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Interview de Béji Caïd Essebsi : “Ben Ali est trop corrompu pour s'intéresser à autre chose qu'à sa fortune.”
Publié dans Tunisie Numérique le 24 - 03 - 2011

Interrogé par Guy Sitbon, le premier ministre tunisien récemment nommé, Béji Caïd Essebsi, analyse la situation dans la région avec une grande sérénité, malgré ce constat incroyable : 160 000 immigrés libyens en Tunisie, ça représente l'équivalent d'un million d'immigrants en France.
Le bouillonnement arabe a fait émerger beaucoup de visages mais peu de figures emblématiques. L'histoire retiendra le nom du jeune diplômé, Mohammed Bouazizi, qui en se donnant la mort a donné vie aux révolutions et celui de Béji Caïd Essebsi, premier ministre de la Tunisie depuis trois semaines. Il s'est mis en tête de façonner de toutes pièces une démocratie dans un pays arabe et musulman. Du jamais vu de mémoire d'éternité. A peine établi au pouvoir, une guerre d'envergure éclate à ses frontières. Si el Béji, comme on l'appelle respectueusement, est un ami de vieille date, il ne me raconte pas d'histoires.
Vous commencez mal votre mandat, Si el Béji, une guerre civile à vos frontières.
Béji Caïd Essebsi (BCE) : Il faut voir les choses dans la durée, et non pas au jour le jour. L'important est d'éviter une partition de la Libye en deux pays ou plus.
Etes-vous pour ou contre l'intervention militaire des puissances occidentales ?
BCE : Nous soutenons la légalité internationale. La Ligue Arabe en a fait autant.
Oui mais la Ligue Arabe a l'air de se rétracter.
BCE : L'actuel secrétaire de la Ligue Arabe est candidat aux prochaines élections présidentielles en Egypte, il ne faut pas l'oublier. Si le monde était bien fait, ces opérations en Libye auraient dû être conduites par la Ligue Arabe. Regardez, aucun Etat arabe n'a bougé.
Vous non plus, la Tunisie non plus.
BCE : Attention, pour nous la Libye ce n'est pas l'étranger, c'est une affaire intérieure. Les mêmes familles vivent des deux côtés de la frontière. Presque chaque ville de Tunisie possède son quartier tripolitain. Nous avons reçu plus de 160.000 réfugiés en quelques semaines. Nous n'avons pas crié à l'invasion. Nous leur avons porté secours dans la limite de nos moyens. Les habitants des régions frontalières les ont reçus chez eux. On ne nous a pas signalé de mécontentement local.
Vous, en France, quand dans un moment de crise, 5.000 Tunisiens débarquent à Lampedusa, très, très loin de votre territoire, vous y voyez un cataclysme. Marine le Pen court à Lampedusa. Il vaut mieux rester calme. Ce sont des drames humains accidentels qui ne tirent pas à conséquence irrémédiable. On fait avec. Vous réalisez : 160.000 immigrés survenant soudainement chez nous, toute proportion gardée, c'est l'équivalent d'un million d'immigrés en France en quelques jours. Je n'ose même pas imaginer la panique. Je ne donne de leçon à personne mais je crois que la démocratie consiste justement à régler sans heurt les problèmes qui surgissent naturellement dans une société. A propos de cette vague d'immigration, j'ai entendu des voix nous féliciter, « Vous êtes des héros », m'a-t-on dit. J'ai répondu, merci mais les héros sont fatigués, tout cela coûte cher et nous sommes un petit pays en difficulté économique. Aidez nous un peu en attendant que la Libye entre dans une ère de stabilité.
Comment voyez-vous les choses évoluer en Libye ? Pourquoi n'intervenez-vous pas ?
BCE : Je suis un disciple de Bourguiba. Il disait souvent : « il ne faut pas insulter l'avenir ». Ce que je retiens de la crise libyenne et ce qui m'accable, ce sont les massacres. Un gouvernement, une armée tire sur son peuple comme on ne le ferait pas contre un peuple ennemi. Nul n'a plus le droit de tuer son peuple. Cela doit cesser. Il faut une solution claire et nette. Un Etat, un gouvernement, l'ordre public.
En démocratie ?
BCE : L'histoire obéit à des cycles. Le temps des colonisations, les vagues de décolonisation, la phase des dictatures. Cette page des dictatures est tournée. En Tunisie comme partout ailleurs, nous sommes heureusement entrés dans l'ère de la liberté, l'ère de la démocratie. Nous avons donné le départ, d'autres ont suivi. D'autres encore sont pour l'instant sur le bord de la route. Tous seront touchés, d'une manière ou d'une autre. Une époque historique est révolue. Ceux qui ne le voient pas le paieront très cher.
Mais ni vous, ni moi, ni qui que ce soit d'autre n'avait prévu ce bouleversement.
BCE : Je ne l'avais pas prévu parce que je connais l'histoire. Or, il n'existe aucun précédent à ce phénomène. Ni les révolutions de 1848 en Europe, ni la chute du communisme. Je ne l'avais pas prévu mais j'étais depuis longtemps persuadé que la marmite bouillait et que le couvercle sauterait. Comment ? Quand ? Seuls les événements pouvaient le dire. Ils l'ont dit.
La fuite de Ben Ali vous a-t-elle surpris ?
BCE : Oh, non ! Je connaissais un peu le bonhomme. Inculte et lâche. Trop corrompu pour s'intéresser à autre chose qu'à sa fortune. Les hommes d'argent n'ont souvent pas d'autre cause que l'argent.
Avec toutes ces secousses, l'ordre public en Tunisie fait parfois défaut, non ? Vous contrôlez insuffisamment votre police, non ?
BCE : Vous savez, la sécurité je sais un peu de quoi il en retourne. Longtemps ministre de l'Intérieur, j'y ai passé dix ans de ma carrière. L'autorité en régime de liberté n'est plus ce qu'elle était en dictature. Tout ce que tu dis est vrai mais tout entre dans l'ordre lentement. N'est ce pas Valéry qui disait « L'ordre pèse toujours sur l'individu, le désordre lui fait désirer la police ou la mort » ? Les Tunisiens me font confiance. Dès que j'ai pris mes fonctions, les manifestants ont évacué paisiblement la place du gouvernement. Les actes de délinquance se font plus rares, vous l'avez vous-même observé. Mais la confiance est chose fragile. On la perd aussi vite qu'on l'a gagné. Nous donnons aujourd'hui la priorité aux zones sud-est, la Dorsale d'où est partie la révolution et qui ont été amplement délaissées jusque là. N'est-il pas dit « les derniers seront les premiers » ? Nous préparons les premières élections libres. L'assemblée constituante désignera un président et un nouveau gouvernement s'en suivra.
Vous ne craignez pas que les élections révèlent un pays plus proche de l'islamisme qu'on ne le croit ? Que la démocratie ne ressemble pas aux démocrates ?
BCE : On n'autorisera pas ceux qui veulent se prévaloir de la liberté pour écraser la liberté. Je dois recevoir quelqu'un, j'ai été content de te voir, revenez me voir quand vous voulez.


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