Finale aller | Espérance de Tunis vs Al Ahly : Match nul 0-0    Tunisie – METEO : Pluies orageuses sur le nord    L'Europe et la Russie : une rupture annoncée pour des décennies, selon Lavrov    La campagne anti-corruption s'intensifie en Chine avec l'enquête sur le Ministre de l'Agriculture    Anas Hmaidi : personne n'est à l'abri de la tyrannie du pouvoir    Sénégal : Vers une réforme monétaire et une éventuelle sortie du franc CFA    Soirée de Finale à Radès : les Onze de l'Espérance et d'Al Ahly dévoilés    Violents affrontements dans la ville de Zawiya dans l'ouest libyen    Match EST vs Al Ahly : où regarder la finale aller de la ligue des champions samedi 18 mai ?    Najla Abrougui (ISIE): la tenue de l'élection présidentielle ne devrait dépasser le 23 octobre 2024 selon les délais constitutionnels    Migration illégale : 23 disparus en mer, recherches intensifiées    Bassem Trifi : l'Etat et ses appareils ont dépassé toutes les limites    Henri d'Aragon, porte-parole de l'Ambassade de France en Tunisie: Allez l'Espérance !    USA : Un financement à hauteur de 35 millions de dollars pour soutenir le secteur des dattes en Tunisie    Jebeniana : Marche pour le rapatriement des subsahariens (Vidéo)    Le taux d'inflation annuel stable à 2,4% dans la zone euro    Kaïs Saïed : la réforme du système des chèques a pris beaucoup de temps !    Projet d'interconnexion électrique «Elmed» Tunisie-Italie : Pour réduire la dépendance énergétique de la tunisie    Compter sur soi, ça rapporte    Justice : 12 prévenus renvoyés devant le tribunal    Ligue des champions | Finale aller – EST-Al Ahly (Ce soir à Radès – 20h00) : Avec les meilleurs atouts en main !    L'Académie militaire de Fondouk Jedid : Un nouvel élan de modernisation et d'excellence    Maisons des jeunes : Nos jeunes méritent le meilleur    DECES : Docteur Abdelfatteh MRABET    Ministère du Tourisme-Ministère de l'Emploi : Près de 2.700 offres d'emploi confirmées dans plusieurs régions    Météo : Des nuages denses avec pluies éparses au Nord et hausse des températures    1ère édition des journées internationales du Médicament générique et du Biosimilaire : Pour un meilleur accès aux médicaments génériques    Vision+ : Chronique de la télé tunisienne : La télévision dans tous ses états    Galerie d'Art Mooja : Un nouveau souffle artistique à Mutuelleville    Dattes tunisiennes: 717,7 millions de dinars de recettes d'exportation à fin avril    Vers un prolongement du règne de Kagame ? Le président rwandais se représente    Symposium international 'Comment va le monde? Penser la transition' à Beit al-Hikma    CA : 5 billets par supporter pour le derby tunisien    16 banques Tunisiennes soutiennent le budget de l'Etat avec un prêt de 570 millions de dinars    Rencontre avec les lauréats des prix Comar d'Or 2024    Hechmi Marzouk expose 'Genèse Sculpturale' à la galerie Saladin du 18 mai au 23 juin 2024    Exposition «punctum» de Faycel Mejri à la Galerie d'art Alexandre-Roubtzoff: L'art de capturer l'éphémère    Ce samedi, l'accès aux sites, monuments et musées sera gratuit    Le Mondial féminin 2027 attribué au Brésil    Raoua Tlili brille aux championnats du monde paralympiques    Météo : Températures atteignant les 39 degrés    Industrie du cinéma : une affaire de tous les professionnels    Mokhtar Latiri: L'ingénieur et le photographe    La croissance n'est pas au rendez-vous    Palestine : la Tunisie s'oppose aux frontières de 1967 et à la solution à deux Etats    76e anniversaire de la Nakba : La Tunisie célèbre la résistance du peuple palestinien    Nakba 1948, Nakba 2024 : Amnesty International dénonce la répétition de l'histoire    Urgent : Une secousse sismique secoue le sud-ouest de la Tunisie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Les Tunisiens au rythme de la campagne Un « horse race game » atypique
Publié dans L'expert le 23 - 12 - 2014

La Tunisie vit les derniers mois au rythme de ses premières élections libres depuis la grande bataille de l'indépendance où le peuple était présent à l'appel de ses élites et avait prouvé , dés cette époque, que ce petit pays était doté d'un grand peuple qui refusait le protectorat et qu'il était capable de gérer ses affaires , Ahmed Telili le grand syndicaliste et opposant farouche et historique de Habib Bourguiba décrivait si bien les tunisiens dans sa « Lettre ouverte á Bourguiba » envoyée à partir de son exil français un 25 janvier de l'année 1966:

» Un régime qui s'impose au peuple par la force et refuse de l'assoir à la gestion de ses propres affaires est fatalement voué à l'échec. La meilleure preuve en a été fournie par notre accession à l'indépendance, le peuple tunisien qui est pourtant parmi les plus petits de la terre, est arrivé, parmi les premiers à secouer la tutelle de l'une des plus grandes nations du monde, précisément parce que le régime de protectorat, qui lui avait été imposé par la force, s'obstinait à vouloir considérer indéfiniment le peuple tunisien comme mineur et lui refusait son droit naturel à se gouverner lui même « .

Un peuple qui se gouverne lui même, n'est ce pas l'un des fondement d'une vie démocratique même si elle est encore en voie de consolidation par la pratique d'une multitude d'exercices difficiles imposés par le processus de la transition de la vie politique d'un mode dictatorial à celui autorisant le multipartisme et le poids effectifs des institutions de contre-pouvoir ainsi que le passage de certaines épreuves dont celle du scrutin universel dans sa forme la plus proche de l'idéal du libre choix et de la transparence.

Les tunisiens, étaient ainsi invités à participer massivement à deux scrutins majeurs et décisifs pour l'avenir du pays dans un intervalle de temps ne dépassant pas les deux mois si l'on considère le deuxième tour de l'élection présidentielle
Ils étaient appelés et le sont toujours, puisqu'on est encore à quelques jours de ce second tour, à choisir leurs représentants à l'assemblée, puis, quelques semaines après, et parmi les 26 candidats en lice celui qu'ils voient digne de l'investiture suprême, le premier président élu au suffrage universel pour la Tunisie fraîchement démocratisée ou en cours de démocratisation pour les plus sceptiques.

Comment alors les tunisiens ont-ils fait leurs choix, quels étaient les facteurs déterminants de leur décision électorale et qu'est ce qui déterminera leur préférence pour la dernière étape de l'élection présidentielle à la veille de laquelle nous nous trouvons ?

Rappelons d'abord que l'acte de vote est inséparable de l'élection qui le suscite. Il est contraint par le cadre juridique et institutionnel dans lequel elle s'inscrit, et par l'éventail singulier des choix offerts. Il dépend du moment où elle se déroule, de la conjoncture économique et politique. Il est conditionné par l'ensemble des événements qui vont marquer la campagne. L'élection est à la fois un ensemble de règles, spécifiques à chaque scrutin, une configuration politique donnée (les partis, les candidats, les programmes en concurrence), puis elle est aussi ce moment particulier de la campagne avec un flux continu d'informations et d'images qui cristallise le choix des électeurs et peut même le changer (Nonna MAYER, Sociologie des comportements politiques).

Le cadre juridique et institutionnel des élections législatives et présidentielle de 2014 en Tunisie, son influence et ses répercutions sur la décision électorale.
On s'entend souvent à dire que les critères de choix ne sont pas les mêmes selon qu'il s'agit d'élire le chef de l'Exécutif ou le parlement, que les élections ne sont pas interchangeables, chacune pose des questions particulières qui appellent des réponses différentes et que le mode de scrutin est un enjeu politique fondamental dans une démocratie. Il commande la transformation des voix en mandats électifs.
Ainsi nous pouvons citer les travaux fondateurs de Duverger concernant les effets politiques des différents modes de scrutin ayant aboutit à la thèse des trois lois :
– le scrutin majoritaire à un tour favoriserait le bipartisme (en Angleterre)
– le scrutin majoritaire à deux tours favoriserait le multipartisme (en France)
– la représentation proportionnelle favoriserait le multipartisme et l'instabilité. (En Italie)

Ces formules ont été bien sûr nettement nuancées par la suite car en réalité, scrutins majoritaire et proportionnel peuvent se décliner de multiples manières.
En Tunisie, le mode de scrutin de liste avec le plus fort reste a été maintenu pour les élections législatives du 26 octobre auquel on reconnaît l'avantage de permettre à des petits partis d'avoir plus de chance d'être représentés au parlement même si les résultats du dernier scrutin ont démontré que ce choix pouvait être utile non seulement pour asseoir de nouvelles règles du jeu démocratiques mais aussi pour contribuer à un renouvellement de la classe politique dans son ensemble en englobant toutes les tendances et les orientations politiques, elle s'avère cependant pas suffisante dans certains contextes comme celui des dernières législatives marquées par la proéminence prématurée du schémas bipolaire ayant sans doute influencé le choix électoral , laissant deviner depuis plusieurs mois et selon tous les sondages et études que la compétition se limiterait principalement à un duel entre Nida Tounes , le parti sans idéologie claire qui a surtout cherché à élargir son audience électorale correspondant à ce que Otto Kirchheimer appelait déjà en 1966 les partis « attrape-tout » ( catch-all) ou partis » d'électeurs » comme les décrivait Jean Charlot , et le parti à idéologie incontestablement religieuse Nahdha dont la mutation de l'image vers celle d'un parti civil défendant les droits universels et prônant les préceptes fondateurs de la démocratie peine à se dessiner vu les convictions profondes de la majorité de ses « faucons » et l'essentiel de sa base électorale. A eux seuls ces deux partis avaient obtenu 65,35% des voix et 155 sièges au parlement soit à peu prêt 72% de l'ensemble des sièges.
Le peloton des cinq premiers partis composé en plus de Nida et Nahdha de l'UPL, du FP et de Afek Tounes a obtenu 76,05 des voix et 194 sièges soit 89,5% de l'ensemble des sièges au parlement.
Une bipolarisation certes bien dessinée mais laissant la porte ouverte à une multitude de possibilités d'alliances, jusque là savamment floutées, afin que la majorité soit bien lisible et que les risques de blocage soient réduits à leur minimum.

Toujours dans le cadre juridique, rappelons que ces élections voulues dans un ordre peu pratique si l'on se réfère à l'impasse constitutionnelle dans laquelle on se retrouve et qui prend sa source dans une loi électorale pas assez claire sur certaines de ses dispositions et surtout si l'on ajoute les différentes interprétations autorisées par les termes de l'article 89 de la constitution devant légiférer sur qui parmi les présidents sortant et élu dispose du droit d'appeler le parti gagnant aux législatives à désigner un chef de gouvernement qui serait appelé á constituer son équipe gouvernementale dans un délais d'un mois renouvelable:

« Dans un délai d'une semaine suivant la proclamation des résultats définitifs des élections, le Président de la République charge le candidat du parti ou de la coalition ayant obtenu le plus grand nombre de sièges de former le gouvernement dans un délai d'un mois renouvelable une seule fois », article 89 de la Constitution tunisienne

Une cacophonie ayant marqué le débat public dès la proclamation des résultats définitifs des élections législatives et à partir du moment où le président sortant avait envoyé une correspondance officielle controversée à Beji Caïd Essebssi dans la soirée du 21 novembre lui demandant de désigner le prochain chef du gouvernement dans un délai de sept jours justifiant son action survenue quelques jours avant le premier tour de l'élection présidentielle par son devoir de garantir l'application de la constitution et qu'il était tenu d'agir en vertu de ses dispositions.
L'acte salvateur est encore une fois parvenu du dialogue national initié par l'UGTT qui, en structure de dernier recours, qui tient à ne pas être institutionnalisée, tranche pour l'attribution de la désignation du chef de gouvernement au président élu et somme le président sortant à retirer sa fameuse lettre et à se limiter à ses prérogatives telles que précisées par la constitution de janvier 2014.
L'électeur en général mais celui qui peine à prendre sa décision en particulier
( l' éternel indécis ) , celui qui est souvent dépourvu d'arguments politiques ou celui qui a subit les méfaits de la » politisation négative » dont l'abstentionnisme est l'une des principales conséquences ( Jean Louis Missika , Les faux-semblants de la dépolitisation …) se trouve une nouvelle fois au milieu d'un tiraillement de la classe politique qui rend ses choix encore plus compliqués et qui augmente le risque de le voir fuir les urnes et se réfugier dans un abstentionnisme stratégique utilisé comme moyen d'exprimer son mécontentement et de sanctionner ainsi les politiques et à travers eux toute l'opération électorale .

Cette loi électorale adoptée par l'ANC sortante comptait plusieurs autres lacunes dont notamment celle concernant l'interdiction de publication des sondages recensant les intentions de vote des tunisiens , ceux indiquant le niveau du curseur pour chaque parti et pour chaque candidat sur l'échelle de la notoriété, de la crédibilité , de l'estime de l'opinion et ceux classant les préoccupations premières des tunisiens afin que les politiques puissent procéder à l'élaboration et par la suite à l'ajustement de leurs programmes électoraux et de leurs messages de campagne .
Les sondages d'opinion politiques publics en périodes électorales sont permis dans la grande majorité des pays démocratiques .En Tunisie, cette interdiction est annoncée par l'article 70 de la loi électorale.
Notons à ce propos que la publication régulière et continue des sondages d'opinion constitue l'un des moyens contribuant à augmenter l'intérêt accordé par le citoyen à la compétition politique le conduisant à s'impliquer d'une manière plus effective dans une campagne électorale et d'agir ainsi positivement sur le taux de participation aux élections suite au suivi régulier de l'évolution des indicateurs concernant chaque candidat et chaque parti pour chacune des élections.
Lors des élections majeurs, les sondages sont souvent à la fois nombreux et réguliers, Chaque journal ou médias désire en effet accroître ses ventes en publiant des résultats de sondage de manière exclusive. Chacun commandite donc ses propres études. Celles-ci sont ensuite généralement reprises par les autres médias.
Les résultats sont commentés et expliqués, souvent en termes de variation par rapport aux précédents sondages. La communication politique passe alors du programme et des candidats vers les résultats des sondages. Les circuits de communication classiques sont déviés ; le phénomène est appelé « horse race game » ou » jeu de course hippique".
Le phénomène du » horse race game » se fonde notamment sur les variations dans le temps entre les différents sondages réalisés même si celles ci ne sont pas toujours significatives. Le citoyen trouve toujours de l'intérêt à suivre cette « course de chevaux » effrénée dont les rebondissements qui attirent sa curiosité contribuent à retenir son attention jusqu'au jour du scrutin par lequel il se retrouvera naturellement concerné.

Chaque élection offre son éventail singulier de choix

Hormis les anomalies constitutionnelles que nous avons citées et bien d'autres que les députés de la nouvelle assemblée ainsi que les experts qui les assisteront auront toute l'attention de revoir et de corriger avant les prochaines élections afin d'éviter d'être de nouveaux confrontés à certains blocages dont on pourra bien se passer à l'avenir, et pendant que la campagne du premier tour de la présidentielle avait pour tous les candidats la sécurité comme thème centrale même s'ils étaient tous tentés , dans leurs meeting de parler des enjeux économiques et sociaux , promettant souvent, qu'une fois élu, le candidat pas assez conscient de la limitation constitutionnelle de ses prérogatives, sera le garant de la bonne application de la lois, d'une meilleure justice sociale et régionale et d'un rapide amorçage d'une étape de reconstruction des fondements d'une économie saine et inclusive.
Quelques semaines plus tôt, la compétition des législatives quant à elle, s'est vue tourner autours d'enjeux divers et marqués par un certain éclectisme dans les thèmes de communication des différents partis qui, pour la plupart, avaient tenté de concocter des programmes reflétant leur vision économique et sociale qui se répartissaient en plusieurs tendances ;
Celui de Nahdha était clairement marqué par un ultra- libéralisme économique nullement en contradiction avec le conservatisme religieux fer de lance de son positionnement sur la scène politique et beaucoup moins étalé que lors de la campagne des élections de 2011 dont il avait fait les beaux jours avec tous les stigmates identitaires bien à l'air de cette époque. Mais la normalisation du réfèrent religieux de ce « mouvement-parti » a souvent été trahie par une multitude de faits successifs: déclarations médiatiques ambiguës marquant les contradictions entre « Faucons » et « Colombes », rencontres suspectes avec des prédicateurs et autres théoriciens d'un islam des dogmes entretenu par une large occupation de l'espace cathodique, un positionnement mitigé face à certains faits saillants de l'actualité dont notamment les assassinats politiques, l'attaque de l'ambassade des Etats Unis Aux Berges du Lac á Tunis , le contrôle de dizaines de mosquées par des extrémistes, l'acheminement monnayé de milliers de jeunes vers l'enfer syrien et « daechien », les agissements violents et vindicatifs restés impunis des membres des LPR … Sans oublier la petite anecdote survenue lors de la conférence de présentation de son programme économique et social du 23 septembre dernier clôturée par une version bien particulière de l'hymne national scandé par la voix d'un enfant à la manière des chants religieux.
D'un autre coté, on a vu Nidaa présenter un programme à dominance libérale mais avec une influence sociale bien marquée, vue l'importance de son aile gauche qui a fortement contribué à son élaboration et dont le parti n'a cessé de gérer certains caprices d'éternels résistants .
Une vision socio-libérale pour Afek où l'Etat régulateur ne rentre plus dans les domaines concurrentiels et garde la main sur les secteurs stratégiques tels que l'enseignement , la santé et le transport public ainsi que les infrastructures routières ferroviaires et minières.
Une vision à dominance sociale redonnant à l'Etat ses attributions providentielles pour le front populaire , une optique basée sur une raide cassure avec le passée marqué par le clientélisme et le népotisme sans oublier une étape de jugement des plus rigoureux, constituent le cheval de bataille du CPR ainsi que des partis qui en sont issus à savoir le Courant Démocratique et le mouvement Wafa , rappelons à ce titre la sortie houleuse par la présidence de la république du très controversé livre noir . Le reste des programmes était à chaque fois un mix des orientations sus-citées souvent sans aucun souci de différenciation ni de diagnostic approfondi des préoccupations réelles des citoyens.
Ces préoccupations étaient souvent les mêmes mais dont le rang sur l'échelle hiérarchique des enjeux de campagne change selon le parti et les priorités de sa vision. Si le chômage, le pouvoir d'achat, la sécurité, l'enseignement et la santé étaient à chaque fois cités par tous les partis, ils étaient présentés selon un classement qui dépendait des promesses des différents programmes électoraux et des référents idéologiques de chaque parti.
Les études ont á chaque fois ressorti les préoccupations générales des citoyens mais sans se soucier d'expliquer les éventuelles répercutions que pourraient avoir leurs poids respectifs sur la décision de vote qui même si elle est essentiellement individuelle, elle n'échappe pas à l'influence de certains critères sociologiques et d'appartenance politique , la segmentation est une étape très importante dans l'opération de ciblage et même du micro-ciblage à laquelle les candidats sont tenus de procéder lors de l'élaboration de leur stratégie de campagne, la segmentation ( catégorisation selon les appellations) n'est pas un partage de la société comme se plaisent à l'appeler certains polémistes parmi les politiques et certains faiseurs de l'opinion, il s'agit surtout de définir les critères qui départagent les habitants en catégories, elle repartit les individus aux spécificités sociales, géographiques ou économiques similaires dans des groupes dont les attentes et les besoins sont semblables. Une communication efficace est celle qui s'adapte à chaque segment dont les attentes des individus qui le composent sont homogènes, plus le message adressé à ces segments est adaptée et même personnalisé, plus il a des chances d'être efficace, d'intéresser ses destinataires et de provoquer une attitude favorable en réponse.
Mais comme nous l'avons remarqué plus haut, chaque élection dépend de son contexte politique , économique et social , Le trait marquant de ces dernières élections en Tunisie était la prédominance de la dimension » Sociotropique », celle relative à l'intérêt général du pays au détriment de la dimension » Egotropique » concernant l'intérêt strictement personnel des électeurs, leur adhésions a des offres politiques plus qu'à d'autres a souvent été dans le cadre d'une démarche de valorisation de l‘intérêt collectif et d'une abnégation révélée face à un sentiment patriotique accru. Ce qui pourrait expliquer en partie l'ascension fulgurante d'un parti comme Nida Tounes qui a misé dés sa création sur l'affirmation du devoir de protéger la « Tunisianité » et de préserver les acquis « Bourguibiens » de modernité et d'ouverture face à cet « Islamisme » conquérant et envahisseur menaçant le particularisme de ce qu'on se plaisait à appeler » Le Modèle tunisien ».

Citons a ce propos ce qu'avait écrit Lancelot en 2009 :
« Le comportement électoral n'est pas un comportement totalement autonome ou expressif. C'est un comportement sollicité, instrumental vis à vis du système politique et qu'on peut considérer comme un comportement sous contrainte. Une sociologie qui refuse d'être exclusivement réductrice ne peut négliger ces contraintes. Que penserait-on d'un économiste qui étudierait le comportement des consommateurs sans se soucier de l'offre et des règles du marché ?… il est impossible d'abstraire complètement l'acteur-électeur du système dans lequel s'inscrit son action. »


Les effets de la campagne sur la décision de vote

Si l'on veut définir une campagne électorale, elle correspondrait, selon Jacques Gerstlé, à un ensemble d'opérations de communication pour maximiser des soutiens électoraux. Elle serait un moment de la vie politique caractérisé par l'ensemble des actions mises en œuvre pour informer, propager des conceptions politiques, persuader des électeurs et de tous les efforts menés par des acteurs individuels ou collectifs en compétition pour désigner le titulaire d'une fonction élective.
La question de son impact sur le vote reste aujourd'hui encore ouverte , certains le jugent minime , les partisan du « vote reflet » soutiennent ainsi que l'électeur décide de son choix bien avant la campagne et que le mobile le plus important reste la décision de l'électeur de « récompenser » ou de « punir » ses gouvernants selon leur bilan , l'évolution de la conjoncture économique et sécuritaire prend ainsi toute son importance dans le contexte précis de la Tunisie pour les élections de 2014 , minimisant ainsi les effets supposés de la campagne que nous avons cités .
Ces approches n'expliquent pas pourtant, les raisons qui poussent les candidats à dépenser tant pour la campagne, et que les lois sont très strictes concernant le temps de parole et les soutiens électoraux.
(Largement transgressée lors de la dernière campagne selon Le rapport de Atide).
La question persistante reste alors; si les jeux sont vraiment faits à l'avance, pourquoi, dans les faits, les médias, les analystes et les candidats eux-mêmes pensent que la campagne est si importante? Et pour les dernières campagnes en Tunisie, leur importance se limiterait-elle à confirmer une atmosphère conventionnelle annonciatrice d'élections reconnues par les compétiteurs eux mêmes et par toutes les ONG locales et organismes internationaux d'observateurs présents pour attester du bon déroulement du processus, elle serait aussi un moyen de s'inscrire dans un cadre général des bonnes pratiques démocratiques telles que vécues dans un occident autoproclamé pionnier en la matière au point que les moindre détails dans l'exercice de la démocratie dans cet occident si convoité sont élevés au rang de fondamentaux pour l'opération électorale et de campagne dont notamment le duel télévisé entre les deux finalistes de la présidentielle vivement demandé par le camp du prétendant sortant .


Moyens financiers et outils de communication utilisés par les candidats dans leur démarche de conquête.

La question du financement des campagnes électorales nous renvoie à deux dimensions distinctes du fonctionnement de la démocratie, la première idéaliste et normative, ne voit pas de place pour l'argent dans le processus électoral, il polluerait sans doute la prise de décision des électeurs, le lien entre candidats et électeurs sera faussé par les activités électorales permises par les dépenses.
La seconde reconnaîtrait á l'argent son utilité en période de campagne pour la production de l'information et sa diffusion auprès des électeurs afin de les inciter à prendre part au vote et à choisir le candidat qui correspondrait le mieux à leurs attentes. (Abel François : les enseignements sur le financement de la campagne électorale présidentielle de 2012).
Aux dernières élections on a remarqué sans grande surprise que naturellement, les partis et candidats à qui manquaient les moyens et qui avaient du mal à lever suffisamment de fond pour augmenter leur visibilité étaient ceux qui pointaient le plus l'aspect « polluant » de l'argent en politique, pendant que d'autres, ceux n'ayant pas grands soucis à financer leur campagne et ceux même dont la légitimité politique n'est due qu'à leur poids financier, ne cachaient pas leur recours excessif à l'argent pour acquérir une notoriété qui leur manquait jusqu'à quelques semaines du premier tour de l'élection présidentielle. Á ce titre, Atide vient de sortir un rapport indiquant que rien que sur le grand Tunis et juste en terme de dépense d'affichage urbain dans le cadre de la campagne du premier tour de la présidentielle, Slim Riahi arrive en tête avec 377260 dinars … Hamma Hammemi avec 178960 dinars …et Beji Caïd Essebssi avec 143433 dinars ….
On voit bien qu'on est très loin des plafonds autorisés et que les limites légales n'ont pas empêché certains candidats d'user de l'abondance de fonds qui leur a été possible créant ainsi un gap considérable avec d'autres candidats qui se sont contentés des quelques dizaines de milliers de dinars donnés par l'Etat.

Les messages et slogans de campagne :

Dans une démarche de conquête, les candidats utilisent plusieurs canaux afin de toucher l'électorat, de susciter l'intérêt des médias, de mettre en valeur leurs programmes et de tenter de prouver qu'ils sont capables d'en assurer l'application.
Certains avaient eu recours à des agences , étrangères pour certains , elles étaient chargées essentiellement de gérer l'image des partis et des candidats auprès de l'opinion et de concevoir les » formules magiques » qui, véhiculées à répétions auraient l'impact recherchés qui aboutirait au final à amorcer chez le récepteur l'idée de faire son choix en pensant à celui qui a su être présent dans sa mémoire par l'impact de tous les moyens de communication ; orale , visuelle et écrite dont ils ont fait usage durant la période de la campagne.

Mais les campagnes qui avaient marqué les esprits étaient celles qui avaient plutôt choisi des idées fortes, faciles à reproduire et à véhiculer sur les différents supports de communication, écrits, visuels et verbaux, le principe de la répétions étant l'un des préceptes incontournables d'une campagne de gain ou l'on cherche à conquérir l'estime de l'électeur et à gagner sa voix.
Parmi ces idées citons celle de Nahdha transformée en slogan : » l'amour de la Tunisie, n'est pas qu'une simple parole » محبة تونس موش بالكلام »,
Chez Nidaa c'est la « tunisianité » en alternative aux accès identitaires arabo-musulman et le « Bourguibisme » avec ses significations modernistes et patriotiques,
Pour les Afekistes la reconstruction de l'esprit gagnant chez les tunisiens était l'idée qu'avait tentée de diffuser leur communication de campagne … Le choix d'une idée forte, simple, claire et facilement incarnée et reprise par les différents relais obéit à une règle en communication politique qui a commencé à prendre tout son sens dés la fin des années 70 en France et notamment en 1974 avec les élections présidentielles anticipées suite au décès le 02 Avril de la même année , en cours de mandat de Georges Pompidou qui avait succédé au Général De Gaule , élection qui avait opposé François Mitterand a VJD qui en est sorti vainqueur .
Jaques Segela co-fondateur de l'agence RSCG et très impliqué dans les stratégies de communication de François Mitterand et après lui Lionel Jospin avait, à ce propos annoncé quelques règles de campagne qui avaient fait date et qui semblent toujours marcher. Il disait, je cite :
» On ne vote pas pour un programme, on vote pour une idée ", ou encore
» On vote pour un homme qui porte une idée et non pour l'idée en elle même".
Dans le vote Mitterrand l'idée, c'était la » La Force Tranquille ». Dans le vote Chirac, c'était » La Fracture Sociale ". Dans celui de Sarkozy, c'était » La Rupture". Dans celui de Hollande, c'était » Le Vote Normal", et pour Barack Obama le fameux » Yes we can ».
A côté de cette manière de se différencier à travers une idée, il y a surtout le choix d'une cible principale à qui le message doit être adressé en premier et qui pourrait constituer le noyau sur lequel pourrait compter chaque candidat ou chaque parti, cette cible doit être bien définie afin que la campagne lui soit essentiellement adressée et afin de garantir au minimum son vote. Dans les pays pratiquant la démocratie depuis déjà des décennies, à chaque force politique correspond une force électorale ou ce qu'on appelle le réservoir électoral.
La plupart des partis ayant disputé les dernières législatives et surtout ceux dits du centre gauche ( Takattol, Joumhouri , Massar …) avaient fait des erreurs de ciblage , ils avaient pour la plupart visé un public le plus large possible en courant le risque d'être très peu persuasifs et laisser ainsi leurs messages généralistes ,inaudibles et sans grandes pertinences.
Parmi les partis qui avaient réussi ce pari, on trouve Nida Tounes qui n'a presque pas changé de message depuis sa création jusqu'à l'avènement de la campagne bénéficiant ainsi d'un effet de répétition très payant en matière de communication politique.
Pour finir , il faudrait surtout considérer ces élection comme étant une étape cruciale dans la construction démocratique de la Tunisie , ce processus long certes mais dont on a acquis rapidement l'essentiel , l'alternance au pouvoir reste cependant un fondement essentiel dans la démarche de consolidation de la démocratie entamée quatre année auparavant par la déchéance du despote , elle sera la preuve irréfutable que le peuple a enfin décidé à travers le suffrage universel de celui qui sera appelé à diriger ses affaires pour un mandat donné au cours duquel , il sera contrôlé , par des mécanismes constitutionnels de contre-pouvoir à savoir une opposition constructive , une société civile opérante et des instances régulatrices , une justice indépendante et une presse libre. A ce propos Robert Dhal avait pendant les années 80 instauré le paradigme selon lequel les transformations démocratiques
(Notamment dans les pays de l'Europe de l'Est et avant elles les pays de l'Amerique Latine) et notamment l'institutionnalisation de la démocratie, ne sont possibles que par l'élaboration de constitutions et le pluralisme de partis, pour ce qui est du gouvernement, il proposait l'établissement de conditions de concurrence entre les divers acteurs politiques et la participation élargie de la société civile aux processus électoraux, économique et sociale. Les élections législatives du 26 octobre dernier avaient assuré une première étape de l'alternance de l'exécutif, l'élection présidentielle et son prochain deuxième tour saura-elle la compléter et finir ainsi avec la période transitive et toutes ses institutions provisoires ? Ou serions nous obligés de passer par une « démocrture », terme utilisé en Europe de l'Est et qui désigne le mélange instable de démocratie et de dictature ? Les prochains jours nous le diront.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.