L'administration tunisienne, déjà décriée avant la « révolution » de 2011, continue à être le boulet que le pays est obligé de tirer à sa cheville, et l'une des entraves essentielles à une quelconque réforme et à un hypothétique espoir de développement. On se plaignait que l'administration soit handicapée par de trop nombreux recrutements dans ses rangs, et pas toujours des personnes qu'il fallait dans les postes qu'il y avait. On mettait çà sur le compte d'une certaine complaisance de certains services de l'Etat dans le recrutement des personnes « pistonnées », et on se plaignait, en cachette, que certains clans, voire certaines familles, accaparaient les possibilités et les ressources de l'administration en matière de recrutements. On déplorait aussi que les compétences du pays aient été débauchés outre mer, ou alors par le secteur privé, dont les salaires proposés étaient beaucoup plus alléchants, ne laissant à l'administration que les « rebuts » du marché de l'emploi, de sorte que les services de l'Etat se soient retrouvés avec des cadres peu qualifiés et peu compétitifs face au secteur privé et à l'environnement géostratégique du pays. Or, et près de trois ans après une supposée révolution, nous assistons à une détérioration totale du secteur avec une mise à l'écart des quelques compétences qui continuaient, tant bien que mal, à faire tourner le moulin, sous prétexte qu'ils y étaient du temps du régime de Ben Ali. Puis on assista à un nivellement par le bas de la hiérarchie dans un sens de médiocrité. C'est ainsi, qu'après avoir éjecté les hauts cadres de l'administration, et alors que les seconds et autres aides de camps espéraient pouvoir, enfin, pointer en pôle position, on se permit d'injecter des personnes aux compétences « douteuses » et aux CV estropiés, au sommet de la hiérarchie avec pour seuls atouts des casiers judiciaires surchargés. Du coup, l'administration s'en retrouva décapitée, privée de meneurs, et boudée par les exécutants, dépités par tant d'injustice. On assista, alors, à une fuite massive du reliquat de compétences qui ont vite été happés par le secteur privé et par d'autres pays. Et ceux qui ont choisi de rester à leur poste, l'ont fait uniquement parce qu'ils n'ont pas le tempérament fonceur pour entreprendre le « saut dans l'inconnu », ou alors, parce qu'ils étaient en bout de carrière et qu'ils ont choisi de rester au poste, à faire semblant de travailler en comptant les mois et les jours qu'il leur restait à « tirer ». On acheva le tout par les milliers de recrutements parmi les bénéficiaires de l'amnistie générale et tour est joué. Et dire qu'on nous promettait de devenir comme la Suisse ! Si on veut vraiment sauver l'administration tunisienne du marasme dans lequel elle s'est trouvée plongée, on doit savoir qu'il n'y a pas de miracle à attendre. Seule l'action pourrait remédier à cette situation, et une action osée et « tranchante ». Il suffirait, simplement, de regarder autour de nous, au Maroc, par exemple, où la solution a été trouvée et adoptée depuis bon nombre d'années. Au Maroc on opta pour un doublement des salaires de l'administration. Du coup, le secteur devint aussi alléchant et motivant que le privé, et pu en quelques mois récupérer les éminences grises qui s'étaient détournées de lui. Il a même pu débaucher les compétences qui avaient choisi de s'expatrier. D'ailleurs, il n'en coûta pas plus cher au royaume de payer le double des salaires, puisqu'il lui suffisait de bien payer la moitié de ce qu'il avait comme personnel, pour avoir un rendement meilleur. Alors, morale de l'histoire, assez de recrutements partisans et assez de complaisance, c'est le pays tout entier qui part à la dérive. Il faudra regagner la confiance des compétences et savoir les récupérer, quitte à réduire les effectifs et augmenter les salaires, pour voir repartir la machine à toute vapeur. Et ceci est applicable à tous les niveaux de l'administration, à commencer par la plus haute marche. Rien qu'à se rappeler les compétences qui avaient composé le premier gouvernement de Mohamed Ghannouchi puis celui de Béji Caïed Essebsi, on comprendra que le pays grouille de compétences à la renommée mondiale et qui roulent pour les autres, alors même que leur pays est dans un besoin vital de leurs services. Donc, la solution serait un cabinet de compétences de ce gabarit, avec forcément les salaires qui vont avec, et qui vont les convaincre de lâcher leurs affaires à l'étranger et accourir au chevet de leur mère patrie. Et avec des pointures pareilles, il suffirait d'uns quinzaine de ministres pour faire tourner, que dis-je, décoller la machine.