Le peuple tunisien a fait sa révolution contre la dictature et pour la dignité. Pour assurer la réussite de cette révolution, elle doit être globale, c'est-à-dire impliquer toutes les sensibilités et les structures du pays. L'administration tunisienne était durant 23 ans, et même plus, sous la mainmise du régime. Elle était politisée à fond et au service d'un régime, plutôt que d'être au service du citoyen. Une situation qui a crée un sentiment de méfiance et de rupture entre l'administration et les citoyens. Pour regagner la confiance perdue, l'administration tunisienne doit faire sa propre révolution, pour se déchaîner, accomplir sa vraie mission, et être réellement une administration citoyenne.
Une administration au service d'un régime : On peut affirmer que depuis 23 ans, l'administration tunisienne n'était qu'un simple outil d'exécution des diktats, du régime du président déchu. Une administration soumise, orientée, et dirigée, pour faire passer les décisions du président de la république et les imposer aux citoyens, qui doit les accepter sans négociation aucune. L'administration tunisienne était aussi démunie de tout esprit d'initiative et de création, puisqu'elle doit toujours attendre les instructions venant d'en haut. Même ceux qui osent prendre des initiatives individuelles dans certains secteurs ou départements, sont tout de suite pénalisés, pour outrage à la présidence. Au palais de Carthage existait, une administration parallèle, qui contrôle et remplace l'administration sur le terrain. L'administration tunisienne était aussi « hantée » par le parti politique en dissolution « RCD ». Un corps qui est venu se coller à l'administration, sucer certaines de ces ressources financières et humaines, et usurper les cadres. L'implication des cadres et fonctionnaires de l'administration tunisienne dans les activités du parti était chose courante. L'administration et le RCD étaient deux frères siamois inséparables, que par une opération chirurgicale. Chose faite par le premier gouvernement Ghannouchi, qui a décrété la séparation pure et parfaite entre le parti et l'Etat, et la restitution des biens à l'administration. Cette séparation s'est confirmée par la récente dissolution du RCD. Sur un autre volet, l'administration tunisienne manquait de moyens d'action et de travail, vu qu'on imposait des mesures d'austérité draconiennes, parfois inexpliquées (manque d'outils informatiques, manque de formation, manque de logistique,…), alors que des dizaines de millions de dinars s'évaporent lors des festivités du 7 Novembre, ou au profit d'associations caritatives « écrans » détenues par le clan Ben Ali. L'administration tunisienne était parfois obligée d'acheter des billets d'entrée pour la fête de Mariah Carey ou de Star Academy et d'autres manifestations. Une situation aberrante, qui dénote des abus qui existaient au temps de Ben Ali.
Une administration accablée L'administration tunisienne était accablée par des règles, des normes et des pratiques défectueuses, et qui continuent malheureusement jusqu'à aujourd'hui. C'est surtout la gestion des ressources humaines qui est à reconsidérer dans l'administration. En effet, les promotions s'effectuaient selon l'allégeance au parti, et la qualité des services rendus au régime politique. Plusieurs ont été mis au frigo à cause de leurs refus de servir le régime, ou ont été bloqués dans leur carrière. Les règles régissant l'administration tunisienne ont imposé l'opacité et la complexité des procédures, ce qui a limité l'efficacité de son intervention. Plusieurs hauts cadres de l'administration ont bénéficié, à tort ou à raison, d'avantages inexpliqués, parce qu'ils étaient bien épaulés. Durant les 10 dernières années, la pratique de la prolongation après la retraite est devenue monnaie courante, alors que des diplômés crèvent au chômage. Pour ceux à qui on veut juste rendre un petit service, on leur fait signer des contrats, pour travailler le 1/5 du temps pour le 1/5 du salaire, tout en gardant les autres avantages (voitures, bons d'essence,…). Cette situation a poussé plusieurs cadres de l'administration à quitter la fonction publique pour le secteur privé ou pour l'établissement pour son propre compte. Un appauvrissement de l'administration de ces principales compétences. Il faut avouer que le tableau n'était pas tout a fait noir, mais le système contenait plusieurs défaillances. L'administration tunisienne aurait pu mieux faire durant la précédente période, surtout qu'elle regorge de compétences,
L'administration, vecteur de croissance économique : De tout les départements et les secteurs d'activité, c'est seulement l'administration publique, qui est arrivée à garder son sang froid durant les évènements qu'a connu la Tunisie. La continuité du service public était assurée par les fonctionnaires, qui n'ont pas fait entendre leur voix malgré le besoin. C'est vrai que le rythme du travail était très lent, et que la motivation n'était pas présente, mais on préservait l'existence de l'Etat. Et ce n'est pas pour rien que l'ex premier Ministre Mohamed Ghannouchi, a tenu à saluer l'administration, lors de son discours de démission. L'administration tunisienne doit faire sa révolution, surtout que le nouveau climat lui permet de remplir pleinement sa fonction. Une administration libérée du poids du parti, et des décisions verticales. La révolution doit être dans le sens d'une administration citoyenne, créative, active, fluide, transparente, et déconnectée des clivages et combats politiques. Pour ne prendre que le cas de l'Italie, qui a connu une grande période d'instabilité gouvernementale, et pourtant l'administration a assuré son fonctionnement normal. L'impartialité de l'administration tunisienne est un acquis de l'après révolution qu'il faut préserver et confirmer dans la pratique. L'administration tunisienne doit aussi faire sa révolution numérique, en accélérant certains projets d'administration électronique dormants dans les tiroirs, et d'être plus connecté pour des services plus rapides et plus transparents. Alors que le pays traverse une période économique difficile, l'administration tunisienne doit être le principal dynamo de la croissance économique, en facilitant les procédures à l'investissement, préservant l'Etat de droit, et en assurant la continuité du service public au profit des citoyens. Au niveau des marchés publics, source de tous les dérapages financiers, l'administration doit intégrer plus de transparence dans l'attribution des marchés publics, dénoncer toute tentative de détournement, et respect le principe de la concurrence parfaite entre les soumissionnaires. Il est important aussi de fluidifier le traitement des appels d'offres et dont plusieurs opérateurs ont longtemps dénoncé la lenteur des procédures. La révolution de l'administration tunisienne passe aussi par « un nettoyage » de ceux qui l'ont utilisé pour leur propres comptes, ou qui ont profité de leur positions pour s'enrichir ou faire enrichir d'autres personnes. C'est une administration responsable et « clean » qui doit mener la prochaine étape dans laquelle va s'engager la Tunisie. L'administration tunisienne est plus que jamais sollicité pour garantir de la réussite de la révolution tunisienne, et mener le pays vers la stabilité politique, sociale et économique.