La course du demi-fond à mis mandat présidentiel est bel et bien engagée pour le positionnement à l'horizon 2020, avec cette étape décisive de désignation du nouveau locataire de la Kasbah, première tête (bis) de l'exécutif dans les jours qui viennent ! BCE semble avoir tiré les leçons des tiraillements qui ont accompagné le gouvernement Habib Essid, avec un résultat mitigé entre la réussite sur le plan sécuritaire et le surplace économique et financier. En proposant le jeune « poulain » Youssef Chahed, le Boss fait d'une pierre deux coups. D'abord, il se réserve, la haute main sur les ministères de souveraineté, l'Intérieur, la Défense et les Affaires étrangères, là où il est le plus performant et le plus outillé de par sa longue expérience auprès de Bourguiba; Puis, lui « délègue » en conformité avec la nouvelle constitution, tout le volet « développement » au jeune ministre des Collectivités locales, là où il aura à démontrer ses vrais qualités de bâtisseur nouvelle génération post-révolutionnaire. Disons tout de suite que le bilan de M. Youssef Chahed, au ministère des Collectivités, ne peut pas être fait correctement, puisqu'il a hérité d'un ministère hybride, dont les compétences relèvent de fait de plusieurs autres départements que le sien, à savoir l'Intérieur, l'Equipement et l'Habitat et l'Environnement, pour ne citer que ceux-là. Maintenant, essayons de faire une évaluation (à chaud) de la proposition présidentielle. M.Chahed pourrait avoir l'avantage de la jeunesse et donc, débarrassé des tâtonnements de son prédécesseur, plus regardant de la hiérarchie administrative classique. Ce qui peut annoncer une plus grande mobilité à relancer les grands projets « bloqués » politiquement et structurellement du temps du gouvernement de M. Habib Essid. BCE a déjà quelque part balisé la voie à son candidat en faisant associer au processus d'Union nationale et de façon « privilégiée » la centrale syndicale et son secrétaire général M.Hassine Abassi. Tout le monde s'accorde que les « blocages » des cinq dernières années sont dus en grande partie aux revendications sociales aiguisées par le flux « révolutionnaire », malgré les tentatives de canalisation des exigences opérées par l'UGTT, qui était dans l'obligation en quelque sorte de jouer le chaud et le froid pour contrôler ses bases surchauffées par les jeunes générations syndicales style Yaâcoubi et compagnie. Par conséquent, la réussite de tout nouveau gouvernement dépendra de la paix sociale et ce, quelles que soient les qualités des ministres annoncés. L'année 2015, avec plus de 800 grèves, sit-in et arrêts de travail, a été fatale à M. Habib Essid et son gouvernement, malgré ses grands efforts et la générosité de l'Etat, qui n'a pas lésiné sur les augmentations de salaires successives et même en avance sur les échéances prévues par l'ancien « contrat social » d'avant la Révolution. Tout est là ! M. Chahed ou quelqu'un d'autre (car il ya toujours un plan B) ne pourra réellement débloquer l'investissement et la machine productive, y compris dans les mines-prises en otage permanent depuis la Révolution, avec des pertes qui avoisinent les 6000 milliards de dinars, que si Hassine Abbassi, et sa garde rapprochée à l'UGTT, jouent le jeu de l'apaisement social réel et donnent le coup de main espéré au gouvernement à l'économie et au pays tout entier ! Niveau politique, M. Chahed pourrait être l'homme de la situation pour être proche de Nida Tounès, mais sans faire partie des « clans » en guéguerre larvée du parti vainqueur en 2014. Ennahdha, pour sa part, pourrait s'y accommoder, l'homme n'ayant pas déclaré « la guerre » à la centrale islamiste et à son projet du contrôle identitaire intégral de la société tunisienne, comme l'a fait M. Mohsen Marzouk à son dernier congrès, où Ennahdha n'a même pas été invitée ! Ceci dit, M. Chahed doit rectifier et corriger l'impression laissée par son prédécesseur (s'il est confirmé dans le poste), d'avoir subi quelque part la « tutelle » d'Ennahdha qui a pris du volume... et quel volume... ces deux dernières années malgré sa défaite en décembre 2014. Je suis sûr, pour ma part, que ce qui a fait la décision de faire partir Essid de la Kasbah, c'est ce fameux congrès de Radès où Ennahdha s'est comportée comme un Etat dans l'Etat ! BCE, qui a assisté lui-même à la démonstration de force de la centrale islamiste n'en croyait pas ses yeux et en a été certainement très « impressionné » pour tirer les conclusions qui s'imposent de remettre Ennahdha de nouveau « à sa place » de bon « second » mais non pas de premier « bis » ! Maintenant, reste à savoir si c'est rattrapable, car tous ceux et celles qui ont voté Nida Tounès, pour justement cela, n'y croient plus ! A distance, la manœuvre de BCE est tout de même plaisante, et relève d'un grand savoir-faire. L'homme combine avec les moyens du bord, constitutionnels, qui ont quand même limité ses accents « bourguibiens » et sa volonté de répondre à cette exigence bien tunisienne et populaire d'avoir un « président » qui compte et non une marionnette à Carthage ! Mais, encore une fois, le mot clé, c'est l'économie. C'est elle qui dira, si le futur prétendant à la Kasbah est capable « d'être » ou s'il ira gonfler les rangs des Premiers ministres déchus ou mal-aimés des cinq dernières années ! K.G