La récente nomination d'Habib Essid au poste de Chef du gouvernement soulève plus de questions qu'elle n'en résout. Au premier plan, l'engagement de BCE qu'aucun membre des gouvernements de Ben Ali ne soit porté à la primature. Une promesse non tenue ! Habib Essid était Secrétaire d'Etat, sous Ben Ali, à moins que BCE ne considère qu'un Secrétaire d'Etat ne fasse pas partie de quelconque gouvernement, ce qui n'est pas le cas. Alors pourquoi cette frasque ?! En second plan, BCE a promis un vaste éventail de concertation pour assurer une désignation consensuelle et largement partagée. Est-ce le cas ? A priori non, dès lors que le Front Populaire en a été écarté. D'ailleurs, comment se fait-il que le Front Populaire n'en ait pas été consulté ?! Il est difficilement recevable que BCE ait choisi de faire l'impasse sur une telle formation politique, censée figurer au nouveau gouvernement et non rejetée dans l'opposition. BCE n'avait pas raté une occasion pour dire toute la sympathie qu'il nourrit à l'égard du Front Populaire et de son unité. Et voilà qu'à la première grande décision, il fait volteface. Le fait qu'Ennahdha ait signifié aussitôt sa disposition à travailler avec Habib Essid laisse penser que, dans l'esprit de BCE, l'aval d'Ennahdha est plus décisif que toute autre position. En quelque sorte, ce parti détient un droit de veto, ce dont BCE est peut-être d'accord. Tout compte fait, il n'est pas interdit de conclure qu'Habib Essid ait été nommé beaucoup plus par Ennahdha que par Nida Tounes. Tout au moins avait-il agi, en coulisses, pour imposer un nom qui lui agrée. BCE n'a fait que suivre, quitte à passer sous silence l'opinion que peut en avoir le Front Populaire. Dans le même ordre d'idées, il est à se demander si les partis en soutien (UPL, AT et Moubadara) étaient-ils au courant de la désignation, en étaient-ils approchés ? Rien n'indique l'inverse. Autre point : Personne ne sait sur quelle base le choix s'est porté sur Habib Essid. Mohamed Ennaceur, président de l'ARP, a avancé les critères d'indépendance et d'expérience pour justifier la décision. Indépendance ? Par rapport à qui, à quoi ?! Comment il est présenté comme indépendant alors qu'il est tenu à appliquer le programme de Nida Tounes ?! Il n'y a pas d'indépendants en politique, notamment quand il s'agit de la tête de l'Etat. Les affinités personnelles de BCE avec le bonhomme ne sont pas à exclure, ce qui laisse croire que le nouveau président de la république ne veut pas d'un partenaire, à armes égales, au sein de l'Exécutif mais d'un faire-valoir qu'il peut maitriser, voire même instrumentaliser. Et c'est à juste titre que Hamma Hammami épingle le « message négatif » que vient de livrer BCE, et laisse craindre que « le pouvoir réel sera au palais présidentiel de Carthage » , avant d'ajouter que le Front Populaire est aujourd'hui plus proche de l'opposition. Ce qui veut dire qu'Habib Essid ne bénéficie guère de l'appui du Front Populaire. En tout état de cause, la balle est déjà partie, défrayant la chronique et faisant couler beaucoup d'encre. De toute évidence, le premier teste de BCE ne semble pas être vraiment concluant ou fructueux. Attendons voir !