La Tunisie est à la croisée des chemins, au seuil d'un abîme sans nom. Deux mois après l'assassinat de feu Mohamed Brahmi, rien n'est mis sur les rails pour anticiper sur le désordre et dégager le pays des ornières de la crise politique. Le quartet, parrain d'un projet d'alternative de règlement, se voulant fondateur et fédérateur, multiplie les constats d'échec et les appels au consensus. Le processus patauge, bute sur des écueils beaucoup plus partisans que politiques. Les manœuvres dilatoires, les retournements de situation et les coups bas sont légions. Entre flou artistique et bouillon de culture, les comparses de tout bord continuent de squatter le théâtre de la république, de se donner en fruste spectacle et d'éructer leur farce constitutionnelle dans une salle vide que les tunisiens ont quittée depuis belle lurette, écœurés jusqu'aux orteils de la prestation, de la scène et de la réalisation. La fumeuse comédie a trop duré ! Et pourtant toute la classe politique est consciente que l'initiative proposée à bout de bras par le quartet est l'unique voie de solution, l'unique feuille de route et l'unique plateforme de compromis. Hormis les détracteurs irréductibles, tout le monde sait qu'à défaut d'un accord, explicite, inconditionnel et irréversible, sur le projet d'alternative en question, la descente aux enfers en serait le premier et le non moins terrible résultat. Un gamin aurait compris que le jour où le quartet annonçait qu'il retirait sa proposition et envoyait les partenaires dos à dos serait un jour noir, voué aux pires scénarii. De toute évidence, ce moment funeste n'est pas loin, le chaos tant redouté arrive à grandes enjambées. La Troïka, en déficit de légitimité, de bilan et de vision, moribonde et éclatée, s'accroche, vaille que vaille, au mépris de l'intérêt national, au pouvoir. Le quartet a revu et amendé son texte à diverses reprises sans que la Troïka ou plutôt Ennahdha ne se dépêtre de ses vieux démons et ne consente le pas salvateur en mesure de débloquer complètement la situation. Une sorte de bras de fer, nourri à l'entêtement et à l'enjeu partisan, un poker menteur où les coups de bluff et les tricheries vicient la donne. Ennahdha, barricadé derrière un discours de circonstances, modifiable et modulable à souhait selon l'évolution de la situation, n'a pas trouvé mieux que d'accuser le quartet de partialité et de contester ce qu'il a appelé « les conditions imposées », menaçant même d'employer des moyens de riposte. D'aucuns estiment qu'Ennahdha, faute d'arguments à faire valoir dans le processus de négociation, a choisi la confrontation pour tenter de faire le lit de son propre plan. En réaction, l'UGTT a répliqué que toutes les options de mouvement social de pression restent envisageables. Tout compte fait, la rupture politique n'est plus une hypothèse. Que veut Ennahdha Exactement ? Une solution taillée sur mesure ou le compromis des braves ? Pourtant la dernière mouture livrée par le quartet semble, du moins dans l'esprit, accommoder toutes les parties prenantes au conflit. Droit dans ses bottes, Ennahdha campe farouchement sur sa position, multiplie les effets d'annonces, sur fond de lignes rouges dont il émaille sourdement son angle de tir. Dans ce contexte de fronde et de confusion, Ennahdha joue fin pour gagner sur tous les tableaux au niveau aussi bien l'ANC que le gouvernement. Les stratèges de Montplaisir ajoute leur arrogance à leur myopie, sans comprendre que si le quartet arrête définitivement les frais et les tractations, la Tunisie sera livrée encore plus aux mouvements sociaux et aux dérives pré-insurrectionnelles, auquel cas le gouvernement et le parti dominant au pouvoir en seront encore plus lynchés et en paieront l'ardoise. La courte vue, la fuite en avant et la tactique de manœuvre d'Ennahdha, la navigation à vue, l'échec et l'incompétence du gouvernement, tout autant de chapes qui plombent les ailes du pays et enfoncent l'Etat dans les méandres de la faillite. La Rue serait-elle l'ultime arène pour qu'une solution de sortie de crise soit vraiment acceptée ?! Tout semble prêt à transférer, avec plus de force et d'action, le bras de fer à l'espace public. La Tunisie retient son souffle. La misère politique, économique, sociale et morale en sera aggravée.