Enfin, un peu d'éclaircie dans cette grisaille et cette morosité déprimante qui enveloppe depuis des mois, voire des années, la scène politique tunisienne. Cette éclaircie est l'œuvre de Mongi Hamdi, le ministre des affaires étrangères, qui semble avoir fini par comprendre qu'avec ces diplomates habitués aux smokings et aux salons, il devait monter au tableau de la classe et faire, lui-même, la démonstration de ce qu'on attendait d'eux et qu'ils n'ont apparemment pas compris. On se rappelle que lors de la dernière réunion du chef du gouvernement, cet été avec « l'élite » diplomatique tunisienne accréditée dans les capitales étrangères, Jomâa n'a pas cessé de marteler que la diplomatie dont avait besoin la Tunisie en cette période, c'est une diplomatie agressive, et de prospection, une diplomatie « économique », comme il l'avait nommée. Il a demandé des représentants de la Tunisie à l'étranger de sortir de leur cocon de soie et de prospecter chacun dans son pays d'affectation, pour dénicher et « arracher » des marchés et des opportunités d'investissements dont le pays a tellement besoin. Et c'est qu'il avait raison, Mehdi Jomâa de raisonner de la sorte, car l'ère de la diplomatie de courtoisie, de bienséance et d'allégeance et d'alliances est bel et bien révolue. De nos jours, tu as beau être gentil, aimable, courtois, voire même soumis, ce n'est pas de cette façon que tu gagneras l'estime des autres pays pour le tien. De nos jours, l'estime et les bonnes relations entre les pays sont dictées et établies par des sphères occultes dont peu de gens connaissent le secret, et s'inscrivent dans le cadre d'une politique mondiale globale bâtie sur les intérêts financiers et géopolitiques. Nous sommes en pleine ère de la politique du marché et des guerres financières, où les relations diplomatiques ne se bâtissent plus sur la base des règles de bon voisinage ni même de fraternité. Donc, autant plonger dans cet océan « d'affairisme diplomatique » sauvage, puisque c'est pour la bonne cause. La condition pour réussir dans cette entreprise étant de rester vigilant aux lignes rouges et aux limites qu'on doit s'imposer pour ne pas se faire attraper en flagrant délit de « braconnage sur le terrain de chasse des grands » ou celui de « pactiser avec le diable ». Mais vu que ces excellences de diplomates tunisiens ont fait montre de beaucoup de lenteur à la détente, leur patron, en l'occurrence, le ministre des affaires étrangères, Mongi Hamdi, a dû mettre la main à la pâte, et descendre sur le terrain, lui-même, pour leur apprendre l'art de la « diplomatie utile et agressive » ou celui de « sauter sur les bonnes opportunités ». Et profitant de son passage par Moscou, Mongi Hamdi n'a pas raté l'occasion de rappeler à ses interlocuteurs russes que la Tunisie demeure l'un des meilleurs producteurs mondiaux de plusieurs biens de consommation qui risquent de faire défaut à la population russe des suites des sanctions et de l'embargo qui lui ont été infligés par l'Europe, en réaction au conflit ukrainien. Nullement impressionné par l'énormité du marché russe, ni par le « qu'en dira-t-on » du côté des « amis » européens, Mongi Hamdi a proposé à son homologue russe, le « redoutable » Lavrov, tout bonnement, de prendre le relais des européens en matière de fourniture de la Russie en produits alimentaires qui ont de tout temps, fait la renommée de la Tunisie, et essentiellement, l'huile d'olive et les fruits et légumes. Et cette offre n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd, et le Sieur Lavrov en était extasié, et a promis de tout faire pour concrétiser un accord dans ce sens. Très beau coup de maitre de la part de Mongi Hamdi ! Reste à savoir si ses disciples ont retenu la leçon et s'ils seront capables de relever le défi qu'il vient de leur lancer ?