Depuis 40 ans, l'énorme et non moins nécessaire forum économique mondial nous a habitué à une certaine discipline dans les thèmes et les questions abordés. Mais voilà que depuis quelques années les points à l'ordre du jour sortent petit à petit du purement économique et financier pour concerner d'autres espaces et de nouveaux thèmes. Ainsi, Davos ce n'est plus seulement l'argent, les bourses, les banques et le Commerce international. C'est aussi l'environnement, les énergies vertes, la théorisation new-look du capitalisme, l'accès à l'eau et à l'éducation, ainsi que l'émergence du discours moral sur l'entreprise. Autant de «bonnes nouvelles», diraient certains, ne peuvent que faire plaisir. Quand le FMI annonce la création d'un «fonds vert» doté de plusieurs milliards de dollars pour aider les pays à faire face aux changements climatiques, c'est positif et responsable. C'est réjouissant aussi quand on élève à un niveau planétaire l'initiative destinée à promouvoir les actions des femmes dans plusieurs domaines pour «abattre les barrières qui continuent d'entraver le développement des femmes» dans de nombreuses contrées du monde.
Enfin, ça ne peut qu'encourageant quand on étale au grand jour les dérives d'un système ou quand on dénonce l'irresponsabilité des grandes entreprises notamment en matière de gestion ou dans le domaine environnemental. Mieux encore, Davos a même été l'occasion de parler de stabilité politique, de paix et de tensions sociales.
Feu vert pour un «fonds vert» Le FMI l'annonce dans un communiqué. Au sein du temple des finances mondiales on travaillait sur la mise en place d'un fonds vert qui aura pour but d'aider les pays à mettre en œuvre des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique. Il permettra aux pays peu riches d'accéder aux énergies vertes. On parle de 100 milliards de dollars comme dotation annuelle. Le chiffre exacte n'est pas encore définitivement fixé et arrêté. Dominique Strauss-Kahn, Directeur Général du FMI en a donné les contours et les grandes lignes. L'idée-clé est que les pays développés, au même titre que les pays plus pauvres, doivent disposer de moyens importants et suffisamment conséquents pour agir efficacement sur le climat. Si les pays dits riches sont concernés par ce fonds, c'est parce que le nouveau modèle de croissance économique devrait être faible en émission de gaz à effet de serre et que ces pays bénéficieront de l'aide de ce fonds du fait que leurs capacités sont limitées par les problèmes budgétaires nés de la crise économique! Mais pour voir le jour effectivement, le projet fera l'objet de discussions entre le FMI, les banques centrales et les ministres des Finances. Ce ne sera donc certainement pas pour très bientôt, mais si la faisabilité est retenue, les instruments d'application dont dispose le FMI seront là.
Sarkozy… en vedette Pour l'histoire, Nicolas Sarkozy aura été le premier président français à ouvrir le forum économique de Davos. Il est venu à cette messe pour dire haut et fort tout le mal qu'il pense des «folies» d'une économie de marché en roue libre, livrée à elle-même sans contrôle véritable. Le mérite de Sarkozy en 2010, c'est qu'il a réussi ce que son prédécesseur Jacques Chirac a raté en 2005; à savoir une présence attendue et remarquée malgré les intempéries. Se posant comme champion de la régulation et contre une mondialisation à outrance, le président français a eu, d'ailleurs, bien raison de marteler que «cette crise est une crise de la mondialisation (…) La mondialisation a dérapé à partir du moment où il a été admis que le marché avait toujours raison et qu'aucune raison ne lui était opposable». Devant un parterre de grands financiers et patrons, Nicolas Sarkozy, dont le pays présidera le G20 en 2011, annonce qu'il s'attaquera à la réforme du système monétaire, jugeant que l'économie mondiale a besoin d'un nouveau Bretton Woods. Il lance ouvertement: «On ne peut pas avoir d'un côté un monde multipolaire et de l'autre une seule monnaie de référence à l'échelle planétaire. On ne peut pas d'un côté prôner le libre-échange et de l'autre tolérer le dumping monétaire». C'est clair.
La reprise économique Le mieux placé pour en parler ne pourrait être que DSK lui-même. Il l'a fait samedi dernier en observant que l'économie mondiale retrouve de la vigueur. Et comme il faut toujours inclure un «oui… mais», le même Directeur Général du FMI précise que la reprise reste fragile et, surtout, asymétrique. Il serait donc difficile d'établir de calendrier pour l'arrêt des programmes de relance. Il est aussi important que nécessaire, a-t-il ajouté, de coordonner les efforts actuels de reforme du système financier si l'on voulait éviter une aggravation des problèmes économiques. DSK s'est fait l'écho de banquiers qui se sont déclarés favorables à une réforme internationale du secteur bancaire dans le cadre des réunions et travaux de Davos.
Les sombres nuages grecs planent sur Davos La situation préoccupante de la Grèce était présente dans les esprits et dans les discussions. La grande crise financière que traverse le pays se répercute sur toute la zone euro. Malgré les énormes efforts déployés par le Premier ministre grec, George Papandréou, pour apaiser les esprits à Davos, les chiffres inquiètent. Un déficit public qui atteint plus de 12,5%, alors que les critères de Maastricht le limitent à 3%. Les décideurs et grands banquiers réunis à Davos se sentent devant une situation de quasi-faillite. Si la Grèce continue à collectionner les mauvaises notes, elle serait probablement éjectée de la zone euro, dans l'hypothèse bien sûr où elle ne pourrait plus rembourser sa dette. Alors, bonjour les spéculations et les pressions sur l'euro. Les Grecs, Papandréou en tête, stigmatisent les intérêts politiques et financiers extérieurs qui cherchent la tête de toute la zone euro en attaquant «le maillon faible». Un autre casse-tête se profile à l'horizon. Il s'appelle l'Espagne qui, elle aussi, présente un bilan de santé pas rassurant du tout. Le pays est placé dans la phase de pré-tourmente. Madrid présentera un plan d'austérité de 50 milliards d'euros pour se replacer sous la barre de 3% en 2013. Enfin, emboitant le pas à son homologue grec, le Premier ministre espagnol Jose Luis Zapatero considère que les attaques contre l'euro sont lancées par ceux-là mêmes qui étaient opposés à sa création. En conclusion, peur pour la Grèce, inquiétude pour l'Espagne et doutes pour le Portugal, telle est la situation à Davos. Certains pays de la zone euro souffriraient de faiblesses «dangereuses» qui pourraient avoir des conséquences «fatales» sur leurs partenaires, comme l'a indiqué le ministre allemand de l'Economie.
Espoirs et menaces La 40ème édition du forum de Davos a été tenue sous le thème: «Améliorer l'état de la planète: repenser, remodeler, reconstruire». Une trentaine de chefs d'Etat et de gouvernement se sont déplacés pour y assister à côté de près de mille dirigeants du monde de la finance, de l'entreprise, du business et du commerce. On en parle de tout. On a abordé des sujets importants, variés et sûrement vitaux pour la bonne marche du monde. Beaucoup d'espoir a été suscité. Les bonnes intentions et les meilleures volontés du monde ont été exprimées, exposées et présentées sous plusieurs formes en attendant la 41ème édition du même Forum. Mais les principales menaces qui pèseront sur notre monde à l'avenir seront bien plus complexes et imprévisibles qu'on ne le croit. La dernière crise financière et économique, les pénuries, la pollution, les pandémies et autres changements climatiques dévastateurs sont autant de menaces réelles qu'elles nécessitent inéluctablement l'implication directe et totale de toutes les composantes agissantes telles que les entreprises, les organisations spécialisées, les groupes d'intérêts, les experts, les gouvernements…