La Tunisie est, vraiment, devenue un ramassis de non-sens, à tous les niveaux. Elle est devenue le pays où tout le monde fait n'importe quoi, et où personne ne fait réellement son boulot. C'est peut-être, dirions-nous, ce qu'ont compris quelques esprits du sens du mot de la soi-disant révolution, dans la mesure où ce mot signifie pour certains, un chambardement total des valeurs et des règles. Ainsi, depuis un certain hiver 2011, plus personne ne comprend plus rien à rien. Dans la rue, ce sont les gosses de quartiers qui font la loi. Dans les postes de police, ce sont les hommes en tenue qui se font tabasser, ou même abattre par des hors-la-loi. Dans les administrations, ce sont les ouvriers qui nomment et qui limogent les responsables. Dans les villes, ce sont les repris de justice récemment libérés qui jouent aux gendarmes. Dans les montagnes, ce sont les assassins qui traquent les soldats et s'amusent à les canarder. Dans les hôpitaux, ce sont les politiciens qui accourent au chevet des malades, tandis que nos éminents toubibs, eux, ont mieux à faire, puisqu'ils se sont mis dans la tête de gouverner le pays. D'ailleurs, ils le font si mal, qu'on est en droit de se demander par quel miracle ils ne nous avaient pas tous exterminés du temps qu'ils exerçaient en blouse blanche. Et plus çà va, plus le temps passe, plus çà empire. Au lieu de voir, progressivement, les choses revenir à la normale, c'est plutôt à une surenchère de bêtises et d'aberrations qu'on assiste. Et la dernière mode, en date, c'est bien celle des hommes d'affaires qui se jettent corps et âme dans la politique. Ce qui représente une aberration à plusieurs sens. D'abord, ces hommes d'affaires, naïfs qu'ils sont dans le domaine de la politique, n'ont pas compris que s'ils étaient à ce point courtisés par certains politiciens véreux, ce n'est point pour leurs compétences ni pour leur savoir faire, mais plutôt, pour leur fric. Car la nouvelle classe politique en Tunisie ne jure que par un seul Dieu, celui de la monnaie sonnante et trébuchante. Ensuite, ces hommes d'affaires bien nantis, ne se rendent pas compte qu'ils peuvent se payer ce qu'ils veulent avec leurs richesses, mais pas des sièges de pouvoir, qui font déjà l'objet de guerres impitoyables entre les multiples prétendants. Ces hommes d'affaires ne veulent pas comprendre qu'ils seront bel et bien jetés à bras le corps une fois vidés de leur « essence ». Mais aussi, et surtout, et quelles que soient les motivations des uns et les aspirations des autres, est ce que le pays a réellement besoin de ses hommes d'affaires aux postes de commandement politique ? Un homme d'affaires pense d'abord, et souvent exclusivement, à son propre intérêt, ou alors, s'il n'est pas du tout egocentrique, à celui de sa famille. Un homme d'affaires n'est certainement pas doué de la souplesse et de la flexibilité dont doivent impérativement jouir les hommes politiques dans la gestion des affaires de l'Etat, et notamment, en matière de conflits sociaux. Un homme d'affaires cherche par tous les moyens à faire réussir son entreprise même au prix de ruiner et de couler tous les autres concurrents, comment pourrait-il, alors gérer un Etat dans sa complexité ? Par ailleurs, un homme d'affaires au gouvernail, ne risquerait-il pas de ruiner les relations diplomatiques du pays, déjà mises à rude épreuve, uniquement dans une optique de préserver les intérêts de ses entreprises ou d'en acquérir de nouveaux ? Décidément, c'est une drôle de manie, récemment installée, que celle de vouloir gérer le pays à la manière d'une entreprise ! On n'en finit pas d'entendre parler de technocrates et de gens aux CV éblouissants en matière d'économie et de gestion, voire en coaching, négligeant totalement les côtés diplomatiques, humains et sociaux de la politique, la vraie, celle qui se respecte. Il faut dire que l'exemple en la matière vient bel et bien de notre classe politique actuelle qui prend le pays et sa population pour une vache à lait, et qui ne se doute même pas que cette vache, il faudrait, quand même, et de temps en temps... la nourrir. L'exemple vient aussi, des mentors de notre classe politique, ces sombres cheikhs du golfe qui jouent à la Monopoly, avec une grande partie du monde, uniquement pour préserver leurs intérêts sur le marché international du gaz. Alors, soit ! Laissons faire ces honorables hommes d'affaires. Laissons-les gouverner le pays, tout en espérant ne pas faire partie, très bientôt, d'un plan social assez costaud, avec ses licenciements et ses mises à la porte, pour assurer la survie de la boite. Euh... du pays.