Les Allemands de l'Est ont souffert, durant plus de vingt-huit ans, des oppressions des autorités de la République Démocratique Allemande. Le mur de Berlin, qui a vu le jour la nuit du 12 au 13 août 1961, en est le fameux et l'historique symbole. Un «mur de la honte» démoli le 9 novembre 1989. Notre invité est l'écrivain le Dr. Phil. Wolfgang Mayer de l'ex-Allemagne de l'Est. Il était témoin des oppressions des autorités. Voici notre interview:
Pourriez-vous nous parler des répressions qu'ont subies les Allemands de l'Est pour quitter la République Démocratique Allemande?
La Constitution originale de la République Démocratique Allemande (RDA) du 7 octobre 1949 avait déjà établi le droit de la liberté de mouvement. L'article 10 disait: "chaque citoyen a le droit d'émigrer. Ce droit peut être seulement limité par les lois de la République." Les Constitutions de 1968 et 1974 (l'article 32) ont limité ce droit: "chaque citoyen de la République Démocratique Allemande a, dans le cadre des lois, le droit de voyager librement dans le territoire de la République Démocratique Allemande..."
En 1973, la RDA est devenue un Etat membre de l'ONU et les citoyens de la RDA ont pu, ainsi, se référer à la Déclaration Générale de l'ONU des Droits de l'homme pour pouvoir quitter légalement leur pays. Les Etats participants à la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) de 1975 à Helsinki ont entrepris le traitement des demandes pour une réunion familiale "dès que possible" et à " simplifier progressivement et traiter les procédures de sortie et d'entrée au pays de façon flexible". Les demandeurs ne respectaient que rarement les critères de cette législation que les autorités de la RDA ont délibérément appliqués de façon restrictive. Beaucoup plus de 400.000 citoyens de la RDA ont demandé des visas de sortie pour émigrer en République Fédérale Allemande, mais seulement un petit nombre de ces visas a été accordé à l'automne 1989.
En 1974, les gens qui voulaient émigrer ont manifesté et revendiqué le droit de quitter la RDA, comme l'autorise la Déclaration Générale de l'ONU des Droits de l'Homme. Les autorités de la RDA considéraient que l'intention absolue de quitter le pays était non seulement "un acte d'ingratitude" mais, surtout, "une perte économique". En 1987, MIELKE a noté que "les demandeurs de visa de sorties, mais également les gens qui ont illégalement quitté la RDA… comportent une proportion énorme de diplômés universitaires, de polytechniciens et de spécialistes fortement qualifiés" d'industries importantes (10,2% de diplômés universitaires, de polytechniciens et 48,1% d'ouvriers qualifiés).
Dans les années 1970, la simple tentative d'obtenir la permission de traverser la frontière, à part la persécution politique, pouvait mener à l'emprisonnement. Même les citoyens de la RDA qui se réfèrent à la "Disposition sur l'Implantation de la Réunion Familiale et le Mariage entre des citoyens de la RDA et des Nationalités Etrangères" ont dû se préparer aux pires représailles.
Les Allemands de l'Est ont traversé une période de transition pendant laquelle la République Démocratique Allemande s'est intégrée dans la République Fédérale Allemande. Pourriez-vous nous dire quels ont été les problèmes issus de cette transition?
Les problèmes issus de cette transition peuvent se résumer en ces éléments: -Pratiquement tous les instruments du modèle occidental (capitaliste) ont été transférés sur le système de l'Est. Ainsi de nombreuses personnes à l'Est avaient l'impression d'être sous tutelle et considérées comme des êtres inférieurs («citoyens de deuxième classe»). -Les élites des fonctionnaires étaient seulement partiellement échangées. Les anciens fonctionnaires causent encore à ce jour un préjudice éminent à la société; en particulier dans le système de l'enseignement (par exemple: les professeurs louent l'ancien système centraliste et critiquent la démocratie et l'économie sociale de marché libre.) -Beaucoup d'argent, dont l'économie avait un besoin argent, a été détourné à l'étranger par le parti communiste (SED – Parti socialiste unique d'Allemagne) immédiatement avant et après l'effondrement de la dictature. -Des fonctionnaires de la SED et collaborateurs titulaires de la sécurité d'Etat de la DDR pouvaient démarrer une nouvelle vie avec la fortune du parti et pouvaient se forger une nouvelle existence. -Les expériences des réfugiés et de ceux qui ont émigré à l'Ouest n'ont pas été exploitées. Pourtant, cela aurait été primordial, puisque c'est justement eux qui pouvaient faire la comparaison entre les avantages et inconvénients des deux systèmes. -Les victimes du système communiste, anciens prisonniers politiques (également les réfugiés qui restaient sans orientation à l'ouest) n'ont pas, ou trop peu, été dédommagées. La plupart d'entre eux sont matériellement moins bien lotis que leurs tortionnaires et se trouvent à l'écart de la société. -De nombreux espions et indicateurs - des "collaborateurs officieux" de la sécurité d'Etat de la DDR (IM's) – sont passés inaperçus, ce qui leur a permis d'occuper de hautes positions après le changement du système.
Quelles recommandations proposez-vous? Ce qui est important pour l'Afrique du Nord, entre autres pour la Tunisie, c'est que: - Les réfugiés sont des personnalités fortes de volonté. - Il ne faut pas les ignorer! - L'Etat doit enquêter sur les causes de leur fuite. - L'Etat doit rester connecté avec ses réfugiés. - Les réfugiés partout dans le monde, peuvent aider à construire la démocratie. - L'Allemagne a commis beaucoup d'erreurs avec ses réfugiés par sa police politique. D'autres Etats ne devraient pas les suivre. Vu l'immigration clandestine des Tunisiens vers Lampedusa, Dr. phil. Wolfgang Mayer a ajouté que l'Allemagne, aussi, a vu la fuite de beaucoup d'Allemands de l'Est à l'Ouest via la mer (la mer Baltique). Beaucoup d'entre eux ont été capturés, tués ou noyés, a-t-il dit.