Le premier ministre Recep Tayyip Erdogan apparaît comme le grand favori de l'élection présidentielle dont le premier tour se déroule dimanche. Les observateurs prédisent une large victoire au premier tour pour l'actuel premier ministre qui veut s'inscrire sur les pas d'Atatürk, fondateur de la République, pour conserver sa mainmise sur le pouvoir. Qu'importe s'il franchit un nouveau seuil vers l'autocratie, Erdogan veut se maintenir au pouvoir et à défaut de pouvoir s'affilier par la grande porte- la constitution l'empêchant de briguer un troisième mandat à la tête du gouvernement, il tente d'ouvrir une brèche. En remportant une élection présidentielle qui se joue pour la première fois au suffrage universel, Erdogan espère conforter sa légitimité et l'asseoir au profit de son ambition suprême. Et même si le régime parlementaire concentre, par essence, les pouvoirs aux mains du premier ministre, Erdogan ne se résoudra pas au rôle honorifique que lui réserve la constitution. « Je veux être un président actif » a-t-il prévenu et pour s'y faire il compte, in fine, poser les bases d'un régime présidentiel. Erdogan a échoué à modifier la constitution, Toutefois, il en dessine les contours dans les esprits. En réduisant l'opposition à un rôle de figuration, en amenuisant l'armée, en verrouillant les médias pouvant pourtant faire office de contre-pouvoir, en ébranlant le principe de la séparation de pouvoirs, il met à mal tout ce qui peut compromettre sa quête. Un pouvoir à vie au dessein de l'islamisation de la société turque. Symbolique mais lourde de sens, l'entrée des femmes voilées au parlement turc après plus de 14 ans en dit long. Devant ce boulevard, peu de forces semblent disposées à équilibrer la donne où à contrecarrer la fin ultime du probable futur président. Les accusations de corruption pesant lourdement sur ses proches ont été tues à coup de grandes purges dans les secteurs de la magistrature et de la police, les manifestants la place Taksim ont été chassés et la mobilisation s'est essoufflée. Seules la Cour constitutionnelle ou la Banque centrale, garantes de la stabilité turque, peuvent dissuader ce sombre stratagème et servir de rempart à ce qui s'apparente déjà à une dictature.