Il est quand même pour le moins étrange que, depuis quelque temps, chaque fois que le porte-parole et chef de cabinet de la présidence, Adnene Mansar, remue les lèvres, il lâche une bombe. Ce n'est plus une bouche qu'il a mais bel et bien une rampe de lancement. Un exercice de haute voltige et de haut voltage dont le bonhomme paraît raffoler et prendre son pied. Ni obligation de réserve ni impératif de neutralité, auxquels sa fonction et son rang sont tenus, ne semblent étouffer sa conscience d'homme d'Etat, qui plus est trop bien placé au temple de la magistrature suprême. Sa dernière sortie de route concernant Feu Mohamed Bouazizi trahit une autre facette d'Adnene Mansar où il n'y a aucune place à la psychologie humaine, à la pédagogie sociale et au recul intellectuel. Une certaine hauteur de l'esprit est nécessaire en pareille situation, malheureusement Adnene Mansar est saisi de vertige dès que le niveau de réflexion et de débat s'avère un tantinet élevé. Intellectuellement, on ne décolle guère avec ce genre de personnage. Manifestement, Adnene Mansar adore se tirer des balles dans le pied. A force de se tromper de cible, il s'est fait péter les chevilles. Quel intérêt aurait-il écumé en pointant son fusil sur Mohamed Bouazizi et en tentant de tirer sur l'âme traditionnellement militante de la région de Sidi Bouzid?! Il n'en a épinglé que des mouches, sans compter que les balles qu'il a crachées lui ont, par ricochet, plombé le coffre. On dirait qu'il s'acharne à s'autodétruire le portrait. Historien comme il se présente, il aurait du comprendre que le bon peuple a une sainte horreur des braconniers des légendes, fausses ou réelles. En France, combien de fois on a voulu faucher Jeanne d'Arc de son piédestal (plutôt son bûcher) sans qu'on parvienne ne serait-ce à égratigner le mythe. La mémoire collective française a veillé au grain et a mis une ligne rouge devant toute velléité de remettre en cause la « Pupille de la Nation ». Adnene Mansar aurait du comprendre que les mythes ont la peau dure et la griffe bien saillante. A renvoyer à ses chères études, anthropologiques notamment, pour lui permettre de réapprendre par cœur ses vieilles leçons et de chasser ses vieux démons. En effet, un simple inventaire des de ses dernières déclarations atteste qu'il tient à régler quelques comptes avec la révolution et ses acteurs et à tordre le cou à certains symboles. Qu'on le veuille ou non, Mohamed Bouazizi que notre historien de dimanche, Adnene Mansar, qualifie de « propagande mensongère » ou encore de « non authentique héros » ou bien même de « faux mythe » (voilà bien une notion aussi absurde que ridicule, comme s'il y a un vrai mythe) reste, vaille que vaille, le symbole de la révolution tunisienne dont personne ne tient à entacher l'image, quand bien même les mots de défiguration et les coups de semonce en vue de discréditer une thèse largement admise aux yeux de la population. L'histoire et la conscience populaire ont déjà désigné leur héros. Que Mohamed Bouazizi fût victime ou coupable d'une cinglante gifle, quoique les causes exactes en nourrissent encore la rumeur et même l'intox, la question n'est plus là. Le pli est fait. Le bon sens commande de ne pas s'attaquer aux mythes notamment quand ils sont fédérateurs et fondateurs d'une forte croyance. La révolution tunisienne aura tout vu, elle a été habillée de différentes tuniques, parfois grotesques : Montée comme un cheval de bataille, réduite au rang de mouvement contestataire, présentée comme un soulèvement populaire, taxée de complot impérialiste étranger, voire même assimilée à une manœuvre qatarie. En tout cas, les définitions importent peu, le plus important est que les tunisiens ont jeté la dictature mauve à la poubelle de l'histoire et ont désormais la volonté de prendre leur destin en main. La page despotique est définitivement tournée, voilà la quintessence de notre contexte national actuel, tout le reste n'est que conjectures ou banderilles ou bagatelles ! Ceci dit, dans sa sagesse toute républicaine, Adnene Mansar, celui-là même qui a compté Feu Ali Belhaouane parmi les martyrs de la nation alors que ce dernier a tout simplement succombé à un accident cardiaque, a remis une nouvelle couche d'insalubrité sur un moment historique déjà chargé d'inepties, à savoir la négation. Outre ses diatribes à l'adresse de Mohamed Bouazizi et de sa mère, qu'il a accusée de faire de l'immolation de son fils un fond de commerce, il a dénié à Sidi Bouzid son rôle pionnier dans la révolution, éructant que « La flamme de la révolution n'a jamais pris à Sidi Bouzid ». Peut-être qu'il n'a pas pardonné aux habitants de la région d'avoir bombardé son mentor, Moncef Marzouki, d'œufs et de légumes lors de sa visite, un fameux et non moins fumeux jour de 14 Janvier2012, pour célébrer le premier anniversaire de la révolution. Encore une fois, quel intérêt aurait-il tiré d'avoir mis toute une région à dos. Encore une rafale en plein tibia. A se demander comment il continue de marcher le canonnier en chef de Carthage. La famille de Mohamed Bouazizi, appuyée par nombreux représentants de la classe politique et de la société civile, a indiqué, haut et fort, qu'elle compte trainer Adnene Mansar devant la justice pour diffamations et imputations fallacieuses et insidieuses, lui ayant demandé d'abord de présenter ses excuses pour les propos insultants qu'il a proférés avant que la justice ne statut sur son cas. La région de Sidi Bouzid en particulier sinon toute la Tunisie est en effervescence. Une grande colère bruit de tout son tumulte. Le climat est trop assourdissant et risquerait le dérapage si le sulfureux Adnene Mansar ne faisait pas à la fois volteface et mea-culpa. D'ailleurs, l'Union régionale du travail de Sidi Bouzid est montée sur ses grands chevaux et a fustigé le porte-voix de Carthage, dans un communiqué au vitriol, estimant ses propos « irresponsables contre le martyr Bouazizi et la région« . Adnene Mansar en a eu vraiment pour son grade. Les fétides propos qu'il a rotés confirment que parfois les mots ont mauvaise haleine. En tout état de cause, Mohamed Bouazizi s'était sacrifié par immolation, quelle qu'en soit la cause, et au-delà de l'impact réel de son geste mortel, alors que, pendant ce temps, Adnene Mansar était tapi dans le silence, les fesses bien calées dans son salon. Moralité de l'histoire : Le défunt est sous pierre tombale alors que le dauphin de la présidence a glané la timbale. Il doit comprendre maintenant que les symboles ne sont pas attaquables quand bien même ils sont montés de toutes pièces. A opposer son cursus politique à sa fonction actuelle, outre les interrogations sur son utilité et sa pertinence, il n'est pas interdit de dire qu' Adnene Mansar n'est qu'un dommage collatéral de la révolution tunisienne. On dit que la révolution dévore ses enfants, voilà que le chef du cabinet présidentiel lui en fait bouffer un autre, une seconde fois et non des moindres.