C'est avec une voix émue et un cœur gros que Taher Belkhodja, notre expert en matière de sécurité a répondu aux questions de TunisieNumerique concernant la situation qui prévaut à la lumière des derniers évènements. Il était alarmé, pas tant par la situation en elle-même, puisqu'elle était prévisible, mais plutôt par la manière de la gérer qui laisse selon lui à désirer. Nous avions prévenu de ce qui est en train de se passer ! Taher Belkhodja a, au départ, déploré que la situation devienne ce qu'elle est devenue, car il a été parmi les premiers à prévenir de cette évolution en cas de persistance d'un certain laisser aller de la part de l'Etat. D'ailleurs, Taher Belkhodja n'a jamais été le seul à prédire ce pourrissement de la situation sécuritaire, puisque les renseignements fusaient de partout en rapport avec les risques grandissants et les préparatifs des groupes terroristes, et même leurs desseins derrière les manœuvres de déstabilisation qu'ils ont programmé. Mais tous ces avertissements semblent être tombés dans l'oreille d'un sourd, et aucune attention particulière ne leur a été prêtée. En prenant le seul exemple de Goubellat, notre interlocuteur a rappelé comment les choses ont évolué en l'espace de quelques mois de simples manifestations à caractère humanitaire en des manifestations assez musclées ayant, par exemple, obligé les autorités à annuler des manifestations culturelles, puis en manifestation carrément hostiles ayant entrainé la fermeture du poste de la garde nationale et la revendication de changer le chef du poste. Toute cette escalade n'a, parait-il pas motivé de réaction ferme de la part des autorités. Le combat contre le terrorisme est un combat de longue haleine ! Taher Belkhodja continue sur sa lancée en affirmant que ceux qui pensent que la guerre que va mener le pays contre ces groupes de terroristes sera brève et sans casse, se trompent royalement. Il affirme que ce genre de combat est un combat de tous les jours, de tous les instants et surtout, un combat de longue haleine qui va s'inscrire dans la durée. Il n'y a qu'à se rappeler ce qu'il a fallu comme temps pour l'Algérie voisine pour venir à bout (presque) de ce fléau. Il leur a fallu pas moins de 20 ans de terreur et des centaines de morts. La guerre contre le terrorisme n'a rien à voir avec une guerre conventionnelle ! Le terrorisme est un adversaire très particulier, affirme Taher Belkhodja. Il est assimilable à un mal qui ronge l'organisme de l'intérieur. Il ne peut aucunement être éradiqué d'une façon classique, comme si on combattait un ennemi classique. Ce n'est pas en bombardant à l'aide d'avions de chasse ni en pilonnant à l'aide de chars d'assaut des zones bien précises qu'on pourra espérer venir à bout de ce fléau. A ennemi particulier, armes particulières ! La guerre contre le terrorisme requière la conjugaison des efforts de tout le monde, aussi bien du simple citoyen que du premier responsable de l'Etat. Pour combattre le terrorisme, il faudrait avoir à disposition toute une chaine d'outils et d'équipes spécialement dédiés à cette guerre. Des outils qui se complètent et qui travaillent de concert. Cette chaine va du système de renseignements, à celui des commandos chargé des opérations, à celui de la police judiciaire qui collecte les informations en allant jusqu'à un appareil judiciaire spécialisé. Cette chaine n'a rien à voir avec la police normale ni avec les groupes d'intervention classiques ni, non plus, avec l'appareil judiciaire usuel. Les moyens de s'en sortir : Pour pouvoir s'en sortir, il faudra créer et développer une chaine spécialisée dans la lutte contre le terrorisme. Cette chaine commence par un système de renseignements spécialisé dans la recherche de l'information en matière de risque terroriste. L'Etat gagnerait à réintégrer les fins limiers des services de renseignement qui ont été écartés et mis à la retraite au lendemain du 14 janvier 2011. Il faudra aussi parfaire la formation des agents qui seront affectés à cette tâche, dans le domaine spécialisé de la lutte antiterroriste. La chaine se poursuit par le développement des équipes et brigades spécialisées dans la lutte antiterroriste, à l'instar de la BAT, qui seront habilitées et formées à conduire avec succès les assauts et les opérations de descente et de ratissage. Car nous remarquons qu'actuellement, les services de renseignement commencent à être productifs, mais que çà rate assez souvent derrière, au moment des interventions, et souvent on arrive avec un temps de retard quand les présumés terroristes ont déjà pris la poudre d'escampette. Ensuite, il est primordial, voire même vital, que le pays se dote d'une unité judiciaire spécialisée dans la lutte antiterroriste, ce qui est communément appelé sous d'autres cieux « juge antiterroriste ». Cette entité devra pouvoir regrouper toutes les affaires touchant de près ou de loin au terrorisme pour pouvoir centraliser l'information et faire le lien entre les différents protagonistes dans le domaine. Tous ces éléments doivent pouvoir bénéficier d'une liberté d'action et d'initiative en indépendance vis-à-vis des services classiques de police et de justice, allant même jusqu'à la liberté de composer avec les services spécialisés étrangers. Il faudra, ensuite, envisager tous les types de scénarios possibles, même les plus pessimistes, du genre de terrorisme citadin avec ce qu'il comporte comme attentats à la voiture piégée et attentats suicides touchant des lieux de grande fréquentation. Il faudra, alors, tisser sa stratégie en fonction de ces scénarios. C'est de cette façon, et de cette façon seulement, que notre pays pourra espérer venir à bout de cette calamité, sachant que ce sera vraiment un combat de longue haleine, a tenu a répéter notre interlocuteur.