L'année 2020 sera certainement l'année pendant laquelle les tunisiens ont le moins roulé. Entre le confinement général, le confinement partiel et le couvre feu, on a eu de moins en moins besoin de nos voitures ou de nos motos. Par conséquent, les tunisiens connus pour être les champions du monde des sinistres routiers, ont fait moins d'accidents que d'habitude, et ont causé moins de morts ou de blessés, et ont touché moins d'indemnités. On s'attend alors à ce que nos assureurs fassent un geste commercial envers leurs clients. Un secteur qui se rétablit : Le secteur des assurances en Tunisie est l'un des secteurs les plus structurés sur le marché financier. Depuis des années les professionnels ne cessent de marteler qu'ils sont dans une situation financière difficile, et que la principale solution est l'augmentation des tarifs. La fédération des assureurs (FTUSA) ainsi que le Comité Général des Assurances ont fait un grand lobbying dans ce sens auprès de toutes les instances et ont obtenu gain de cause à maintes reprises. -Une augmentation de 10% en 2015 soit une hausse entre 8 et 27 dinars selon la catégorie du véhicule, -Une augmentation au mois de mai 2017 allant de 10 à 20% selon la catégorie, -Une augmentation de 2% au mois de janvier 2018, -Une hausse au mois de Juillet 2020 de 30 dinars concernant les risques du vol et d'incendie, et qui a été initialement prévue en 2019. Les raisons avancées par les professionnels et les responsables de la CGA sont toujours les mêmes : on accuse un déficit financier et technique de la branche «assurances automobiles». Faut-il rappeler que la structure du marché de l'assurance en Tunisie est à 50% dominée par les assurances automobiles, ce qui est normal, l'assurance vie et capitalisation détient 22.4% du chiffre d'affaire, l'assurance groupe maladie 14.3%, l'assurance incendie et risque divers 14%. Ces augmentations annuelles et ciblées ont permis de redresser la situation financière des sociétés d'assurances. En effet, selon les chiffres de la FTUSA, tout baigne sur du l'huile pour nos assureurs. Au cours de ces deux dernières années, le chiffre d'affaires des 21 sociétés d'assurances (pratiquant les affaires directes), a augmenté de 302,7 millions de dinars, soit +14,5%. Sur la seule année 2019, les revenus des sociétés d'assurance ont progressé de 138,9 millions de dinars (+6,2%) contre une évolution de 163,8 millions de dinars (+7,8%) en 2018. Après une année 2018, marquée par une forte sinistralité : +260,4 millions de dinars (+22,1%), les charges de sinistres ralentissent en 2019, évoluant de +70,2 millions de dinars soit de +4,9%. Au deuxième trimestre 2020, le chiffre d'affaire des sociétés d'assurances a enregistré une hausse de 4.4%, atteignant 1400 MD, on est donc sur une lancée positive pour le secteur. Le Covid-19 une aubaine pour les assureurs : Cette situation réconfortante pour les acteurs du secteur vient de se conforter par d'autres indicateurs qui vont les consolider. En effet, depuis le mois de Mars 2020, et l'annonce du confinement général, ainsi que le couvre feu et les limitations de déplacements, instaurés depuis des semaines à cause de la deuxième vague du Covid-19, on enregistre de moins en moins d'accidents et donc de moins en moins d'indemnisations. Cette tendance vient dans la continuité d'une tendance globale enregistrée par les services de la sécurité routière depuis 2012. Selon les chiffres de l'Observatoire de la Sécurité Routière, le nombre des accidents de la route est en nette régression depuis 2011, passant de 9351 accidents en 2012 à 5972 accidents en 2019. Le nombre de morts a quant à lui chuté de 1623 en 2012 à 1150 en 2019. Quant aux nombre de blessés il est passé de 14144 blessés à 8574. Depuis le début de l'année 2020 et au 15 du mois de Novembre 2020 on a enregistré une baisse de -28% en nombre d'accidents en comparaison avec la même période de 2019, et de -22.07% en nombre de morts, et -28.47% en nombre de blessés. On ne peut pas tirer la conclusion hâtive que les tunisiens sont devenus de bon conducteurs civilisés et respectant le code de la route. Cette tendance s'est matérialisée au niveau des sociétés d'assurances par une baisse des indemnisations réglées des assurances automobiles de -26.6% au deuxième trimestre 2020. L'assurance transport a aussi enregistré une chute de -36.4% sur la même période 2020. En langage plus clair, on a moins roulé, on a causé moins d'accidents et donc les assureurs ont moins payés d'indemnités. Faut-il avouer que le montant des indemnités a enregistré une hausse annuelle de 9.4% durant la période 2014-2018, selon les derniers chiffres officiels publiés. Le geste commercial : A la lumière des chiffres déjà précités, les tunisiens ont il le droit d'exiger une baisse des frais de l'assurance, ou un engagement de gel des coûts des assurances pour les prochaines années ? C'est le cas en France, ou l'Union Fédérale des Consommateurs, vient de lancer un appel aux consommateurs les incitant à exiger une restitution du trop-perçu et à faire jouer la concurrence. Selon cette association, la diminution des accidents liés aux confinements instaurés en 2020 a fait gagner les assureurs plus de 2.2 milliards d'euros, par conséquent elle incite les consommateurs à demander à leur assureur une baisse de leur prime en assurance automobile et moto. En l'absence d'associations de consommateurs actives ou spécialisées dans le secteur des assurances, en tant que presse économique nous avons pris la responsabilité de lancer cet appel. Nos assureurs, et partant de leur responsabilité sociétale peuvent faire un geste commercial envers leurs clients, qui sera largement apprécié. Ce geste commercial, soit de gel, de restitution ou de baisse des frais d'assurances aura un impact important sur le pouvoir d'achat des tunisiens, et surtout établira un pont de confiance entre les tunisiens et leurs assureurs. Certains nous dirons que jamais les prix ne baissent en Tunisie, notre réponse sera, qu'on a tout de même essayé de demander. Qui ne demande rien, n'a rien. A bon entendeur. Ben Heddia Abdellatif