Sud Tunisien est la première tunisienne arabe et non canadienne à décrocher la médaille du Barreau de Paris. Ce prix est attribué à la meilleure thèse de maîtrise ou de doctorat en droit. En général ce sont des magistrats ou des avocats en fin de carrière qui sont récompensés par ce prix.
C'est une tradition du Barreau de Paris qui remonte à 1958. Mme Gtari docteur en droit de l'université d'Ottawa a été récompensée pour sa thèse : "Le chantier d'égalité, un triomphe incomplet : les femmes tunisiennes entre rénovation et conservatisme". La médaille lui a été remise par Me Jean Marie Burguburu ancien bâtonnier de l'ordre des avocats de la cour de Paris (2004-2005) et représentant du Barreau de Paris qui lui dit en substance : "Madame vous avez brillé par votre jeunesse, votre intelligence et votre beauté. Vous êtes un modèle et un exemple pour les jeunes. Interview.

Le Temps : 1) Pourquoi une thèse de doctorat en droit sur la femme tunisienne?
Mme Rim Gtari :
Le statut juridique des femmes tunisiennes est un sujet qui m'intéresse depuis fort longtemps, et ce, pour plusieurs raisons : Tunisienne d'origine, j'ai grandi dans un environnement culturel arabo-musulman et l'islam de ma jeunesse est synonyme de tolérance et d'ouverture; je l'ai vécu sans contraintes. Mes parents appartiennent à cette génération qui a connu la colonisation et vécu les bouleversements qui se sont opérés dans la Tunisie indépendante. Ma mère est issue d'une famille conservatrice du Sud tunisien (Gafsa). Son père, qui refusait catégoriquement que sa femme ou ses filles sortent de la maison, a pourtant envoyé ses filles à l'école durant la période coloniale. Aussi, ma mère nous a toujours répété qu'une femme doit compter sur elle-même, faire des études, travailler : elle a même refusé de nous apprendre à cuisiner, comme le faisaient et le font encore les mères tunisiennes, pour préparer leurs filles au mariage. Mon père, feu Ahmed Gtari, de son côté, a fréquenté l'Université religieuse de la Zeïtouna d'avant l'indépendance, a été un ardent combattant contre l'occupation française et, par la suite, un haut fonctionnaire et un politicien. Il n'a jamais évoqué l'islam pour nous dicter ses interdits. C'était tout simplement la morale qui motivait les choix de la vie quotidienne. Pour lui, la place qui revient à une femme dans la société dépend uniquement de ses compétences académiques, professionnelles, de sa force de caractère et de sa capacité à gérer les difficultés de la vie. C'est pourquoi la résurgence actuelle d'idées islamistes rétrogrades, parfois inspirées d'expériences vécues dans d'autres pays musulmans, de même que la multiplication des interdits imposés aux femmes musulmanes au nom d'une certaine idée de Dieu, ne peuvent me laisser indifférente.

* 2) Comment jugez - vous la condition des femmes en Tunisie en comparaison avec les autres pays arabes et musulmans?
Une chose est sûre la situation juridique et sociale des femmes tunisiennes fait figure d'exception dans le monde arabo-musulman au point que celles-ci sont enviées dans l'ensemble de ces pays, où des mouvements féministes réclament, jusqu'à nos jours, les mêmes droits que les Tunisiennes. En effet, ce qui fait l'originalité de l'expérience tunisienne en matière d'émancipation des femmes et dans le monde arabo-musulman, c'est qu'elle a osé toucher le domaine du statut personnel (droit de la famille), un domaine considéré comme relevant du sacré, pour offrir un statut révolutionnaire aux femmes en leur accordant un nombre de droits qu'une lourde tradition leur refusait jusque-là. L'islam, qui dès son apparition, était une religion fondamentalement progressiste dans son contexte socio-historique, avait insufflé une nouvelle dynamique dans la société locale et a particulièrement révolutionné le statut des femmes. Malheureusement, cet élan et cette dynamique ont vite perdu le souffle en ce qui a trait aux droits des femmes et à leur rôle dans l'espace public. Les jurisconsultes étaient, en partie, responsables de cette décélération dans la mesure où ils ont adopté des interprétations rigides et hostiles aux femmes, interprétations conditionnées par une structure patriarcale répondant à des exigences accommodant l'intérêt des hommes, de façon consciente ou inconsciente. Par un effort d'interprétation courageux, équilibré et visionnaire, la Tunisie a su adapter et actualiser un droit ancestral, enraciné dans le sacré et consacré dans la pratique par une tradition difficile à contrer. Ainsi, l'exemple tunisien démontre que l'émancipation des femmes musulmanes est non seulement possible mais faisable.

* 3) Parlez-nous de la situation de la femme au Canada
La situation des femmes au Canada est le fruit d'un travail de terrain continu effectué par les groupes de femmes afin de réaliser les aspirations légitimes des Québécoises à la pleine reconnaissance de leurs droits en tant que personnes humaines à part entière. C'est une égalité factuelle qui se vit au quotidien. Elle est ancrée dans les esprits et continue à être un sujet de préoccupation au niveau universitaire, grâce aux études féministes. Il faut dire qu'il y a ici toute une approche académique qui supporte les aspirations des femmes et des groupes des femmes, pour préparer la relève et favoriser une mutation permettant aux femmes à continuer de faire part dans la construction de l'avenir. D'ailleurs, pour faciliter l'intégration des femmes au marché du travail, le gouvernement a instauré des garderies sur les lieux du travail. Mais, malgré des réalisations égalitaires, les Québécoises sont loin d'avoir réalisé leurs objectifs, comme par exemple, de contribuer à égalité avec les hommes à configurer ce qu'est le Québec contemporain, comme pour la parité qui n'est pas à l'ordre du jour en ce qui concerne la vie parlementaire. L'équité salariale qui est aussi relative dans l'application des contrats de travail dans les faits. Mais, le droit de la famille renferme des dispositions légales que je trouve fort intéressantes puisqu'elles permettent, par exemple, d'établir l'égalité dans le partage du patrimoine familial et qui peut ramener des éléments de réponse pour le droit tunisien en matière des effets de divorce.

*4) Y a - t - il une discrimination envers les musulmans au Canada?
Le Canada est un pays qui est porté sur le multiculturalisme, du point de vue des nouveaux arrivants, peut importe leurs religions, il y a une garantie d'intégration moins problématique dans une société respectueuse des différences de ses membres. C'est un pays où la charte de droits et des libertés prime sur tous les textes de lois. Elle est fondée sur le respect de l'autre. La notion de citoyen est bien développée. D'ailleurs, c'est sur cette base que la communauté musulmane de l'Ontario a voulu, l'année dernière instaurer un tribunal islamique en matière de droit de la famille pour appliquer ce qu'il appelait la Charia. D'ailleurs, je me suis investie dans ce débat pour m'opposer à une telle alternative (par le biais des entrevues accordées aux médias). J'ai fait prévaloir l'expérience tunisienne en domaine du droit de la famille pour démontrer qu'il n'existe pas de droit musulman unique, et que c'est une œuvre humaine basée sur une interprétation restrictive de la religion qui est aussi imprégnée par la culture et la tradition de chaque pays.

* 5) Vous comptez rester au Canada ou rentrer en Tunisie?
Une chose est sûre, le Canada, mon pays d'accueil, m'apporte beaucoup de richesse au plan intellectuel et académique, et j'espère que j'aurais la chance pour pouvoir faire profiter mon pays d'origine la Tunisie, de mon expérience et de mon savoir et d'être un élément porteur de nouveauté et d'ouverture.

*6) Après ce doctorat quelles sont vos ambitions?
Continuer mon parcours universitaire en enseignant à l'Université et en effectuant les recherches à propos des sujets qui m'intéressent. C'est ce que je fais actuellement, je suis professeur de droit de la famille du Québec à l'Université d'Ottawa. Développer des échanges entre la Tunisie et le Canada pour faire découvrir à chacun l'expérience de l'autre, promouvoir des projets de formation, de recherche, de publications, de colloques et de séminaires en partenariat avec des groupes de femmes, provenant de chaque pays, dans des domaines variés.

*7) Que représente pour vous la Médaille du Barreau de Paris?
C'est un aboutissement d'un long parcours basé sur un travail continu et acharné. C'est une médaille que je dédie à un grand homme, mon père, feu Ahmed Gtari qui a toujours su insuffler en moi le sens du travail pour l'intérêt de notre pays. Je lui avais promis avant sa mort qu'un jour viendra et il sera fière de sa fille comme je le suis toujours fière de porter son nom. Je l'ai vu travailler et donner sans cesse pour son pays en disant toujours qu'il espère qu'un jour qu'il trouvera sa récompense à travers ses enfants. Le temps lui a donné raison et voilà que je réalise son rêve celui d'obtenir non seulement le doctorat en droit au Canada et d'être la première tunisienne à remporter un aussi prestigieux prix à propos d'une thèse qui porte sur l'originalité de l'émancipation des femmes tunisiennes. Je considère que cette médaille est la sienne. Aussi, cette médaille est une reconnaissance de l'appui infaillible, des sacrifices et de l'amour de ma mère, et une reconnaissance de l'encouragement, et le dévouement moral et affectif de mon mari Dr Abbes Bellil et de mes deux garçons Ahmed et Karim qui ont su endurer mes états d'âme avec patience, malgré leur jeune âge.
Néjib SASSI

Pavés :
* La place qui revient à une femme dans la société dépend uniquement de ses compétences académiques, professionnelles, de sa force de caractère et de sa capacité à gérer les difficultés de la vie.
* Par un effort d'interprétation courageux, équilibré et visionnaire, la Tunisie a su adapter et actualiser un droit ancestral, enraciné dans le sacré.
* Le Canada est un pays qui est porté sur le multiculturalisme, du point de vue des nouveaux arrivants, peu importe leurs religions, il y a une garantie d'intégration.
* C'est une médaille que je dédie à un grand homme, mon père, feu Ahmed Gtari qui a toujours su insuffler en moi le sens du travail pour l'intérêt de notre pays.


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