Alléchés par l'intérêt commercial que présentent désormais les petits gisements d'hydrocarbures en Tunisie avec l'envolée des cours sur le marché international, les géants pétroliers mondiaux n'hésitent pas à mettre le paquet. Longtemps classé comme un producteur secondaire, la Tunisie table sur ce regain d'intérêt pour combler le déficit de sa balance commerciale et alléger les pressions inflationnistes sur le budget de l'Etat. Un vent d'euphorie souffle sur le secteur des hydrocarbures en Tunisie. Ce petit pays situé entre deux géants pétroliers, en l'occurrence l'Algérie et la Libye, voit depuis quelques mois défiler les émissaires de plusieurs grands groupes pétroliers sur fond de la hausse des prix du brut.
Ces émissaires se bousculent aux portes du ministère tunisien de l'Industrie, de l'Energie et des PME. Leurs investissements colossaux annoncés constituent une manne providentielle pour le pays qui s'est fixé pour objectifs de réaliser un taux de croissance supérieure à 6% par an d'ici 2016 et d'accéder au rang de pays développé à l'horizon de 2030. Multiplication de permis Le gouvernement tunisien vient d'annoncer, le 19 août, la signature d'un accord pour l'exploration et l'exploitation de deux gisements pétroliers dans le bassin de Ghedames, dans le sud du pays, avec la “Swedish oil company PA Resources”. Cet accord avec la compagnie suédoise, intervient deux semaines seulement, après l'octroi d'un permis de prospection pétrolière dit permis “Nord Anaguid” à la société britannique “GB Petroleum PLC”. Cette concession est la sixième octroyée depuis le début de l'année à des sociétés étrangères… Les excellents résultats enregistrés au cours des dernières années au niveau des forages d'exploitation encouragent les entreprises à casser leurs tirelires, tant les perspectives de gain sont importantes. A titre d'exemple, le groupe britannique British Gaz compte investir 1,2 milliard de dollars dans le développement du nouveau champ gazier offshore "Hasdrubal", dans le golfe de Gabès, en partenariat (50%) avec l'Entreprise Tunisienne des Activités Pétrolières (ETAP) et le maintien en production du champ « Miskar ». De son côté, la société anglo-néerlandaise Shell Tunisie entend investir près de 3 millions de dollars dans la prospection sismique de plusieurs champs sous-exploités. Le géant pétrolier s'est également vu récemment octroyer un permis de prospection d'hydrocarbures de deux ans dans la zone dite «Metouia ». A quoi est dû ce rush sur le pétrole et le gaz tunisien ? « Avec l'envolée des cours du brut, les petits gisements présentent désormais un intérêt commercial pour les groupes étrangers, dont les caisses sont plus que jamais renflouées», explique-t-on à l'ETAP. Une politique incitative en matière de recherche et d'exploration a aussi motivé l'engouement des compagnies pétrolières pour la Tunisie. Pour attirer les grandes compagnies étrangères à l'instar de Shell (Pays-Bas et Grande Bretagne), Pionner (Etats-Unis) et Mitsubishi (Japon), les autorités ont en effet supprimé les droits de douanes sur l'importation des équipements de forage et revu à la baisse l'impôt sur le bénéfice. Conséquence: les investissements dans le secteur de l'énergie ont représenté 60% de l'ensemble des flux des investissements directs étrangers en Tunisie en 2007, selon les données de l'Agence de promotion de l'investissement extérieur (FIPA). Retour à l'exploitation des puits délaissés
Certaines compagnies étrangères ont, d'autre part, amorcé un retour à l'exploitation, jugée trop coûteuse auparavant, des petits puits découverts au cours des années 70 et 80. Parmi les petits gisements relancés en 2007, figure notamment celui d'Oudhna, dans le golfe de Hammamet, à 60 Km au sud de Tunis. Délaissé depuis sa découverte en 1978 pour manque de rentabilité économique, il a été racheté en 2003 par la compagnie suédoise Lundin Petroleum en association avec Atlantis Holding Norway, filiale de la compagnie chinoise Sinochem. Depuis février 2007, sa production a atteint quelque 22 000 barils par jour (b/j) contre des prévisions initiales de 15 000 b/j. Par ailleurs, la relance des travaux de forage et de recherche a également abouti à la découverte de plusieurs gisements importants. Outre le champ gazier offshore Hasdrubal, le forage de 42 puits d'exploration, en 2007, avait abouti à la réalisation de dix nouvelles découvertes importantes auxquelles on a accordé les noms qui en disent long sur les espoirs des autorités tunisiennes tels Warda (Rose), Zahra (Fleur) ou encore Baraka (grâce divine). Durant la même année, dix nouveaux permis de recherche d'hydrocarbures ont été accordés à des compagnies étrangères en association avec l'ETAP. Augmentation de la production La Tunisie commence d'ores et déjà à sentir l'effet d'une embellie dans un secteur, qui constitue désormais l'un des moteurs du développement économique. Après une dizaine d'années de vaches maigres dans le sillage du déclin des plus importants gisements découverts durant les années 70, la production pétrolière tunisienne vient de renouer avec la hausse. En 2007, le pays a produit 4 millions de tonnes de brut, soit une augmentation d'environ 30% par rapport à 2006. Avec une production de 2,3 milliards de m3 en 2007, la hausse a été de 10% pour le gaz naturel. Cette embellie a permis de combler le déficit chronique de la balance énergétique, qui avait atteint 800 millions de dinars en 2006. Le pays importe depuis le milieu des années 90 environ 0,5 million de tonnes de brut en moyenne par an de la Libye, en plus de quelques produits raffinés venant essentiellement de l'Italie et de la Russie. L'augmentation de la production ne constitue toutefois qu'un moment de répit pour l'économie tunisienne. Selon les experts du ministère de l'Energie, les besoins du pays sont estimés à 9 millions de tonnes équivalent pétrole (tep) à l'horizon 2010 et à 18 millions de tep à l'horizon 2020. Des perspectives prometteuses Selon les prévisions du ministère de l'Industrie, de l'Energie et des PME, les investissements dans le domaine de l'exploration et de développement de la production pétrolière s'élèveront à 2,1 milliards de dollars en 2008 contre un milliard une année auparavant. Ces investissements devraient contribuer à porter la production à 4, 5 millions de tonnes de pétrole et à 2.9 milliards de m3 de gaz durant l'année en cours. Des chiffres qui correspondent à des hausses de 12,5% pour le pétrole et de 26% pour le gaz en comparaison avec l'année précédente. Mieux encore, la hausse des investissements devrait continuer sur une courbe ascendante au cours des prochaines années. « La Tunisie compte garder le même rythme d'investissement durant les prochaines années afin d'atteindre une production de 8,4 millions de tonnes équivalent pétrole en 2009 », avait précisé le ministre de l'Industrie, de l'Energie et des PME, M. Afif Chelbi, lors de l'ouverture de la 6ème rencontre sur « le pétrole et le gaz dans la région maghrébine et méditerranéenne » tenue en juin dernier à Tunis, indiquant que le « sous-sol tunisien ne semble pas encore avoir livré tous ses secrets ». Le gouvernement prévoit en effet l'octroi de 44 nouveaux permis de recherche et plus de 70 forages entre 2007 et 2011. D'autant plus que l'US Géologique Survey, les réserves d'hydrocarbures restant à découvrir en Tunisie sont estimées de 600 à 800 millions de tonnes équivalent pétrole.