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Le travail social comme fondement solide du développement
Publié dans L'expert le 24 - 02 - 2011


Quand on écarte le professionnel spécialisé

Une économie ne peut se développer sans progrès social. L'éducation, l'accès aux soins médicaux, l'éradication de la pauvreté, la promotion de la femme, la protection de l'enfance et bien d'autres indicateurs sociaux sont le baromètre d'un fondement solide du développement.
Partant d'ici, nous nous apercevons de l'importance du rôle que pourrait jouer le travail social.
Dans notre présente interview avec l'universitaire M. Lassâad Labidi, docteur en service social et enseignant à l'Institut National de Travail et des Etudes Sociales, nous avons soulevé le problème de la gestion des programmes sociaux.
M. Lassâad Labidi nous parlera de la vraie tâche des travailleurs sociaux et des raisons pour lesquelles l'aspect concret du travail social ne se faisait pas sentir ces dernières décennies.

M. Lassâad Labidi
Docteur en service social et enseignant à l'Institut National du Travail et des Etudes Sociales


Intervention sociale et travailleurs sociaux en Tunisie : Quel travail social voulons-nous ?

En Tunisie, il y a plusieurs programmes d'intervention sociale qui touchent les différentes catégories à besoins spécifiques : les familles pauvres, les personnes handicapées, l'enfance en difficulté et les personnes âgées. Le problème qui s'est toujours posé se situe au niveau de la mise en application de ces programmes et de la sélection des bénéficiaires.
Les travailleurs sociaux qui relèvent du ministère des Affaires sociales et qui interviennent dans les différentes délégations du pays sont supposés être les seuls responsables de l'évaluation des conditions de vie des personnes et de la prise de décisions quant aux programmes et services sociaux dont elles ont besoin. Ces professionnels, considérés partout dans le monde comme un corps spécialisé dans l'intervention sociale, ont reçu une formation spécifique qui leur permet d'acquérir les principes fondamentaux du travail social ainsi que la méthodologie et les différentes approches et techniques d'intervention.
En tant que discipline pratique, le travail social est le porte-parole des personnes, des groupes et des communautés sans parole. Il intervient dans une optique de protection, de prévention et de développement, considérant que l'aide sociale et les différents services sociaux fournis aux différents bénéficiaires est un droit et non une simple activité de charité et de bonté. Il est social car il provient de la société en utilisant ses ressources et a pour finalité la société. Il constitue ainsi un acteur de changement individuel et de groupe et exprime l'obligation de toute société de venir en aide à ses citoyens qui, pour une raison ou une autre, se trouvent incapables de satisfaire leurs propres besoins.
Cependant, malgré ses valeurs et ses objectifs nobles et à dimension humaine, le travail social tel que pratiqué en Tunisie est resté mal connu par l'opinion publique et utilisé par les pouvoirs publics pour faire la propagande du parti au pouvoir avant la révolution. Cette situation, nous pouvons bien la saisir à travers la mise en application des différents programmes sociaux.

Le travail social pendant la période d'avant révolution

La façon de gérer les programmes sociaux avant la révolution peut être en elle-même une cause parmi d'autres qui a provoqué la révolution tunisienne conduite par les classes populaires et les plus démunies. Ce qui se passe en réalité, c'est que les travailleurs sociaux n'ont aucune autonomie sur la gestion et la mise en application des programmes sociaux. Malgré leur professionnalisme et donc leur technicité, ils ont été repoussés au dernier rang. Dans la majorité des cas, ils sont devenus de simples exécutants des décisions prises par le gouverneur, le délégué et le chef de la cellule destourienne. Ils n'ont aucune autonomie d'action, se trouvant obligés de mettre de côté la méthodologie, les principes, les approches et les techniques qui constituent leur culture professionnelle. Ils constatent chaque jour la dégradation continue de leur statut professionnel et se posent de multiples questions sur leur identité professionnelle et sur leur vrai rôle dans la société.
Dans un contexte caractérisé par l'hégémonie du parti au pouvoir et par une ignorance de la philosophie sur laquelle sont fondés les principes de base du travail social, une grande partie des travailleurs sociaux se trouve soumise aux autorités locales et d'une manière indirecte au service du parti au pouvoir. Ils sont démunis de toute possibilité de remettre les choses à l'ordre. Ne bénéficiant d'aucune protection de la part de leur administration, ils finissent par se résigner au détriment de ce qui fait d'eux un corps professionnel particulier.
Dans plusieurs situations, c'est le délégué ou le chef de la cellule destourienne qui prend les décisions d'aide et le contact avec les familles alors que, normalement, c'est la tâche du travailleur social qui a acquis une formation spécifique pour la mise en œuvre des programmes sociaux et pour aider les familles en besoin. Contrairement aux valeurs fondamentales du travail social, il arrive parfois qu'une famille ou un individu voit sa demande d'aide refusée, car l'un de ses proches ou lui-même est soupçonné d'avoir une vision critique à l'égard du parti au pouvoir. Dans ce contexte, le parti au pouvoir en l'occurrence le RCD, utilisant des fonds publics, piétine sur le champ d'intervention des travailleurs sociaux et se présente toujours comme étant le meilleur protecteur des populations vulnérables. Dans ce contexte, plusieurs travailleurs sociaux constatent que leurs interventions se limitent à de simples actes administratifs dépourvus de toute technicité.
Par ailleurs, la pratique du travail social en Tunisie a été depuis plusieurs années emprisonnée dans la simple intervention de protection réduisant le travailleur social à un simple « agent de bon cœur » fournissant aux handicapés et aux pauvres l'aide dont ils ont besoin. Les travailleurs sociaux sont totalement négligés dans la mise en application des programmes de développement. Malgré la formation reçue, leur présence dans les différentes délégations du pays n'a aucun effet sur le développement socioéconomique des localités rurales et urbaines. Ils sont totalement exclus des actions de développement local et pourtant dans leur cursus de formation ils ont acquis des connaissances théoriques et pratiques sur l'organisation et le développement des communautés. Cette vision trop simplifiée et réductrice du travail social explique à notre sens et en partie pourquoi jusqu'à aujourd'hui et après 56 ans d'indépendance il existe encore des familles et des communautés vivant dans l'extrême pauvreté. Si on avait donné aux travailleurs sociaux qui relèvent du ministère des Affaires sociales la possibilité de faire de l'intervention communautaire, la situation aurait dû être autrement.
Dans l'exemple du fameux programme de solidarité nationale 26-26, malgré les fonds investis, il s'est avéré que les réalisations peuvent être qualifiées de nulles face aux conditions de vie humiliantes que vivaient encore certaines zones rurales. Les travailleurs sociaux, qui sont spécialisés dans l'étude des communautés géographiques et qui ont reçu une formation en intervention communautaire n'ont participé d'aucune façon à ce programme et à la sélection des bénéficiaires. La mise en application du programme en question a été faite par les délégués locaux et les chefs des cellules destouriennes. Ainsi, on comprend pourquoi à titre d'exemple il y a des familles qui ont bénéficié de certains logements alors qu'elles n'en ont pas besoin et pourquoi certaines zones rurales ont bénéficié de certaines interventions qui ne répondent pas à leurs besoins prioritaires. On comprend également pourquoi certains omdas se sont enrichis sur les dos des familles pauvres. Avec l'exclusion voulue des travailleurs sociaux, plusieurs partenaires ont trouvé le terrain fertile pour faire valoir leurs propres intérêts au détriment des citoyens n'ayant pas de quoi vivre en dignité et à la recherche de l'espoir perdu et ne connaissant de l'indépendance que sa date.
Connaissant le profil de la majorité de nos travailleurs sociaux et leur dévouement pour leur profession et leur sens de l'humanité ainsi que leur savoir – faire, nous pensons que si plusieurs programmes de développement communautaire ont été mis en œuvre par les travailleurs sociaux relevant du ministère des Affaires sociales, leurs résultats auraient dû être totalement différents de ce que nous pouvons observer aujourd'hui.
Mais l'ignorance du vrai travail social et donc l'exclusion des travailleurs sociaux en tant qu'agent de changement et de développement ne s'est pas arrêtée à ce niveau. Mais elle a été consolidée par la décision prise par le ministère des Affaires Sociales depuis 2006 pour procéder au recrutement des travailleurs sociaux parmi les différents diplômés et sans se limiter aux seuls sortants de l'Institut National du Travail et des Etudes Sociales en tant qu'unique institution universitaire spécialisée dans la formation des travailleurs. Une telle décision n'est-elle pas un crime commis à l'égard du travail social ? N'est-elle pas une atteinte aux droits et à la dignité de la clientèle des services sociaux ? Rappelons que dans un pays qui respecte les droits de l'homme, les personnes ayant des problèmes psychosociaux n'ont pas uniquement le droit de recevoir l'aide dont elles ont besoin, mais elles ont aussi le droit de la recevoir dans de bonnes conditions et par l'intermédiaire d'une personne qualifiée et officiellement reconnue comme telle. Ainsi, il n'est pas étonnant de trouver un diplômé en informatique ou en géographie remplissant les fonctions d'un travailleur social. Bien sûr, cela ne veut pas dire que les diplômés en travail social sont parfaits, mais nous pensons que malgré les limites de la formation qu'ils ont reçu et qui mérite d'être révisée, ils sont, vu leur spécialisation, les mieux placés pour bien exercer le rôle du travailleurs social

Pour un travail social transparent et efficace

Ce qu'on demande, aujourd'hui, c'est que les travailleurs sociaux soient autonomes dans la mise en application de tous les programmes sociaux sans aucune intervention de l'autorité locale ou de n'importe quel parti politique. Si, avant, on avait le RCD, prochainement peut-être il y aurait un autre parti. Alors, soyons attentifs, quel que soit le parti au pouvoir, les travailleurs sociaux doivent préserver leur autonomie et leur neutralité pour être uniquement au service des populations vulnérables. En franchissant ce pas ils seront en mesure d'être à l'abri de toute manipulation et peuvent faire valoir la culture professionnelle qui fonde leur spécificité et leur technicité.
Par ailleurs, nous pensons que si l'intervention de protection doit demeurer présente il n'est pas normal qu'elle se fasse au détriment de l'intervention axée sur le développement. Nous pensons également que si les travailleurs sociaux doivent demeurer un corps particulier ayant son propre statut concrétisant sa spécificité, il est recommandé d'élargir ses champs d'intervention et lui faire subir une cure de rajeunissement lui donnant la place qu'il mérite dans le processus de développement socioéconomique de notre société. Alors, à titre d'exemple, pourquoi les grandes écoles primaires, les collèges et les lycées n'auront-ils pas leurs propres travailleurs sociaux ? On se demande dans l'état actuel des choses comment un travailleur social peut effectuer des interventions efficaces s'il est appelé à intervenir auprès de plusieurs écoles et lycées ? On se demande également où sont les travailleurs sociaux œuvrant dans les hôpitaux ? pourquoi les a-t-on convertis en un simple agent d'accueil ?Bien sûr ces questions et bien d'autres méritent d'être posées s'il y a réellement une volonté pour revaloriser le travail social en Tunisie et le considérer comme un moyen en mesure de contribuer avec les autres disciplines et professions au développement socioéconomique du pays.


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