Bachar Al-Assad envoie ses forces de sécurité intérieure pour «mater» la rébellion puis monte d'un cran en donnant à son armée l'ordre de tirer sur tout ce qui bouge. Et une pluie d'obus de tomber sur la tête de civils innocents, qu'ils soient des manifestants brandissant leur colère ou qu'ils se terrent, épouvantés, tapis dans les recoins de leurs maisons. D'un cran, ai-je écrit. En fait, c'est dès les premiers instants de cette intifadha que le maître de Damas a montré ses crocs. On le sentait déterminé à aller jusqu'au bout du crime. Il avait tiré la leçon de ce qui s'est passé en Tunisie: ou c'est le sort d'un Ben Ali et d'un Moubarak qui l'attend ou c'est l'enlisement du conflit comme cela se passe actuellement en Libye et au Yémen. Un enlisement dont aucun stratège ne saurait dire où cela finirait. Dans les deux cas, il en sortirait perdant. Autant, alors, se dit-il trancher dans le vif du sujet et le plus tôt serait le mieux. Il dispose d'ailleurs de l'exemple qu'avait donné, jadis, son père Hafedh Al-Assad qui, dans un accès de cruauté infinie, avait atomisé la ville de Hama et envoyé ad patres des dizaines de milliers de personnes. Deraâ dans laquelle le fils est en train de charcuter ses habitants, sous le fallacieux prétexte qu'ils avaient allumé la mèche, serait-elle la nouvelle ville martyre d'une Syrie combattante. Je sais: Bachar dispose d'un argument-massue pour justifier sa macabre politique. Argument que partagent avec lui nombre d'intellectuels arabes dans toute la nation arabe et même chez nous en Tunisie. On ne peut par l'abattre parce que cela ouvrirait la boite de Pandore. La Syrie serait, sans lui, livrée au vorace appétit de l'Etat hébreu qui sauterait, illico presto, sur l'occasion, assuré de la complicité du monde occidental et surtout d'un Obama, frileux comme pas un et manifestement occupé à bétonner sa candidature pour la prochaine élection présidentielle. Il ne sait pas, que, dans cette optique, les carottes sont déjà cuites pour lui. Il a fallu qu'une grosse pointure du parti républicain, Mac Cain, atterrisse à Benghazi pour que la situation évolue en faveur des insurgés libyens. Je sais qu'il compte sur le soutien d'un pays puissant dans la région, l'Iran. Je sais également que la Turquie fera tout son possible pour le dissuader de jeter l'éponge, ayant déjà pâti de la guerre d'Irak. Mais Al-Assad oubliera un fait intangible, un fait qu'il aurait tort de ne pas prendre en considération. L'insurrection du peuple syrien s'explique par un ras-le-bol général nourri par la constante violation de toutes les libertés publiques et individuelles, l'atteinte aux droits de l'Homme, l'absence de la démocratie, le règne éhonté de l'arbitraire, le népotisme, la corruption et la malversation, tout cela au profit, comme en Tunisie, d'une famille et de la clientèle qui gravite autour d'elle. Al-Assad aura beau massacrer, cette révolution de la liberté et de la dignité vaincra inéluctablement. Il aura beau invoquer l'infiltration d'éléments étrangers dans le corps de la nation, personne ne le prendra aujourd'hui au sérieux.