Les pays développés ont l'action dans le sang, et n'attendent pas des années pour mettre en œuvre les mesures convenues, comme chez certains pays en développement. Après le sommet du G20 à Londres tenu le 2 Avril dernier, les grands du monde se sont mis d'accord sur certains points concernant la régulation financière. C'était les grandes lignes autour desquelles doivent graviter toutes les nouvelles réglementions financières, 1 mois et demi après, chacun des grands pôles de la Finance mondiale a présenté son projet. Américains et européens, ont chacun préparé leur plan d'action, et qui a été même discuté lors du sommet des Ministres des finances du G8 à Lecce en Italie. Le Président Obama a présenté son plan Mercredi dernier, et les européens, lors du sommet européen tenu Jeudi dernier. Les deux plans attestent d'une réelle volonté de réguler, mais est ce suffisant ? Qu'en est il du reste des pays du G20 ?
Le plan américain : Les Etats-Unis sont la source de cette crise financière et économique. C'est elle qui a allumé le feu, et elle ne peut pas crier aux flammes. Le poids des states dans l'économie mondiale, veut que ce soit elle qui doit faire le premier pas et annoncer les mesures les plus adaptées, pour essayer de réparer des conséquences graves. C'est pour cela que tout le monde attendait un effort considérable du président américain pour réguler la finance mondiale, et limiter les risques de retomber encore une fois dans la crise. La situation actuelle de l'économie mondiale, a révélé des failles énormes dans le système financier mondial, au point ou il faut colmater les brèches. Le plan américain présenté mercredi dernier, tournait autour de 4 principaux axes : 1. Assurer une supervision des établissements les plus risqués, 2. Introduire plus de transparence dans l'activité des marchés, 3. Regagner la confiance des consommateurs dans le système financier et bancaire 4. Permettre à l'Etat d'avoir les outils réglementaires et institutionnels pour gérer les crises financières,
Selon le président américain, il fallait mettre de nouvelles règles plus sévères. En attendant l'adoption du plan Obama par le congrès voici les détails de la réforme qu'il préconise : o La Réserve fédérale (Fed) sera un régulateur systémique de risque pour surveiller les grandes institutions dont la faillite pourrait menacer la stabilité de l'ensemble du système. Il s'agit d'imposer l'application de règles plus sévères sur les niveaux de capitaux et de liquidités nécessaires o Création du National Bank Supervisor, qui sera le fruit de la fusion de deux organes de régulation l'Office of Thrift Supervision (OTS) et l'Office of Controller of the Currency. o Création d'un nouvel organe de tutelle qui aura pour mission de désigner les établissements qui seront mis sous contrôle de la FED. Il s'agit du Financial Services Oversight Council, qui dépendra du Trésor et sera composé du président de la Fed, des directeurs du National Bank Supervisor et de l'agence de protection des consommateurs, des présidents de la Securities and Exchange Commission (SEC) et de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) ainsi que du directeur de la Federal Housing Finance Agency (FHFA). Aucun organe ne sera absent dans la composition de ce nouvel organe, pour assurer une bonne vision de l'état de l'institution examinée. o La création de l'agence de protection des consommateurs : difficile d'imaginer qu'une telle organisation n'existe pas aux états unis, jusqu'à présent, alors qu'elle existe dans plusieurs pays et même chez nous depuis des dizaines d'années. Cette agence de protection des consommateurs sera consacrée au système bancaire et financier et non aux produits de consommation. Elle aura pour rôle de régler les relations entre les établissements financiers et les consommateurs sur toutes sortes de produits financiers. Elle compte introduire plus de transparence dans les contrats conclus avec les banques et les institutions financières. o Une nouvelle exigence sera aussi introduite dans la gestion bancaire. Il s'agit d'imposer aux institutions donnant des crédits de garder 5% du risque de crédit quand les crédits sont transformés en titres
Le plan américain soulève à mon avis 2 remarques importantes : A vouloir tout contrôler et renforcer le contrôle, le système financier peut se trouver « ligoter » et engrené et perdre énormément d'une célérité et liberté nécessaires pour son bon fonctionnement. Pour parler mécanique et non finance, et en reprenant une maxime de mon mécanicien : en voulant serrer les boulons le moteur risque de casser. Avec la création de nouvelles structures et nouvelles règles contraignantes le système risque de se perdre de son efficacité. Les réformes introduites par le plan américain ont concerné les structures de régulation sans vraiment aller au fond du problème et les règles de la finance et les nouvelles techniques et nouveaux produits crées depuis des années.
Les européens réussissent à s'entendre : Dans le même ordre d'idée, l'Union européenne a un rôle important à jouer vu son rôle dans la finance mondiale. A un jour de décalage du plan présenté par Obama sur la régulation financière, les européens réunis à Bruxelles se sont aussi mis d'accord autour de leur plan d'action pour la régulation financière. En effet, Jeudi dernier les 27 chefs d'états européens ont présenté leur système de supervision du secteur financier à l'échelle européenne. Le plan prévoit la création de trois agences de régulation habilitées à se mettre à la place des autorités nationales en dernier recours, pour superviser les banques, les compagnies d'assurances et les marchés financiers.
Selon le texte de l'accord, ces trois agences disposeront de pouvoirs "contraignants" sur les instances de régulation nationale lorsque celles-ci se révéleront incapables de gérer des institutions financières opérant dans plusieurs pays. Ces agences, ne pourront pas se mettre à la place des instances nationales en cas de recours à l'argent public, pour répondre à une demande de la Grande-Bretagne. Les européens, à l'instar des américains, ont créé une nouvelle structure de supervision. Il s'agit du Conseil Européen du Risque Systémique (CERS).Il aura pour mission d'évaluer les risques pour l'ensemble du système financier européen. Après de longues discussions, les 27 se sont mis d'accord sur la nomination de la présidence de cette entité. En effet, il a été convenu que les banquiers centraux doivent se mettre d'accord sur la présidence de cette nouvelle entité.
Les européens n'ont pas dérogé au style américain, avec la création de nouvelles structures de supervision. Cette initiative est même prise en totale concertation entre ces deux grands pôles de la finance mondiale. La conviction des pays européens est toujours la même, et c'est d'ailleurs la position la plus défendue par le président français Nicolas Sarkozy : l'Europe a été contaminée par les dérives des américains, et c'est eux qui doivent faire le plus grand effort en matière de régulation financière. Cette position s'est assouplie au fur et à mesure que la crise s'amplifie.
Est-ce suffisant ? Les initiatives des américains et des européens, principaux acteurs du G20, pour instaurer de nouvelles structures de régulation financière, sont très intéressantes, et vont certainement permettre de limiter les dérives. Depuis le déclenchement de la crise, l'attitude de ces deux pôles ne s'est pas limitée à colmater les brèches du navire qui risque de couler, mais ont pensé à bien tenir le gouvernail. En effet, la solution adoptée à la crise, n'était pas seulement de sauver les banques défaillantes et insuffler des milliards de dollars dans l'économie, mais on a aussi pensé à réguler, pour ne pas récidiver et faire une rechute. Savoir si ces efforts vont apporter leurs fruits dans le futur est difficile, vu la volatilité de la conjoncture actuelle. C'est dans quelques années qu'on peut évaluer leur efficacité. Mais certaines remarques s'imposent tout de même à ce niveau : - Européens et américains ont décidé d'aller tout seul et ne pas attendre les autres membres du G20 pour mener une initiative concertée et coordonnée. Même si au cours du G20 de Londres, tout le monde était d'accord de réguler et les grandes lignes étaient fixées, la coordination au niveau du timing des réformes reste un élément important. - L'empreinte du FMI dans la nouvelle structure de régulation du système financier mondial n'est pas perceptible, ce qui confirme le caractère typiquement national des solutions avancées. Les grands du monde sont allés en ordre dispersé vers la bataille financière. - On a tant attendu une initiative commune de la part du G20, et spécialement des américains et européens, pour la création d'une structure internationale capable de superviser le système financier mondial, mais ceci ne s'est pas réalisé. L'échec de cette initiative est compréhensible surtout avec l'existence du FMI et de la Banque Mondiale. Il est aussi légitime de se poser la question sur une possible reconversion du groupe du G20 en organisation internationale financière, puisque ce groupe a réussi jusqu'à présent à limiter les dégâts de la crise financière. - Les réformes annoncées ne sont pas des réformes de fonds, car ils n'ont touché aux acteurs principaux de la finance tel que les Hedge Funds ou les Agences de Rating. Ils n'ont pas aussi touché les nouveaux produits financiers très techniques et surtout très risqués. - La mise en œuvre des nouvelles structures et règles de régulation financière doit prendre en considération la force opposée des opérateurs des marchés financiers qui ne cherchent que la dérégulation qui leur permet de prendre plus de risques et donc plus de profits.
A la lumière de cette lecture des plans de régulation annoncés par les américains et les européens, il est nécessaire de saluer ces initiatives qui vont dans le bons sens. Mais il faut être toujours prudent afin de ne pas rechuter. Dans le futur, et suite aux conséquences ravageuses de la crise économique et financière, l'architecture financière et économique mondiale devrait être basée sur des principes solides et claires. En effet, il nous faut un processus de décision et d'application démocratique et transparent au sein des organisations financières internationales; une efficacité des activités des institutions régulatrices nationales efficaces; le renforcement de la gestion des risques et des pratiques de surveillance. Hasard du calendrier, après l'annonce du plan Obama, les instances de régulation américaines ont fermé vendredi dernier la First National Bank d'Anthony, au Kansas, ce qui en fait la 40ème banque américaine mise en faillite depuis le début de l'année 2009. Wait and See.