Dans la perspective des prochaines élections, présidentielles et législatives, la mouvance destourienne, rcdéiste en particulier, semble renaitre de ses cendres, plus visible dans le paysage médiatique et plus agissante sur la scène politique. Un retour en force des icônes du régime déchu. Un noyau de l'ancien régime réinvestit le champ politique et l'espace social. Outre Kamel Morjane, dernier ministre des affaires étrangères, qui a sauté le pas dès le début, créant un parti politique et glanant cinq sièges à l'ANC, d'autres ministres de Ben Ali, notamment Mustapha Kamel Nabli, Mondher Zenaidi, Abderrahim Zouari (les deux derniers étant blanchis par la justice), sont en course pour briguer la magistrature suprême. A la différence de Mondher Zenaidi et Abderrahim Zouari qui n'hésitent pas à afficher les couleurs destouriennes et assumer leur passé, Mustapha Kamel Nabli, pour sa part, veut jouer dans un autre registre et se démène pour se présenter, non au nom du mouvement destourien dont il s'évertue de se démarque, comme candidat indépendant et neutre, sans machine partisane ni alliance idéologique, comme porte-drapeau des forces démocratiques et laïques. Une tentative de grignoter sur l'électorat de BCE, un autre candidat qui d'une part se réclame de la mouvance destourienne, bourguibienne surtout, et d'autre part, fait ses emplettes électorales dans le camp laïc. Mustapha Kamel Nabli a-t-il bien calculé son coup? Emprunter la route tortueuse de Carthage en solitaire est-il la bonne tactique? Il aurait fait un excellent chef de gouvernement, a-t-il choisi le mauvais cheval de bataille? D'aucuns estiment qu'il aurait dû négocier son adhésion à Nida Tounes et obtenir, en contrepartie, le poste en cas de victoire au plus grand nombre de siège. Le scénario aurait été fructueux aux deux parties. Un bon deal de part et d'autre. En effet, Mustapha Kamel Nabli, dont le capital sympathie auprès de plein d'électeurs et de partis politiques est une réalité et non moins un atout, aurait grossi les rangs de Nida Tounes et ramené, de toute évidence, un complément de voix plus ou moins important. Voilà bien cinq candidats aux présidentielles, figures représentatives de la mouvance destourienne, dont l'analogie en termes d'affinités politiques et d'héritage référentiel ne les a pas empêchés de faire chacun cavalier seul et de jouer chacun sa propre carte. En fait, leur proximité a agi comme un facteur non d'association mais de désunion. Nul doute que le fait que, contrairement aux trois autres, BCE et Kamel Morjane disposent de leur propre formation politique, avec sa discipline interne, son programme et son ordre de priorités n'est pas pour faciliter ce genre de mariage. Ceci dit, pourquoi les trois autres postulants, pourtant électrons libres, n'ont-ils pas accordé leurs violons pour convenir, par arbitrage, par négociation ou toute autre forme de désignation, d'un seul candidat aux présidentielles? Ce qui laisse penser que, comme les hommes politiques tunisiens, les éléphants destouriens sont également rongés par la course au leadership et la guerre des egos. Donc, les destouriens opèrent par ordre dispersé et délitent leur camp, lequel aurait pu pourtant se positionner sur l'échiquier électoral si les « frères ennemis » avaient fait bloc derrière un seul candidat, un seul projet, un seul front, mutualisant leurs efforts et leurs ressources pour approcher cette grande échéance d'une manière plus soudée et peut-être plus performante. Il ne s'agit aucunement ici de faire l'apologie de l'idéologie destourienne et sa composante rcdéiste ( si tant est qu'il soit admis de parler d'idéologie) mais surtout de dresser un constat, d'analyser une situation. D'autres part, il est à observer que les destouriens, du moins l'écrasante majorité, se démènent pour occulter une tranche de l'histoire moderne de la Tunisie, à savoir l'ère Ben Ali. Ils crient sur tous les toits qu'ils s'en dissocient pour dresser une passerelle entre la période actuelle et le règne bourguibien, pour cultiver la pensé bourguibienne. Ainsi, pour les destouriens, l'héritage bourguibien est devenu un refuge, un chemin de rédemption, un tremplin pour exister dans le paysage politique national. Finalement, ils n'existent pas par eux-mêmes, mais à travers le prisme bourguibien. En conclusion, les candidats de l'ancien régime se soumettent au verdict du peuple, au scrutin dont les résultats pourraient conditionner, dans une large mesure, leur carrière politique, actuel et futur. Mondher Zenaidi, Kamel Morjane, Mustapha Kamel Nabli et Abderrahim Zouari, ministres de Ben Ali, se présentent aux élections dans une autre peau, envahissent les devants de la scène politique et médiatique sans sourciller. Est-ce la volonté de se racheter et de contribuer à la construction de la Tunisie post-révolution, de s'expier qui les fait courir ou sont-ils animés par d'autres mobiles ?!