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Interview avec l'universitaire et le professionnel M. Hachmi DJEMMALI : "OSONS UNE REFORME RATIONNELLE"
Publié dans L'expert le 21 - 07 - 2010

Dans ce sillage, on s'est posé la question sur la formation comptable en Tunisie. L'enseignement comptable Tunisien répondra t-il aux défis en matière des besoins de la profession?

M. Hachmi DJEMMALI, universitaire et professionnel, a bien voulu nous livrer ci-après son avis, ses réflexions et ses propositions sur un aussi délicat sujet.

Que pensiez-vous de l'enseignement d'expertise comptable en Tunisie ?
L'enseignement de la comptabilité doit préparer nos futurs cadres financiers et experts comptables, en vue d'une prochaine migration du système comptable des entreprises (SCE) vers les normes internationales d'informations financières. En effet, la Tunisie a clairement annoncée sa volonté d'opter pour le référentiel international de l'IASB à travers le point 7 du 13ème axe du programme présidentiel qui prévoit « la réforme du système comptable dans le sens de l'adoption des normes internationales ». La Tunisie a déjà réussi sa première réforme de la comptabilité en 1996. Mais, le nouveau SCE a maintenu le principe de la connexion entre la fiscalité et la comptabilité, ce qui ne favorise pas la production d'une information financière neutre, intelligible et pertinente. La migration vers les normes internationales est un défi considérable qui nécessite la mobilisation des moyens financiers et humains très importants. La refonte des programmes universitaires, la formation des formateurs et des cadres financiers déjà en place, constituent un préalable incontournable pour réussir cet audacieux projet à l'horizon 2014. La Tunisie dispose de ressources humaines très compétentes reconnues non seulement en Tunisie, mais aussi, à l'échelle internationale. Ces professionnels de la comptabilité doivent être associés de cette réforme pour enrichir les débats et concevoir des programmes en phase avec les objectifs visés notamment les attentes du marché de l'emploi. Il faut profiter de cette occasion pour abandonner la formation actuelle à l'expertise comptable qui décourage les étudiants à cause d'un taux de réussite extrêmement faible. Il faut avoir le courage de se remettre en question et stopper une réforme mal engagée en vue de rechercher les vraies causes de l'échec.
En vue de préparer le nouveau cursus de l'enseignement de l'expertise comptable, j'ai présenté courant 2006, en collaboration avec des experts comptables tunisiens, un projet de réforme conforme aux standards internationaux et au système LMD. Ce même projet a été communiqué au secrétaire général du ministère des finances. Comme d'habitude, merci beaucoup, bravo, mais hélas le projet a été oublié dans les archives. Le ministre a voulu engagé sa propre réforme qui s'avère, aujourd'hui, aboutir à une impasse. C'est pourquoi, la décision a été prise de reporter l'entrée en vigueur des premiers mastères notamment de la comptabilité. Quel gâchis !
J'ai participé aux commissions universitaires françaises pour la conception et la mise en place de la réforme de l'enseignement de l'expertise comptable. Cette reforme permet à un bachelier soit d'intégrer directement la filière expertise comptable organisée autour de trois diplômes, soit suivre la filière universitaire classique sous forme de LM et DEC (diplôme d'expertise comptable).
Le diplôme d'expertise comptable tunisien préparé conformément aux standards internationaux et en collaboration avec des universités étrangères et les organisations professionnelles mérite d'être reconnu en dehors de nos frontières. C'est pourquoi le Président de la République a incité les présidents des universités tunisiennes à conclure des conventions de codiplômation ou de double diplôme. Cette idée futuriste ne plait pas à certains responsables de l'enseignement supérieur.
L'organisation du métier d'expert comptable en France et dans les pays méditerranéens : quelle comparaison faites-vous?
La profession comptable peut être exercée sous forme libérale ou bien au sein des entreprises en tant que salarié. Il s'agit d'une profession réglementée qui doit être contrôlée par un organisme professionnel à l'instar de l'ordre des experts comptables. Cette organisation ordinale vise à inculquer aux membres une éthique, une déontologie et les bonnes pratiques de la comptabilité et de l'audit. En Tunisie, l'ordre des experts comptables regroupe environ 700 membres. A côté de cet organisme, il existe la compagnie des comptables qui compte pas loin de 2000 adhérents. Là aussi, la Tunisie a loupé l'occasion de fusionner les deux organismes afin d'avoir une structure audible, source de propositions et avoir une taille respectable.
En France, les experts comptables sont regroupés au niveau de l'ordre des experts comptables sans avoir un organisme parallèle équivalent à la compagnie des comptables en Tunisie. Cependant, en France, les experts comptables, ayant la qualité de commissaires aux comptes, doivent avoir une double inscription auprès de l'ordre des experts comptables et auprès de la compagnie nationale des commissaires aux comptes. La profession de commissaire aux comptes est une mission très sensible et strictement contrôlée par la compagnie et par le haut conseil des commissaires aux comptes (HCCC) issue de la loi sur la sécurité financière.
Entre fiscalité et comptabilité, quelle relation peut-il y avoir ?
Malgré la réforme du SCE en 1996, la Tunisie a opté pour un système comptable au service de la fiscalité. C'est ce qu'on appelle le principe de la connexion. Ce système se caractérise par un objectif primordial : la collecte de l'impôt. Malheureusement, cette conception ne favorise pas une information financière neutre et compréhensible par tous. Nos entreprises n'échappent pas au phénomène du regroupement et de la concentration aussi bien nationale que transfrontalière. Il faut profiter du projet d'adoption des normes internationales pour déconnecter totalement la comptabilité de la fiscalité tout en veillant au respect de l'équilibre budgétaire de la nation.
La Tunisie va migrer vers les nouvelles normes IFRS à l'horizon 2014? Quel est le coût d'application de ces normes ?
Comme toute réforme, le gouvernement doit engager et mobiliser des ressources importantes. La migration vers les normes internationales, prévue à l'horizon 2014, nécessite des moyens colossaux. D'où, il est intéressant de chiffrer les différents coûts générés par cette réforme et de les rapprocher des avantages attendus. Ce rapport coûts avantages est un indice déterminent pour la réussite de cette audacieuse initiative. C'est pourquoi, il faut cibler les entités économiques qui nécessitent une migration rapide vers le référentiel international de l'IASB et de prévoir une simple adaptation du système actuel pour les petites entreprises sans enjeux en ce qui concerne l'information financière.
Que pensiez-vous du rôle de l'information financière dans cette dernière crise financière ?
La crise financière n'est pas apparue brutalement. Les scandales financiers des années 2000 sont amorceurs d'une véritable crise financière à cause de la prééminence de la finance sur l'économie et la domination d'une activité spéculative sans respecter les fondamentaux d'une économie saine. Cette crise financière, pratiquement sans précédent, a engendré une crise de confiance des décideurs économiques et a précipité la chute des géants. La chute de Arthur Anderson, Enron, World com etc… n'a pas permis aux décideurs économiques de tirer la sonnette d'alarme et d'arrêter la dé régularisation de l'économie mondiale. Le résultat, c'est qu'en 2008 toutes les bourses se sont effondrées. Certaines banques ont déclaré faillite. Et par conséquent, la crise financière est devenue une crise systémique avec des conséquences considérables sur l'emploi et sur les affaires. Brutalement, l'économie mondiale est devenue en récession. L'information financière a été montrée du doigt, parce qu'elle n'a pas permis de détecter des signaux annonceurs d'une véritable crise. Pourquoi les auditeurs et les commissaires aux comptes n'ont pas joué leurs rôles ? Pourquoi le pouvoir politique n'a pas réagi à temps ? Si l'on cherche à comprendre les causes réelles de cette véritable crise, il est important de constater que la manipulation des chiffres ; donc les comportements irrationnels des responsables, a dépassé la compétence des auditeurs et des contrôleurs.
Comment évaluez-vous le niveau des jeunes diplômés en sciences comptables et en expertise comptable ?
OSONS UNE REFORME RATIONNELLE DE L'ENSEIGNEMENT DE LA COMPTABILITE !
Les étudiants tunisiens ont une capacité intellectuelle très développée. La preuve c'est que lorsque ces étudiants poursuivent leur cursus en France, se classent parmi les meilleures. Malheureusement, l'environnement universitaire et le manque de moyens privent nos étudiants des véritables possibilités de réussite et d'une facilité d'intégration rapide dans le monde professionnel. Les experts comptables tunisiens jouissent d'une réputation et d'une reconnaissance internationales, si l'on juge par la multiplicité des réseaux internationaux implantés en Tunisie et la présence de certains confrères ou consœurs aux niveaux des instances et des organisations internationales telles que l'IFAC, la FIDEF….. La qualité de leurs travaux, l'éthique professionnelle qu'ils véhiculent, ainsi que le respect de la déontologie font de nos experts comptables des acteurs économiques écoutés par le pouvoir politique et les chefs d'entreprises. Cette profession s'implique de plus en plus dans la formation des futurs confrères et consœurs mais sa contribution reste très modeste.
Les matières enseignées répondent elles aux besoins de la profession ?
Le contenu de l'enseignement de la comptabilité mérite d'être recentré sur la pratique des normes comptables et des normes d'audit préconisées par l'IASB et l'IAFC.L'ouverture de l'enseignement sur des nouvelles matières telles que la gouvernance, la communication et les matières juridiques est d'une nécessité absolue pour doter les futurs experts d'un ensemble d'atouts équivalents à ceux dont disposent les experts comptables des pays européens. Il est important de remarquer que nos étudiants manquent de formation au niveau des langues telles que le français et l'anglais. Il est urgent de réagir pour ne pas se laisser distancer. J'insiste sur le fait que l'enseignement de la comptabilité doit être confié notamment à des professionnels qui peuvent conjuguer pédagogie et expérience professionnelle.
En ce qui concerne le système LMD, que suggérez-vous ? Et que pourriez-vous proposer pour que les mémoires de fin d'études aient un aspect plus pratique que théorique ?
La rentrée universitaire 2010-2011 sera marquée par l'entrée en vigueur de la 2ème étape de la réforme de l'enseignement supérieur engagée par les universités tunisiennes en 2007.
En effet, l'enseignement supérieur est, depuis quelques années déjà, organisé conformément au système licence – master – doctorat – LMD, à l'instar de plusieurs pays européens et non européens.
Le système LMD est une organisation du parcours universitaire de l'étudiant fondée sur les principes suivants : Mobilité géographique, transversalité des cours, reconnaissance mutuelle des diplômes délivrés par le ministère de l'enseignement supérieur des pays adhérents.
Cette idée fort séduisante, nécessite la mobilisation des moyens financiers et humains importants, une autonomie des universités et une campagne de formation et de communication ayant pour cibles, les enseignants, les étudiants, les parents et les acteurs économiques.
La Tunisie a opté pour une réforme par étape. D'abord, la mise en place des licences appliquées et fondamentales. En suite, l'entrée en vigueur des masters recherche et professionnel. En fin, le doctorat on verra plus tard (affaire à suivre).
Cette démarche me dérange beaucoup car elle manque de courage et d'ambition et ne respecte ni la lisibilité ni les objectifs de la réforme. Elle est à l'origine de plusieurs interrogations autours de la finalité des licences appliquées et des licences fondamentales qui n'a pas été présentée d'une façon suffisamment claire aux intéressés.
L'enseignement de l'audit, du contrôle et de la comptabilité n'a pas échappé à cette réforme.
Cependant beaucoup de zones d'ombre restent à éclaircir.
Les étudiants qui visent une carrière dans cette profession sont découragés à cause du système actuel abandonné par le ministère de l'enseignement supérieur car, la comptabilité n'est pas parmi ses priorités.
Et pourtant, plusieurs universitaires et professionnels tunisiens reconnus notamment à l'étranger ont voulu enrichir cette réforme par leur expérience et leur savoir faire. Malheureusement les intérêts des uns et des autres ont été privilégiés au détriment de l'intérêt public et de la profession.
L'enseignement de la comptabilité et de l'audit ne peut pas être laissé au bon vouloir des universitaires vierges de toute expérience professionnelle. Certes, leur apport est indispensable, voir même incontournable, pour doter la réforme d'une démarche scientifique et d'une approche pédagogique appropriée.
Par contre, l'organisation du parcours, le contenu des programmes et les objectifs de cette formation spécialisée devraient être préparés par un groupe de travail composé majoritairement des représentants de la profession, des universitaires et avec le concours de la direction générale de l'enseignement supérieur.
Il faut repenser la réforme de l'enseignement de la comptabilité en adoptant un parcours et des programmes conformes aux standards internationaux et saisir cette opportunité pour favoriser la reconnaissance internationale de notre diplôme d'expertise comptable.
Il faut inverser la logique actuelle basée sur diplôme - emploi au profit de métier – diplôme. Pour cela, les étudiants qui envisagent une carrière dans le domaine de la comptabilité et de l'audit pourront choisir entre deux parcours complémentaires et connexes grâce à la création d'un système d'équivalence :
A partir du baccalauréat, il sera proposé à l'étudiant un parcours universitaire classique sous forme de licence – master – DEC (diplôme d'expertise comptable).
Un parcours universitaire spécialisé fondé sur le principe de la capitalisation d'unités d'enseignement répartie sur 16 semestres :
6 semestres soit 180 E cts pour obtenir un diplôme de Finance et de Comptabilité (DFC),
4 semestres soit 120 E cts pour obtenir un diplôme supérieur de finance et de comptabilité (DSFC) c'est l'équivalent du master,
6 semestres pour obtenir le DEC.
Chaque étape intermédiaire doit comporter un stage pratique obligatoire dans un cabinet d'expertise comptable dont la durée peut être variable en fonction du niveau du diplôme (L ou DFC ; M ou DSFC ; DEC).
Il ne faut pas perdre de vue que l'objectif de chaque étudiant est d'abord, réussir ses études et en suite, avoir un métier ou être préparé pour la création ou la reprise d'une entreprise.Afin d'accroitre les chances des étudiants d'une intégration rapide dans le marché de travail, le développement de l'enseignement par la voie de l'apprentissage mérite d'être expérimenté notamment dans le secteur de la comptabilité, du contrôle et de l'audit.
En même temps, les responsables universitaires devraient conclure des conventions de double diplôme avec des universités étrangères afin de favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants et d'offrir à nos diplômes nationaux une reconnaissance internationale.
L'expérience menée depuis plusieurs années par l'ISG de Tunis et l'IHET en collaboration avec l'université Jean MOULIN de Lyon III mérité d'être étendue à d'autres universités. Cette convention de double diplôme donne des résultats plus que probant. La quasi totalité des étudiants titulaires du Master Comptabilité Contrôle Audit trouve un emploi dès la fin de leur cursus universitaire.


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